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poison ingérée est moindre, qu'ensuite les secours sont plus promptement administrés, et le malade s'y prête mieux. Les suicidés cherchent non-seulement à cacher leur action, mais prennent ordinairement des doses assez fortes de poison, en tiennent quelquefois en réserve, s'opposent même au traitement; aussi faut-il les surveiller avec soin. Le diagnostic des homicides étant souvent assez long, le poison est absorbé en plus grande quantité.

Le pronostic est plus fâcheux quand les effets constitutionnels se sont déjà manifestés, siégent sur les organes les plus importants, sont parvenus à leur plus haute période, concordent avec des lésions graves du tube intesti nal, l'abaissement de température, la faiblesse, l'irrégularité du pouls, la suppression d'urine, etc. C'est tout le contraire lorsque le traitement a été employé avec vigueur dès le début, le poison en grande partie expulsé avant les effets secondaires se soient manifestés, lorsque enfin il a été bien institué.

que

Pour chaque groupe de poisons, il y a des effets qui doivent spécialement fixer l'attention relativement au pronostic avec les poisons dits acres, irritants, il est d'autant plus grave que la cautérisation est plus profonde, le froid à la peau, la faiblesse du pouls plus intenses; la suspension de la sécrétion urinaire plus persistante avec les poisons narcotiques, c'est le coma, la gêne de la respiration, qui offrent le plus de gravité: avec les anesthésiques, c'est aussi la géne de la respiration et surtout les troubles de la circulation: avec les tétaniqués, ce sont les symptômes tétaniques et asphyxiques: avec les septiques, en outre de la nature du poison, le pronostic est d'autant plus grave que les principaux organes ont été plus promptement envahis. Enfin, dans les empoisonnements lents, la gravité du pronostic se déduit des lésions plus ou moins profondes des organes gastro-intestinaux, des phénomènes de l'innervation, de l'assimilation.

CHAPITRE IV.

Thérapeutique toxicologique.

Les empoisonnements ayant lieu par accident, par erreur du médecin ou du pharmacien, par suicide ou par homicide, et les effets pouvant être aigus, lents ou consécutifs, nous diviserons le traitement en prophylactique et curatif: ce dernier sera divisé en quatre articles, selon la nature des effets, leur succession, etc.

I.-Prophylaxie.

Les empoisonnements accidentels s'effectuent, le plus souvent: 1° avec des poisons liquides ou solides, pris pour des boissons, des aliments, des condiments; 2° avec des matières alimentaires, médicamenteuses altérées, préparées ou conservées dans des vases en poterie commune, en cuivre, en plomb, en zinc ou tout autre métal facilement oxydable; 3° avec des plantes toxiques, mêlées à des plantes alimentaires (champignons, ombellifères, solanées vireuses, etc.); 4° avec des gaz provenant des lieux méphitiques (égouts, fosses d'aisances, etc.), des matières en combustion ou en fermentation (gaz de l'éclairage, de la combustion, d'un four à chaux, d'une cuve en fermentation, etc.). Si ces diverses circonstances et le moyen de prévenir ces accidents, d'y remédier, étaient mieux connus du public, ils seraient bien moins fréquents (voyez Empoisonnement par les matières alimentaires et gazeuses).

Les erreurs du médecin proviennent souvent de ce que, n'étant pas bien au courant de la nomenclature chimique, il emploie une expression pour une autre, celles de sulfure

de potassium, de sodium, pour de sulfate de potasse, de soude; celle de bichlorure de mercure, pour du proto-chlorure, etc.; ou bien parce qu'il prescrit des médicaments très-actifs, à dose trop élevée, n'indique pas bien le mode d'administration, associe des substances qui, par réaction chimique, don-nent lieu à un produit toxique. Il éviterait ces causes d'erreur, en faisant suivre le nom scientifique du non vulgaire, placé entre parenthèse (sublimé corrosif, foie de soufre, etc.), en précisant bien l'emploi du médicament, en notant sur son calepin la dose exacte des médicaments trèsactifs qu'on peut donner en une seule fois, ou dans les 24 heures. Notre habitude est, avant de sortir de chez le malade, de relire la formule à faible voix. Nous avons ainsi une contre-épreuve de visu et auditu.

