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exemples aux préparations arsénicales, mercurielles, plombiques, aux plantes vireuses. L'amirauté anglaise, voulant imprégner le bois de construction d'une solution d'acide arsénieux pour le conserver, fut obligée d'y renoncer, parce que les plus légères blessures avec des échardes de ce bois étaient très-graves ou mortelles. Un jeune homme auquel M. Nélaton injecta dans un abcès froid de la cuisse gauche environ une seringuée de teinture d'iode, mêlée à 2 parties d'eau et d'iodure de potassium, éprouva, 5 heures après, des étourdissements, des troubles de la vue, des crachotements, des vomissements, une très-grande prostration, gène de la respiration avec extinction de la voix, toux croupale, enfin un œdème aigu de la glotte; accidents que le même praticien avait déjà observés chez une femme à laquelle il avait administré 1 gram. d'iodure de potassium. Nous rapportons des accidents plombiques déterminés par du cérat saturnisé, par du sparadrap appliqué sur une plaie, par de l'eau blanche employée en collyre, en injection vaginale. Toutes les fois qu'une personne éprouvera des accidents insolites, qu'on ne puisse attribuer à l'ingestion des aliments, des boissons, des médicaments, au séjour dans un lieu délétère, il faudra s'informer si elle n'a pas employé quelque cosmétique, subi un traitement externe, travaillé les préparations plombiques, cuivreuses, etc.

Les empoisonnements accidentels par les voies pulmonaires passent souvent inaperçus, ne sont reconnus que lorsque des accidents graves ou mortels se sont déclarés. Le médecin ne saurait trop se pénétrer des circonstances dans lesquelles les matières gazeuses peuvent se produire, et s'il est appelé auprès d'une ou plusieurs personnes indisposées par leur séjour plus ou moins prolongé dans un même lieu, surtout si ces accidents se renouvellent toutes les fois qu'elles y restent quelque temps, s'il n'y a pas d'autre cause physique apparente, il doit supposer qu'ils dépendent d'un air vicié par des gaz, des vapeurs qui

s'infiltrent par la cheminée, le tuyau du poêle, la porte, les fenêtres, les fissures du mur, du plancher, et faire des recherches à cet effet. Ces accidents ont souvent leur cachet symptomatique. Nous citons des cas d'intoxication saturnine, méconnus pendant un certain temps, chez des personnes qui ont employé de la peinture, habité des lieux récemment peints; des cas de salivation par les vapeurs mercurielles, provenant de la rupture d'un baromètre, ou de la chambre voisine d'un dentiste; des accidents cérébraux ou autres déterminés par la fuite du gaz de l'éclairage, des lieux d'aisance, de la carbonisation des poutres d'un mur, d'un plancher, adossées à un tuyau de poêle, par l'odeur des fleurs, des matières pulvérulentes répandues dans l'atmosphère.

Les empoisonnements accidentels par la voie gastrique sont, de tous, les plus fréquents, et ont lieu dans les circonstances indiquées page 76. Si une ou plusieurs personnes, auparavant bien portantes, après avoir pris des aliments, des boissons, des médicaments, éprouvent des accidents insolites, qui ne puissent être rapportés à un état morbide antérieur, à l'idiosyncrasie, à l'antipathie pour certaines matières alimentaires, aux modifications que celles-ci éprouvent à certaines époques de l'année (moules, poissons, etc.), à leur quantité, leur température (boissons froides), à une cause morale, à une disposition particulière actuelle, etc., il doit examiner avec le plus grand soin ces matières, les vases dans lesquels on les a conservées ou préparées, envoyer chez le pharmacien chercher du même médicament, se transporter sur les lieux où les plantes, les fruits ont été cueillis, pour s'assurer s'il n'y a pas de toxiques (champignons, ciguë, belladone, etc.). Dans les empoisonnements multiples, il portera şon attention sur la farine, les boissons, le sel et autres condiments; s'assurera si, parmi les personnes, il n'en est pas de plus indisposées que les autres, quel genre

d'aliments elles ont spécialement mangé, en quelle quantité, la partie même de cet aliment; si enfin les chats, les chiens, qui ont pris de ces aliments, les matières des vomissements, ont été ou non incommodés. C'est en mettant à contribution ces données diverses, en ayant égard à la nature des effets, aux circonstances concomittantes, que le médecin pourra diagnostiquer un empoisonnement accidentel de tout autre état morbide, et même d'un homicide. Dernièrement, plusieurs personnes sont incommodées, le médecin reconnaît un empoisonnement; c'était par du fromage auquel la marchande avait ajouté de l'arsenic pour empêcher qu'il ne soit attaqué par les

vers.

