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2o Avec le sulfate de cuivre, donné à la dose de 0,12, à 0,15, tous les jours, pendant quinze jours, deux mois, il l'a trouvé dans les urines seulement les trois premiers jours, après avoir cessé son administration, et au moins huit mois après dans le foie, l'estomac, l'intestin, le fémur. La peau, la graisse n'en ont pas fourni. M. Chevallier l'a retiré des cheveux des ouvriers en cuivre.

3o Avec l'acétate de plomb, administré pendant un mois, à la dose de 0,50 par jour, il n'a trouvé le plomb dans les urines que trois jours après.Le foie, les intestins, le cerveau, le fémur en donnaient encore après huit mois. L'estomac, les veines, la graisse, l'épiploon, la peau n'en contenaient point à cette époque. Le foie de deux petits, allaités par une chienne, donnait du plomb 3, 4 jours après la cessation de l'acétate, et celui de la mère ainsi que l'estomac soixantedouze jours après.

4o Le sublimė, donné à la dose de 0,01 à 0,50, se trouve dans les urines cinq à six jours après son introduction dans l'estomac, et dans la salive, quand il y a salivation, les premiers jours de la suspension du traitement, non le cinquième. M. Orfila a retiré le mercure du foie, des intestins, des reins; il n'en a pas trouvé dans la graisse, les poumons, les os, quand les organes précédents en contenaient. I croit que le mercure est éliminé au bout d'un mois et considère les reins comme le principal émonctoire, tandis que d'après Colson ce serait la muqueuse stomacopharyngienne. Nous citons quelques autres faits très-remarquables, ci-après (recherche du mercure absorbé), où le mercure a été trouvé dans le lait.

Ces expériences démontrent que, dans les cas d'empoisonnement lent, successif, les poisons envahissent successivement les organes les plus vasculaires, puis les moins essentiels à la vie; que, au fur et à mesure, ils développent des effets en rapport avec le rôle fonctionnel de l'organe envahi; que leur présence dans les organes, surtout les

moins importants, même dans tous, le foie, etc., n'est pas incompatible avec l'état de santé; que leur élimination se fait d'une manière intermittente, n'est complète qu'après un certain laps de temps, qu'il est impossible de limiter et qui varie selon la nature du poison, son mode d'administration, etc.; qu'enfin l'absence du poison dans l'urine ne prouve pas qu'il soit complétement éliminé. Très-probablement avec les autres poisons de la 4o section qui, comme les sels d'antimoine, de plomb, de cuivre, de mercure, d'argent, forment des composés insolubles avec les principes immédiats du sang, de nos tissus, obtiendrait-on les mêmes résultats, s'ils étaient aussi administrés par doses successives. Au diagnostic nous ferons ressortir l'importance de ces faits sous le point de vue légal.

Quant aux poisons qui n'ont que peu ou pas d'action chimique sur le sang, les tissus, qui ne forment pas avec eux des composés insolubles, leur élimination est plus prompte, plus complète et se fait par presque toutes les voies; c'est du moins ce qui a lieu avec l'iodure de potassium qui, ingéré dans l'estomac, se trouve, en moins de dix minutes, dans les urines, et qui a été constaté aussi dans la salive, le lait, la sueur. Probablement il en serait de même avec tous les sels à base alcaline; cependant M. Bernard n'a pu constater le cyanure jaune dans la salive. Ce sel serait-il décomposé comme le cyanure de mercure en passant à travers les vaisseaux capillaires du poumon, comme l'a constaté le même physiologiste? Kramer après un traitement de cinquante jours par l'iodure de potassium, n'a pu trouver l'iode dans les urines sept jours après la cessation du médicament. Il eût été important d'expérimenter sur les chiens pour s'assurer si l'élimination était complète après ce laps de temps, puisque les poisons peuvent ne pas être constatés dans les urines et se rencontrer encore dans les organes.

Nous verrons ci-après que, même dans les empoisonne

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ments aigus chez l'homme et les animaux, c'est-à-dire avec des doses toxiques, administrées en une seule fois, il est possible de trouver les poisons dans le tube intestinal, dans les organes où ils ont pénétré par voie d'absorption et spécialement dans le foie, même lorsque le malade n'a succombé qu'au bout de 5, 6 jours et plus. Ainsi M. Orfila a retiré tous les poisons minéraux du foie, de la rate, des reins, des urines des chiens intoxiqués. Dans plusieurs expertises légales, l'arsenic et autres poisons ont été trouvés dans ces mémes organes. M. Stass en a obtenu la nicotine ainsi que des poumons; M. Orfila la conicine; M. Flandin la morphine. Enfin les agents anesthésiques et les huiles essentielles se rencontrent en outre dans le sang.