Les pharmaciens, leurs élèves, se trompent soit en lisant inal la formule, ce qui dépend souvent du médecin, qui semble l'avoir tracée en caractères illisibles, pour ne pas faire mentir le proverbe; soit en donnant un médicament très-actif pour un autre, l'acide oxalique pour du sulfate de magnésie, etc., un externe pour un interne; soit parce que le médicament est mélangé à des substances toxiques, le sulfate de potasse avec du sublimé, du sel d'oseille; le tartrate de potasse avec de l'arséniate de soude; la rouille avec du kermès; soit parce qu'il est préparé dans des vases en cuivre malpropres ou oxydés. Ces erreurs, si souvent funestes, seraient évitées si le pharmacien renfermait exactement les substances actives dans une armoire, s'il apposait sur les flacons des étiquettes de couleurs différentes, comme cela se pratique dans les jardins botaniques pour indiquer les plantes médicales, toxiques et alimentaires ; s'il plaçait dans un lieu différent les préparations magistrales internes et externes ; s'il vérifiait la pureté des vases, des médicaments avant de les livrer au public; si enfin, dans le cas ou une erreur étant commise par le médecin, il n'exécutait la formule qu'après lui en avoir fait part. Si les

pharmaciens, et surtout les droguistes, les herboristes s'en tenaient à leur état, les empoisonnements seraient bien moins fréquents. Quant aux charlatans, c'est à la police à y veiller.

Il n'est pas de notre objet d'indiquer les causes morales, politiques, sociales et religieuses qui portent au suicide, à l'homicide par empoisonnement. C'est un sujet bien digne d'étude. Au diagnostic, nous en donnons une espèce de statistique. On pourrait les rendre moins fréquents en ne délivrant absolument les médicaments actifs que sur l'ordonnance du médecin ; ou bien, si c'est un poison employé dans les arts, l'agriculture, en ne le donnant expressément que sur la déclaration par écrit de la personne, sur l'usage qu'elle en veut faire, attestée par celle d'un magistrat du lieu. Ces précautions sont d'autant plus utiles que plusieurs suicidés se sont procuré des doses toxiques d'émétique, de laudanum, etc., en demandant des doses médicamenteuses chez plusieurs pharmaciens, et les criminels des préparations arsenicales, cuivreuses, phosphorées, etc., en prétextant tout autre emploi. La police devrait aussi être bien plus sévère pour la vente des produits commerciaux toxiques.

II.-Traitement curatif.

Dans tout empoisonnement, il y a trois indications qui, en définitive, se réduisent à deux : 1° empêcher l'absorption du poison; 2o le neutraliser par un contre-poison; 3° en combattre les effets.

1. Indication (empêcher l'absorption du poison).

Si le poison a été appliqué sur la peau, sur une plaie, une muqueuse externe, il faut faire des lotions avec de l'eau simple ou chargée de substances émollientes, du contre

poison, appliquer une ligature du côté du cœur, ou mieux encore des ventouses sèches ou scarifiées sur la partie. Dans quelques cas, comme dans la morsure par les animaux venimeux, on la scarifie profondément, afin d'entrainer le poison par le sang qui s'écoule de la plaie, ou bien on la cautérise soit avec le fer rouge, soit avec d'autres caustiques, l'acide sulfurique, la potasse, le chlorure d'antimoine, l'ammoniaque, le chlore, l'iode, le brome, selon la nature du poison, la position, le volume, la texture des parties, etc. Tout récemment, M. Reynoso a essayé plusieurs de ces caustiques sous le point de vue de leur causticité, de l'influence qu'ils exerçaient sur le curare. Il a constaté: 1° que l'acide sulfurique n'altérait pas ce poison; 2o que l'iode, le chlore l'altéraient en partie; 3o que le brome, métalloïde qui possède des propriétés caustiques très-actives, le dénaturait complétement; par conséquent, sous ce double rapport, le brome serait préférable contre la morsure des animaux venimeux, car, probablement, il agirait sur les venins comme sur le curare. M. Reynoso se propose de l'expérimenter contre la morsure des chiens enragés.

Les expériences de M. Barry, répétées par Laennec, Orfila, MM. Andral, Adelon, rapporteur, démontrent que les ventouses sèches peuvent arrêter, suspendre les effets de la strychnine, de l'acide cyanhydrique, du venin de la vipère, de l'eupas tieuté, déposés sur un muscle, le tissu cellulaire, si elles sont appliquées à temps et pendant 1/2 heure, que leur effet, même après avoir été enlevées, se prolonge encore pendant 1 heure et 1/2 à 2 heures. Fontana propose l'amputation du doigt ou de la partie, quand cela est possible, dans les 20 premières secondes de l'application du toxique, amputation qui, d'après Barry, peut être remplacée par les ventouses. M. Brainard, en outre des ventouses, emploie l'iodure de potassium, qui, d'après M. Reynoso, agit comme caustique; aussi le brome

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