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ché, la texture de l'organe n'est pas altérée, et on peut l'en séparer par des lavages: en ce cas, il serait peut-être possible de les confondre avec celles qui résultent de la liquéfaction du sang dans la dernière période de l'empoisonnement, si celles-ci n'offraient un caractère plus général par leur siége, leur étendue, etc. L'état congestionnel produit par les gaz asphyxiants, les narcotiques, est aussi moins limité; il y a plénitude des vaisseaux, et lorsqu'il y a travail phlegmasique, le sang est en quelque sorte combiné avec les tissus, qui sont comme hépatisés, et on ne peut l'en séparer par les lavages.

Le tube intestinal peut être le siége de RAMOLLISSEMENTS pultacé et gélatiniforme, sur la nature desquels on n'est pas tout à fait d'accord. Le premier est ordinairement spontané, sans symptômes appréciables pendant la vie, s'observe surtout chez l'adulte, est plus fréquent en été qu'en hiver, siége sur la muqueuse de la partie splénique de l'estomac, laquelle est réduite en une pulpe brunâtre, sans épaississement des parois (M. Cruveilbier). Le ramollissement gélatineux peut dépendre d'un travail morbide, se manifestant pendant la vie par des vomissements bilieux, muqueux, avec constipation, soif, assoupissement, amaigrissement rapide, s'il siége à l'estomac; avec diarrhée et sans vomissement, si c'est à l'intestin; alors il occupe les diverses portions du tube intestinal, offre des traces d'arborisations, de phlegmasie, consiste dans l'infiltration d'une matière molle entre les fibres des tissus, qu'il transforme en une gélatine transparente. Lorsqu'il est spontané, il siége dans les parties les plus déclives, qui sont plus épaisses, réduites en une espèce de matière gélatiniforme, sans traces de travail phlegmasique. Il peut envahir la totalité de l'estomac, de l'intestin, sans manifes→ tation pendant la vie. Ces deux genres de lésions sont excessivement rares dans l'empoisonnement. Nous les avons notées seulement avec l'acide oxalique sur les ani

maux, et encore lorsque l'autopsie était différée. Dans une expertise légale, à Riom, les experts ont trouvé une portion de l'estomac gélatinisée, et n'ont pas voulu prononcer si la lésion était due à l'arsenic ou cadavérique. Lorsque le ramollissement est le résultat de la putréfaction il est rare que les diverses parties de l'organe ne soient pas aussi envahies.

Des perforations, des ulcérations dépendant soit d'un travail phlegmasique, par conséquent à manifestation symptomatique, soit spontanées ou sans symptôme évident, soit succédant aux ramollissements précédents, peuvent siéger sur les diverses parties du tube intestinal. Le caractère de ces lésions, le travail phlegmasique, la congestion des vaisseaux, les colorations spéciales, etc., qui accompagnent les perforations, les ulcérations déterminées par les poisons, en outre de leur forme spéciale, serviront à établir le diagnostic.

Enfin des gaz résultant de l'altération spontanée des aliments, des liquides, des tissus, peuvent se développer soit dans le tube intestinal, en chasser les matières dans le pharynx et faire supposer la mort par asphyxie; soit dans les organes, et les rendre emphysémateux; soit dans les gros vaisseaux, rendre le sang mousseux et donner à supposer un empoisonnement par les anesthésiques; ou bien en expulsant ce liquide du cœur, des gros vaisseaux, produire dans les tissus, les organes des hyposthases, des colorations, des arborisations qu'on pourrait attribuer à l'action d'un poison.

Il suffit d'avoir signalé ces diverses altérations cadavériques, leurs caractères spéciaux, afin d'éviter ces causes d'erreur; dans les cas douteux, l'analyse doit toujours intervenir.

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CHAPITRE VII.

Empoisonnements complexes.

La toxicologie possède bien peu de données relativement aux empoisonnements complexes, c'est-à-dire par deux ou plusieurs poisons à la fois. Les cas rapportés par les journaux, quoique peu nombreux, s'ils eussent été considérés sous le rapport de l'influence réciproque de chaque poison, quant aux recherches chimiques, aux effets, aux lésions, au traitement, auraient été d'une très-grande importance. Ce sujet, digne d'expérimentation, n'est point traité dans les ouvrages de toxicologie, ou ne l'est qu'accidentellement, et seulement à l'égard de deux ou trois poisons. Orfila a consacré un article aux réactions chimiques des poisons, indiqué le moyen de les reconnaître après les avoir mélangés. Il a remarqué que l'opium retardait les effets de l'acide arsénieux. M. Lassaigne a aussi expérimenté ces deux poisons sous le point de vue des effets, des recherches chimiques. M. Risler cite un mangeur d'opium qui pouvait supporter, sans accidents, 1 à 4 gram. de sublimé. Mais ce sont surtout les médecins rasoriens qui ont fait le plus d'expériences sur l'influence réciproque des médicaments, des poisons sur le dynamisme vital. Leur mode d'expérimentation consiste à donner à un animal, pendant qu'il est sous l'influence d'un poison à effet bien connu, d'un contre-stimulant, par exemple l'acide cyanhydrique, une substance dont on veut connaître le mode d'action, tel que l'alcool; si celui-ci ramène le dynamisme vital dans son état normal, neutralise les effets de l'acide cyanhydrique, c'est qu'il jouit des propriétés opposées, c'est-àdire qu'il est stimulant, et vice versa. Ils sont parvenus ainsi à déduire le mode d'action des poisons, leur doctrine

