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entraînent à chaque fois de l'arsenic, la proportion la plus forte reste dans le parenchyme de l'organe. Ces mêmes expérimentateurs immergent, pendant un mois, de la chair musculaire dans des solutés d'acide arsénieux ou arsénique, la soumettent ensuite à des lavages à l'eau froide et à l'eau bouillante: l'eau seule donne de l'arsenic et la chair n'en donne point.

II.-M. Sauçon, pharmacien à Saintes, place, à 50 centimètres de profondeur, deux petits cercueils en bois de chêne, renfermant des matières organiques, mêlées à 1 gramme d'arsénite d'ammoniaque ou d'acide arsénieux. Son jardin est inondé tous les ans et souvent pendant un mois. Cinq ans après, la matière animale a complétement disparu, et les parois du cercueil donnent de l'arsenic à l'eau bouillante. Il eût été important d'analyser la terre environnante.

Ces expériences démontrent que l'arsenic d'empoisonnement, ou qui a pénétré par absorption dans les organes, ne peut tout à fait leur être enlevé par l'eau de pluie, d'inondation; que, même dans les conditions normales, il ne pourrait être cédé à la terre, si ce n'est lorsque les parties sont complétement décomposées, transformées en terreau; mais alors il y a mélange, voilà pourquoi on a pu constater l'arsenic dans ce terreau ou détritus du cadavre après quatre, huit ou dix ans d'inhumation. Cependant, aux assises de la Moselle, août 1853, on a retiré de l'arsenic des organes, des os d'un cadavre inhumé depuis deux ans, ainsi que de l'eau de la fosse, de la terre sous-jacente, tandis qu'on n'en a pas trouvé dans la terre environnante. Évidemment, en ce cas, le cadavre avait cédé l'arsenic à l'eau, et celle-ci à la terre. Ne pouvait-il pas provenir d'une portion d'arsenic resté à l'état libre dans le tube intestinal?

III. Dans l'affaire Barbier, assises de Metz, 1855,

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MM. Dieu et Thomas ne retirèrent pas d'arsenic des eaux pluviales qui avaient filtré à travers un cadavre arsénical, inhumé depuis vingt-sept mois et en complète décomposition, et s'étaient condensées dans une fosse au-dessous. La terre d'alentour, très-meuble, ne contenait pas d'arsenic.

D.-Le terreau, le détritus du cadavre, du cercueil ayant donne de l'arsenic, peut-on conclure qu'il provient d'un empoi

sonnement?

Cette question ne peut être résolue qu'en ayant égard au genre de mort, à l'analyse comparative de ce terreau, de la terre environnante, des cadavres voisins dans le même état de décomposition. C'est surtout dans une question aussi ardue que l'expert ne doit se prononcer qu'après avoir pesé, discuté tous les faits qui se rattachent à ce sujet. Dans le doute il vaut mieux s'abstenir. Voici des faits relatifs à cette question et à la précédente.

I. AFFAIRE MORIN (assises des Deux-Sèvres, 1845).MM. Pelouze, Ollivier d'Angers et Flandin eurent à analyser les débris du cadavre du sieur Coulongeau. 500 grammes de terreau, provenant des vertèbres dorsales, lombaires, cambouis et terre éboulée dans cette région, sont mis à bouillir, pendant cinq heures, dans l'eau additionnée de 10 grammes de potasse. Le résidu des liqueurs filtrées, carbonisé par l'acide sulfurique et soumis à l'appareil de Marsh, donna un produit qui offrit les réactions propres à faire soupçonner l'arsenic. — 100 grammes de matières grasses, mélées à de la terre provenant de la râclure de la planche du fond du cercueil, carbonisées aussi par l'acide sulfurique, donnèrent un anneau arsénical, métallique, miroitant, qu'ils ont conservé comme preuve à conviction.-400 grammes de terreau et cambouis, avoisinant les os iliaques et autres régions des os du tronc, humectés d'acide azotique, puis

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d'un peu d'acide chlorhydrique, sont mis à bouillir dans l'eau et les liqueurs évaporées à siccité; le résidu, carbonisé par l'acide sulfurique, donna un anneau arsénical et des taches caractéristiques.-400 grammes de terre, prise à 35 centimètres de profondeur dans la partie sud du cimetière, traitée comme le terreau, donna de l'arsenic à peu près en quantité égale. Enfin, pour s'assurer si l'arsenic se trouvait à l'état soluble, ils firent bouillir 250 grammes de cette terre dans de l'eau distillée. La liqueur évaporée, le résidu carbonisé par l'acide sulfurique ne donna pas d'arsenic à l'appareil de Marsh; tandis que la même quantité de terre, mise à bouillir dans l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique et le décocté évaporé, carbonisé, etc., donna un anneau caractéristique.

Conclusion.-Les débris du cadavre étant mêlés à de la terre, et celle-ci étant arsénicale, il nous est impossible de dire si l'arsenic ne provient pas de cette source, est indépendant de celui qui se trouve dans la terre du cimetière.