Trois personnes, après avoir mangé une soupe au fromage, éprouvent de graves accidents; Morgagni soupçonna un empoisonnement, parce que la plus incommodée était celle qui avait mangé le plus de fromage et le moins de soupe. L'aubergiste avoua que, par erreur, il s'était servi de fromage arsénical, destiné à tuer les souris. Plusieurs empoisonnements accidentels ont été reconnus par la présence du poison dans les vomissements, les aliments, par une saveur spéciale, la nature des symptômes, les accidents éprouvés par les animaux, etc.

Si le médecin soupçonnait un homicide par empoisonnement, il devrait procéder avec la plus grande discrétion, soit pour instituer le traitement, comme l'a fait Morgagni, soit pour recueillir les matières qui lui paraîtraient suspectes, celles des vomissements, les urines, etc., tout en donnant à entendre que c'est pour s'éclairer sur la cause, la nature de la maladie. Ici s'élève une question très-grave, à savoir s'il faudrait se taire, comme l'a fait Morgagni, ou bien divulguer le crime? (Voyez les rapports.)

II.-Erreurs quant aux causes.

La constatation du poison dans les aliments, les boissons, les condiments, les médicaments, nos organes, nos liquides, les vêtements, enfin dans les matières suspectes, ne prouve pas qu'il y soit introduit dans un but coupable, d'abord parce qu'on ne le retire pas toujours tel qu'il y a été mélé, qu'ensuite les diverses matières peuvent le renfermer normalement ou accidentellement. Le poison peut aussi provenir des réactifs, des vases, des instruments, de la terre des cimetières, avoir été administré antérieurement comme médicament ou ingéré après la mort dans le tube intestinal. A ces diverses causes d'erreur, très-importantes à connaître, nous consacrerons un article spécial aux chapitres des questions toxicologiques et des rapports.

III.-Erreurs quant aux effets, aux lésions.

Plusieurs poisons donnent lieu à un ensemble de symptômes, de lésions qui offrent la plus grande analogie avec certains états morbides aigus ou chroniques. Des erreurs très-graves, à cet égard, ne sont pas rares; souvent même des empoisonnements accidentels ou criminels passent inaperçus, ne sont reconnus que lorsqu'il y a eu plusieurs victimes ou tentatives. Nous en citons des exemples aux poisons les plus importants, aux matières gazeuses, etc. Il est même extraordinaire, à une époque où la science toxicologique a fait tant de progrès, que la servante Jegado (assises de Rennes) ait été convaincue d'avoir fait périr, par l'arsenic, 45 personnes de tout âge, de 1833 à 1849. Cela tient à ce que cette science n'est pas assez vulgarisée, assez envisagée sous le point de vue pratique ou du diagnostic, qu'on s'est plutôt occupé de toxicologie canine, que de toxicologie humaine. Cependant les observations d'empoisonnement ne sont pas rares, e en com

pulsant les journaux nationaux et étrangers, il serait facile de composer une monographie sur les poisons les plus importants; c'est ce que nous avons essayé de faire dans la toxicologie spéciale.

Dans l'impossibilité de retracer tous les états morbides qui peuvent simuler l'empoisonnement, nous indiquerons seulement les plus importants, ceux qui ont été le sujet d'expertises légales, en insistant sur les effets, les lésions qui offrent le plus d'analogie. S'il est des cas, comme le dit M. Tardieu, où la cause matérielle de la mort est manifeste, il en est bien d'autres où elle reste douteuse ; c'est surtout dans ces derniers que l'analyse doit intervenir, même dans tous, quand il y a des soupçons, parce que les coupables, afin de mieux dissimuler le crime, donnent assez souvent le poison pendant les maladies, et alors il est quelquefois nécessaire de déterminer son rôle comme cause déterminante ou concomittante.

Il n'est pas possible de confondre les états morbides avec les empoisonnements, qui ont une expression 'symptomatique différente, l'intoxication par les narcotiques, les tétaniques, avec les maladies qui siégent sur le tube intestinal; aussi, la division des poisons en sections, d'après leurs effets, est-elle d'une grande utilité sous le point de vue du diagnostic. Cependant, comme plusieurs poisons agissent à la fois sur divers systèmes d'organes, et à cause des anomalies qui peuvent se présenter, il importe de ne pas se prononcer d'après un seul symptôme, mais d'après l'ensemble, de ne pas confondre, par exemple, l'insensibilité, la paralysie, la stupeur qu'on observe quelquefois dans l'empoisonnement arsénical avec celles qui résultent de l'intoxication par les narcotiques.

EFFETS PRODUITS PAR LES BOISSONS FROIDES.-Les accidents par les boissons froides, l'eau, le vin, la bière, les

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