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C'est surtout après les grandes révolutions politiques et sociales, lorsque tant de fortunes, de positions se trouvent compromises les chagrins d'amour, etc., les maladies chroniques, la perte au jeu, l'ennui de la vie, les contrariétés, ete., en sont souvent la cause déterminante. Le poison est l'arme dont se servent les femmes, les personnes faibles de caractère. Nous en citons plusieurs exemples avec le phosphore, les iodés, les acides, l'eau de javelle, les préparations arsenicales, antimoniales, mercurielles, cuivreuses, opiacées, cyaniques, les plantes vireuses, le gaz de la combustion, etc. C'est ordinairement avec les poisons qui sont employés comme médicaments, dans les arts, le commerce, parce qu'on peut se les procurer plus facilement, en prétextant tout autre emploi.

Dans le département de la Seine, il y a annuellement environ 600 suicides. Sur 4595, on en compte 1426 par le charbon, 158 par empoisonnement, 44 rapports énoncent seulement les substances toxiques: 16 par l'acide sulfurique; 7 par l'acide nitrique; 6 par l'arsenic; 5 par l'opium; 2 par l'eau-de-vie; 1 par l'eau seconde; 2 par la noix vomique; 2 par le colchique; 2 par l'acide cyanhydrique; 1 par le bleu de composition (M. Brière de Boismont). Combien de suicides passent inaperçus! Quel est le médecin qui n'en ait eu à traiter, surtout par le laudanum? quelquefois même de simulés, de prétextés dans un but d'avortement par le traitement que nécessitent ces sortes de cas, ou pour toute autre cause? Nous pourrions en citer plusieurs exemples. C'est souvent une position bien délicate pour le jeune médecin.

LES HOMICIDES par empoisonnement, quoique moins fréquents que les autres genres de crime, sont cependant assez communs. C'est ordinairement avec les poisons dont on peut facilement masquer les caractères organoleptiques. La population des bagnes de Brest, de Toulon, de

Rochefort, au 1er janvier 1850, était de 7,690 individus, dont 65 pour crime d'empoisonnement. En 10 ans, en France, pour 335 accusations, il y a eu 444 accusés et 392 victimes, dont 187 de morts, 171 d'indisposés, 34 avec tentatives sans effets (M. Cormenin). De 1826 à 1845, en moyenne par année, 32 accusations d'empoisonnement ont été portées devant les cours d'assises, ce qui fait en tout 613 accusations, dont les 2/3 environ sont dues à l'arsenic (M. Flandin).

En France, de 1844 à 1845, le nombre des empoisonnements a été à peu près le même, de 48 à 52 par année. En 1841, il y en a eu 38 par l'arsenic; 4 par le cuivre : 2 par le plomb; 2 par l'acide sulfurique; 1 par l'acide azotique; 1 par le laudanum; 2 par la noix vomique; 2 par les cantharides; les autres par le datura, le colchique, etc.

En Angleterre, en 2 années (1837 et 1838), il s'est produit 544 empoisonnements de tout genre: 186 par l'arsenic; 15 par le mercure; 2 par l'antimoine; 32 par l'acide sulfurique; 3 par l'acide azotique; 19 par l'acide oxalique; 193 par l'opium; 34 par l'acide cyanhydrique; les autres par des poisons divers.

A New-York, en 3 années, il y a eu 83 cas d'empoisonnement vérifiés; 13 par l'arsenic; 8 par l'opium; 39 par le laudanum; 3 par la morphine; 3 par le sublimé; 1 par le colchique et autres poisons.

Dans le pays de Galles, sur 171 accusations de crime d'empoisonnement, 84 ont été commis par des hommes; 87 par des femmes. En Écosse, sur 15, 5 par des hommes; 10 par des femmes. En Irlande, sur 56, 25 par des hommes; 31 par des femmes.

Ces relevés sont loin d'exprimer toute la vérité, car plusieurs empoisonnements restent ignorés, étant plus faciles à cacher que les autres genres de crime. L'avarice, la ven. geance, la jalousie, la dépravation morale, etc., sont les principaux mobiles des homicides par empoisonnement.

En France, c'est surtout avec l'arsenic, et, en Angleterre, en Amérique avec l'opium, l'acide cyanhydrique, oxalique, peut-être en raison de leur fréquent usage. Les pâtes, les allumettes phosphorées commencent à remplacer les préparations arsénicales. Nous en citons quelques cas par le sulfate de fer, les cantharides. Les acides minéraux sont quelquefois jetés à la face, dans le but de défigurer, et même dans la bouche des enfants pendant qu'ils dorment. Les plantes vireuses, surtout le datura, sont mêlées au tabac, au vin, pour abuser des personnes ou les voler. Deux voleurs ont narcotisé un jeune homme avec du tabac et lui ont volé 500 francs. Deux Auvergnats, en voyage, sont invités par deux individus à boire dans un cabaret; sous le prétexte que le vin est mauvais, ils y ajoutent une poudre qu'ils disent ètre du sucre; après un 1/2 kilomètre de marche, les Auvergnats tombent sans connaissance, et on les trouva dévalisés. Dernièrement, deux endormeurs et assassins ont été condamnés à mort.