II. AFFAIRE CHABOT (assises de la Vendée, 1845).MM Pelouze, Danger et Flandin eurent à faire l'analyse des restes de Roturier, décédé le 3 novembre 1839, consistant dans le squelette, dont les os disjoints étaient recouverts d'une matière grasse desséchée, mêlée, sur divers points, à de la terre. - 25 grammes de matière râclée des os iliaques, des vertèbres, dans les points où il n'y avait pas de terre, carbonisée par l'acide sulfurique, donnèrent, à l'appareil de Marsh, un anneau qui, après une série de réactions, s'est converti en une vapeur si ténue, qu'ils n'ont pas jugé convenable de le joindre aux pièces à conviction. -50 grammes de matière grasse, ratissée des planches de la bière de Roturier, là où il y avait le moins de terre, carbonisée, etc., fournirent un anneau arsénical très-faible, sur lequel cependant on a constaté les diverses réactions.— 250 grammes de terré prise au-dessous et au-dessus de la

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bière, traitée par 500 grammes d'eau, additionnée de 12 grammes de potasse, comme il a été dit (affaire Morin), carbonisée par l'acide sulfurique et l'azotate de soude, donnèrent un anneau arsénical caractéristique. Des parties égales de cette terre, analysées par trois fois et par trois procédés différents, donnèrent les mêmes résultats.— La même quantité de terre prise à l'endroit où avait été inhumée la fille Chabot, en novembre 1843, soumise aux mêmes procédés, fournit des résultats identiques; son cadavre, réduit en putrilage, était encore enveloppé d'une toile.-100 grammes des débris du foie et d'intestins, carbonisés par l'acide sulfurique, donnèrent un anneau arsénical caractéristique.-Ils n'ont trouvé aucune trace de plomb, de cuivre, d'étain, etc. dans les restes des deux cadavres, quoique, aux termes de la commission rogatoire, ils n'eussent qu'à rechercher l'arsenic.

Conclusion.-Les mêmes que dans l'affaire Morin et par les mêmes motifs.-L'accusée a dit avoir empoisonné son mari, mais non sa fille.

III-AFFAIRE BARBIER (assises de Metz, 1853).-Les restes du cadavre Daudin, consistant en os, cerveau, en organes mous, tous transformés en détritus boueux par l'eau et la terre qui avaient pénétré dans le cercueil, ayant donné de l'arsenic, non la terre au-dessous du cercueil, par le procédé de carbonisation par l'acide sulfurique, les experts, MM. Dieu et Thomas, conclurent à l'empoisonnement. Condamnation à la réclusion perpétuelle (Ann. d'hyg., méd. lég. de 1853).

Quand on est appelé à résoudre les questions précédentes, les faits, les expériences précités peuvent être d'une grande utilité. Il faut analyser séparément : 1o le cadavre, ses organes, ses débris, les vêtements, le cercueil, privés, autant que possible, des parties terreuses; 2o deux ou trois kilogrammes de terre, pris séparément au-dessus,

au

dessous, sur les côtés de la bière, ainsi que dans un endroit du cimetière où personne n'a encore été inhumé et à la même profondeur; 3° enfin le cadavre ou les débris d'une personne inhumée à côté, à la même époque, et, autant que possible, au même degré de décomposition.

Pour l'analyse de la terre du cimetière ou autres lieux, comme il importe de savoir si le poison s'y trouve à l'état soluble ou insoluble, après en avoir séparé les petits cailloux à l'aide d'un crible, soumettez-la aux opérations sui

vantes :

1° Mettez-la à macérer, pendant 30 ou 40 heures, dans suffisante quantité d'eau, filtrez, réduisez les liqueurs et les eaux des lavages réunies à un petit volume, essayez-les par les réactifs généraux ou du poison à rechercher. Si le résultat est négatif, évaporez-les à siccité, carbonisez le résidu par l'acide sulfurique, traitez le charbon par de l'eau acidulée et soumettez à l'appareil de Marsh ou à l'action des autres réactifs. Le charbon sulfurique serait incinéré et les cendres traitées par l'acide azotique, etc., pour la recherche des métaux fixes.

2° Faites bouillir la terre ainsi traitée dans suffisante quantité d'eau distillée, pendant 6, 8 heures, en ayant soin de renouveler l'eau; filtrez, concentrez le décocté et soumettez-le aux mêmes réactions que le macéré.

3° Traitez la terre soumise aux deux opérations précédentes par de l'eau fortement acidulée par les acides azotique, chlorhydrique, chloro-uitrique ou sulfurique, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'effervescence; faites bouillir en maintenant les liqueurs constamment acides; filtrez; lavez le résidu à l'eau distillée; concentrez les liqueurs réunies pour chasser l'excès d'acide; reprenez par l'eau et essayez les réactifs. Comme le résidu contient, le plus sou vent, des matières organiques, il est nécessaire de le carboniser préalablement par l'acide sulfurique, etc. Si c'était pour la recherche de l'arsenic, et qu'on se soit servi des

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