Les reins sont les principaux émonctoires des poisons inorganiques tous, sauf quelques exceptions, ont été constatés dans les urines. Il en est de mème pour les poisons organiques, et quoique l'analyse chimique n'ait pas encore donné des résultats aussi confirmatifs, il n'en est pas moins vrai que ce liquide contracte la saveur des alcalis végétaux, l'odeur des plantes vireuses, des huiles essentielles, même des propriétés stupéfiantes dans l'empoisonnement avec la fausse oronge, les solanées; vésicantes, avec les cantharides. La surface gastro-intestinale, surtout les petits et gros intestins, servent aussi à l'élimination des poisons, puisque, quelle que soit la voie d'introduction, il se manifeste des symptômes intestinaux et que l'analyse y a démontré la présence des poisons. La muqueuse pulmonaire sert surtout à l'élimination des matières gazeuses, odorantes ou très-volatiles. La peau élimine quelques substances odorantes, les iodés, probablement aussi les prépa rations plombiques, argentifères, puisque l'épiderme noircit par un bain hydrosulfureux, lors même que ces préparations sont prises à l'intérieur. M. Chatin a retiré de l'arsenic de la sérosité d'un vésicatoire d'une personne empoisonnée. M. Melsens n'a pas trouvé l'iode dans la bile, quoique le

par

foie en contînt beaucoup. L'arsenic, déposé sur le tissu cellulaire, ne se trouve pas non plus dans ce liquide (Orfila neveu). Ces expériences, à la vérité peu nombreuses, tendraient à démontrer que les poisons ne sont que peu ou pas éliminés cette voie; fait d'autant plus remarquable que, de tous les organès, à toutes les périodes de l'intoxication, c'est le foie qui en contient le plus. Le fer, à l'état de lactate, n'est pas éliminé par la salive, et l'est au contraire à l'état d'iodure (M. Bernard). Le mode de combinaison peut donc modifier la voie d'élimination des poisons.

Les poisons ne sont pas tous éliminés tels qu'ils sont administrés, plusieurs subissent des transformations qui sont loin d'être bien connues. Nous indiquons, ci-après, celles qu'ils éprouvent au contact de nos tissus et des matières alimentaires, avec lesquels plusieurs, en particulier ceux de la quatrième section, forment des composés insolubles. Peu absorbables en cet état, ils sont probablement dissous par les liquides organiques, les chlorures alcalins. Sans nul doute l'émétique, le sublimé, etc., passent aussi à l'état insoluble dans nos organes, et sont ensuite éliminés peu à peu sans produire d'accidents, puisque ceux-ci peuvent se déclarer, lorsqu'on donne l'iodure de potassium à haute dose, sel qui dissout ces poisons et en accélère l'élimination. Les poisons acides sont en partie saturés par les alcalis du sang, de nos liquides, et vice versa. Les poisons qui ont pour base les alcalis minéraux sont éliminés tels quels, si ce n'est lorsque ce sont des sels à acide organique, alors ils passent à l'état de carbonate. L'iode, le phosphore, le brôme, le chlore s'acidifient sous l'influence des alcalis et de l'eau. Le nitrate d'argent, l'acide oxalique, passent à l'état de chlorure d'argent, d'oxalate de chaux. Le cyanure de mercure est décomposé en acide cyanhydrique dans le système capillaire des poumons, non dans celui de la cuisse (M. Bernard). Ces transformations peuvent être partielles ou complètes, selon la quantité de

poison et autres circonstances qu'il est inutile d'indiquer. La vascularité des tissus, lá rapidité de la circulation expliquent la prompte absorption et élimination des poisons. Héring, ayant injecté dans la veine jugulaire d'un cheval du cyanure jaune, a constaté sa présence, 20, 30 secondes après, dans l'autre jugulaire, quelle que fût la fréquence du pouls, des battements du cœur, ce qui tendrait à démontrer que la circulation générale n'exerce pas une grande influence sur ces deux fonctions.M. Poiseuille, en expérimentant comme Héring, s'est assuré que certaines substances, l'alcool, etc. retardaient la circulation capillaire; que d'autres, le nitrate de potasse, l'acétate d'ammoniaque, etc., l'accéléraient au contraire. Celles-ci, en tenant compte de la nature des poisons, de leur action chimique sur le sang, les tissus, devraient, ce nous semble, être plus promptement éliminées. D'après M. Magendie, la plénitude des vaisseaux retarde l'absorption des poisons et probablement aussi leur élimination. Leur déplétion l'active au contraire, probablement aussi le jeûne, la surexcitation des organes sécréteurs.

L'absorption et l'élimination des poisons, en raison de l'activité plus grande des phénomènes organiques et fonctionnels, de la vascularité des tissus, doivent être plus actives chez l'enfant que chez la femme, chez celle-ci que chez l'homme, par conséquent moindre chez les vieillards. La nature du poison, son action sur nos liquides, nos tissus, la constitution, l'idiosyncrasie, l'état morbide, etc., doivent aussi avoir une certaine influence sur l'absorption, l'élimination des poisons, leur séjour dans nos organes. Ayant déjà apprécié quelques-unes de ces circonstances, nous compléterons cette appréciation à l'étude des effets. Malgré les travaux importants sur ce sujet, pour une personne qui serait dans une position à pouvoir expérimenter, il y aurait encore beaucoup à glaner sous le rapport de la physiologie, de la thérapeutique, de la toxicologie, etc.

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