Les poisons sont ordinairement mêlés aux aliments, aux boissons, aux condiments, aux médicaments. Sur 81 cas, ils l'ont été 34 fois à du potage; 8 à du lait; 6 à du pain; 4 à de la farine ; 4 à du vin ; 4 à du pâté; 5 à du chocolat; 4 à des médicaments; 2 à du café; 1 à du cidre; 1 à une volaille. Des individus ont empoisonné, avec de l'acide arsénieux, l'eau d'une mare, d'une fontaine, d'un puits, une barrique de vin. Morgagni reconnut qu'un de ses malades était empoisonné, le domestique lui ayant dit que M. X.... avait ajouté à la tisane une poudre qu'il n'avait pas prescrite, et sans éveiller de soupçons, il parvint à le guérir et à éviter une nouvelle tentative. Un homme a tenté, à trois reprises différentes, d'empoisonner son beaufrère avec de l'emplâtre vésicatoire qu'il mettait dans le potage; une autre, sa belle-sœur, en introduisant de l'arsenic dans une potion prescrite par le médecin. Une femme succombe après une courte maladie, qui s'était manifestée

par une tuméfaction considérable des parties génitales, avec pertes utérines, vomissements, selles abondantes, etc.; à l'autopsie, on trouva un état gangréneux de la vulve, du vagin, des intestins, le ventre météorisé. Il résulta des débats que son mari, au moment de jouir de ses droits conjugaux, avait introduit de l'arsenic dans le vagin (M. Ansiaux de Liége). Nous avons cité un cas semblable d'un mari qui aurait fait périr ses trois femmes par la même voie; cependant ce fait est contesté. Il est des criminels qui, pour empoisonner une personne, dans le but d'en hériter, de se venger, etc., n'ont pas craint de porter la désolation dans plusieurs familles, en mettant le poison dans le sel, la farine, les boissons, un pâté, des gâteaux, etc. les matières gazeuses, Nous citons quelques homicides par surtout par le gaz de la combustion, le criminel prétextant vouloir s'asphyxier avec la victime. Il nous est impossible d'indiquer toutes les circonstances dans lesquelles peuvent s'effectuer les homicides par empoisonnement. Ce petit exposé peut cependant suffire pour en éclairer le diagnostic, surtout en s'aidant des effets, des circonstances qui ont précédé la perpétration du crime, de l'inspection, de l'analyse des matières alimentaires, des déjections, etc.

Les empoisonnements PAR ERREUR, PAR INADVERTANCE OU ACCIDENTELS, sont peut-être de tous les plus fréquents, et s'observent par toutes les voies (voyez chapitre II). Quelques auteurs paraissent mettre en doute l'intoxication par la peau non dénudée. Les expériences récentes de M. Homolle viendraient à l'appui de cette assertion. Ayant pris un bain d'iodure de potassium, ses urines devinrent alcalines sans traces d'iode. Pourquoi ne pas examiner la salive? Il n'éprouva non plus aucun effet dans un bain préparé avec 1 à 2 kilogrammes de belladone ou de digitale. Ces expériences n'infirment pas les faits que nous rapportons dans l'empoisonnement par les plantes vireuses, les mercuriaux, auxquels nous pourrions joindre

les suivants. Le fils d'un médecin succomba dans le narcotisme pour s'être appliqué un cataplasme fortement laudanisé sur l'épigastre. Un homme fut atteint de la colique de cuivre pour avoir immergé, à plusieurs reprises, ses mains dans un bain de sulfate de ce métal, afin d'en retirer des lames de zinc. Dans un concours, 5 candidats, en disséquant 5 cadavres injectés avec une dissolution arsénicale, eurent des étourdissements, des éblouissements, des coliques, de la diarrhée, des nausées, des vomissements, des douleurs lancinantes dans les doigts, au niveau des ongles, etc. Le seul candidat qui n'avait pas disséqué n'éprouva rien. M. Flandin a fait périr promptement des chiens, en leur frictionnant le ventre, la partie interne des cuisses avec une pommade arsénicale. On donne un bain arsénical à 229 moutons affectés de gale; 2 ou 3 jours après ils sont engourdis, comme paralysés; leur peau se dépouille, comme si elle eût été brûlée. 11 agneaux et une brebis succombent; les chiens refusent de les manger. 28 restent en traitement pendant un mois, incapables de se tenir debout. Les brebis perdirent leur lait. Sur 50, il n'y en eut que 11 qui purent continuer de nourrir (Moniteur des hôpitaux, 1853). Ces deux derniers faits, quoique moins probants, car on pourrait objecter que l'épiderme a été altéré par les frictions, l'effet caustique du poison, démontrent cependant, avec ceux qui sont déjà connus, la possibilité de l'intoxication par la peau, qu'il y ait ou non lésion de l'épiderme.

Les empoisonnements accidentels par la peau dénudée, le tissu cellulaire, une plaie, les muqueuses externes, sont assez fréquents, et ont lieu, le plus souvent, par l'emploi des cosmétiques, surtout des médicaments administrés à dose ordinaire, pendant trop longtemps, ou à dose trop élevée soit contre la gale, la vermine, les maladies cutanées, ou pour détruire des cancers, des tumeurs; soit en injection, dans le pansement des plaies. Nous en rapportons plusieurs

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