et leur thérapeutique toxicologiques. Dans l'historique de chaque poison, nous rapportons les expériences dont il a été le sujet, ainsi que les observations, discutées, commentées sous ce point de vue doctrinal. S'il est des cas qui paraissent déposer en faveur de cette doctrine, il en est d'autres aussi tout à fait contraires; c'est ainsi qu'un poison contre-stimulant n'en a pas moins produit son effet, quoiqu'il ait été donné sous forme d'alcoolé. Cependant, dans cette appréciation, il importe de tenir compte des doses absolues et relatives de chaque poison (voyez les préparations cyaniques, arsénicales, etc.). Il est des médecins qui pensent que les poisons ne s'influencent nullement dans leurs effets, que chacun d'eux agit à sa manière, Puisque les effets des médicaments sont modifiés par les états morbides, que l'opium peut être donné à des doses bien plus élevées dans le tétanos et autres névroses, etc. que dans l'état normal, il nous paraît raisonnable d'admettre qu'il doit en être ainsi pour deux poisons à effet contraire, l'opium et la strychnine; alors, quoique chacun d'eux conserve, en définitive, son mode d'action, ils doivent cependant s'influencer réciproquement dans leurs effets.

Avec ce peu de document il est impossible de donner à ce sujet tout le développement que nous aurions désiré sous le rapport des effets, des lésions, du traitement. Quant à la marche analytique à suivre, c'est celle que nous avons indiquée page 63 et 91. Nous y reviendrons d'ailleurs aux Rapports, car on ne saurait trop se pénétrer des faits pratiques, observés surtout par des hommes rompus aux expertises légales. C'est d'après ces données qu'il faut se diriger, pour vaincre les difficultés, dans des recherches aussi complexes, où l'on n'a aucun indice sur la nature des substances toxiques.

I.-EMPOISONNEMENT PAR L'ÉMÉTIQUE ET L'ACIDE ARSÉNIEUX. La femme d'un receveur général, affectée d'une

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légère incommodité, tombe rapidement dans l'état le plus grave et meurt. A l'autopsie on trouve une violente inflammation d'entrailles. La domestique avoua lui avoir donné, pendant trois jours, 24 grains d'émétique dans son bouillon et sa tisane, que n'en trouvant pas l'effet assez prompt, elle avait fait bouillir 1 once d'arsenic dans le liquide du lavement (Foderé).

Le foie, la rate, etc., de cette femme, carbonisés par l'acide sulfurique, auraient donné, à l'appareil de Marsh, un anneau à la fois arsénical et antimonial, facile à reconnaître, comme il est dit page 81.

II.-EMPOISONNEMENT PAR L'ACIDE SULFUNIQUE ET L'ACIDE ARSENIEUX.-Tout récemment une femme, ne pouvant empoisonner assez promptement son mari, en lui adminisfrant de l'acide sulfurique en lavement, lui donna de l'acide arsénieux par la bouche.

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III.-EMPOISONNEMENT PAR L'ACIDE ARSÉNIEUX ET LE TABAC. -Dans un cas d'empoisonnement on trouva l'intestin grêle fortement enflammé par plaques, et, dans l'estomac, dont muqueuse était rouge, ulcérée, comme brûlée, facile à séparer des autres membranes, environ un verre de liqueur rouge, briquetée, semblable à de la lie de vin. On attribua la mort et les lésions à un poison chaud, corrosif. D'après le rapport, c'était de l'acide arsénieux, mêlé à du tabac d'Espagne (Desveaux).

Après avoir constaté les caractères physiques des matières de l'estomac, si elles ne contiennent pas de l'acide arsenieux à l'état solide, il faut y démontrer d'une part la présence de la nicotine, de l'autre celle de l'arsenic Si on n'avait que peu de matières, on commencerait par la recherche de la nicotine, et ensuite celle de l'arsenic dans les résidus. On agirait de même dans l'empoisonnement par l'arsenic et l'opium, la morphine ou tout autre alcali végétal (voyez Rapports et page 91).

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