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Dans tous les cas, le cuivre l'emporte sur le plomb, si ce n'est dans l'encéphalopathie saturnine. M. Devergie donne dans un tablean, qu'il avoue d'ailleurs être très-incomplet, la quantité relative de ces deux métaux dans l'estomac, les intestins, le cerveau.

Orfila, en 1838, avec cette investigation dévorante qui le caractérisait toutes les fois qu'il s'agissait d'une question de médecine légale, se livra à un très-grand nombre de recherches, qui confirmèrent les résultats de M. Devergie; dès lors il adınit l'existence du cuivre normal ou physiologique.

MM les professeurs Cattei et Platner, en 1840, ne purent déceler, par le procédé de l'incinération, le cuivre, le plomb dans le canal digestif, le cœur, les poumons, le foie, la rate des enfants âgés de quelques jours; ils conclurent que ces métaux ne font pas partie constituante de nos organes, que ce n'est qu'accidentellement qu'ils y par

viennent.

MM. Flandin et Danger, dans un mémoire présenté à l'Institut, en 1843, nient non-seulement le cuivre normal, mais encore la présence du cuivre, du plomb accidentels, n'ayant pu en retirer, par leur procédé, des os, des muscles, des viscères, des urines des animaux non intoxiqués, mais encore des mêmes organes des animaux auxquels ils ont administré, pendant neuf mois, 2 centigrammes d'acétate de cuivre par jour; de sorte que, en deux cent soixante-seize jours, la dose s'est élevée à 25 gram. Ce fait, qui nous paraît bien extraordinaire, est en opposition avec les expériences de MM. Louis Orfila, Millon et Laveran (page 14.)

MM. Barse, Follin, Laneau, Chevallier, Lassaigne, Payen, Legrip, Deschamps, etc., à diverses reprises, et à des époques différentes, ont extrait aussi ces métaux des organes des personnes non intoxiquées; cependant quelques-uns de ces auteurs, MM. Barse, Chevallier, etc., ne les ont pas obtenus constamment. Ce dernier et Cottereau

donnent un relevé (Ann. d'hyg. et de méd. lég. 1848) des cas légaux où l'on a, ou non, trouvé ces deux métaux. Les premiers cas sont plus nombreux, et le cuivre s'est présenté plus constamment que le plomb.

M. Millon, en 1848, ayant constamment retiré le cuivre du sang de l'homme, s'est demandé s'il n'existerait pas une chlorose par privation de cuivre, comme cela a lieu pour le fer. M. Melsens, qui, par le même procédé, a obtenu des résultats négatifs avec le sang de l'homme, de la femme, du chien, du boeuf, pense que M. Millon a employé des réactifs cuivreux. Bien avant ces diverses expériences, MM. Christison, Chevreuil, n'avaient pas retiré de cuivre du sang, des muscles des animaux.

Des faits précédents on peut conclure que, parmi les toxicologistes, 1° les uns, MM. Orfila, Millon, etc., admettent le cuivre, le plomb à l'état normal ou physiologique d'une manière constante, absolue, opinion laquelle semble se rattacher M. Devergie; 2° d'autres, MM. Flandin et Danger, nient au contraire le plomb, le cuivre normaux; 3° MM. Barse, Chevallier, Chatin, etc., c'est aussi notre manière de voir, pensent que ces métaux se rencontrent le plus constamment dans nos organes, qu'ils y arrivent accidentellement par l'intermédiaire des aliments, des vases en cuivre, en plomb, si fréquemment usités. Dans l'empoisonnement par les préparations cuivreuses, nous avons vu que presque tous les aliments contiennent du cuivre, qu'il se trouvait dans le vin, le cidre, les plantes qui s'étaient développées dans un terrain naturellement cuivreux ou arrosé avec un soluté de sulfate de cuivre.

Dans un cas de suspicion d'empoisonnement par le cuivre, MM. Chevallier, Devergie et Payen, n'ayant obtenu qu'environ 15 milligrammes de cuivre, proportion qui pouvait étre considérée comme normale ou accidentelle, analysèrent comparativement la même quantité de foie et d'intestin d'une personne âgée de trente-deux ans, qui s'était

noyée, et obtinrent à peu près la même proportion de cuivre. Ne connaissant pas les antécédents, ils conclurent que la quantité de cuivre, étant celle qui se rencontre accidentellement, n'admettait pas la nécessité de supposer un empoisonnement.

Quel que soit le procédé employé pour déceler le cuivre normal ou accidentel, il importe que la matière organique soit complétement détruite. Dans un cas légal, M. Devergie n'ayant pu obtenir du cuivre de l'estomac, des intestins, du foie du sieur Guy, par le chlore, l'eau aiguisée d'aeide acétique, la carbonisation par l'acide sulfurique, en retira, au contraire, par le procédé de fincinération. MM. Barse, Follin, Laneau n'en obtenaient pas non plus par les divers procédés de carbonisation, et en retiraient par incinération. Cela explique pourquoi, peut-être, quelques auteurs ont obtenu des résultats négatifs.

M. Devergie dessèche les matières dans une capsule de porcelaine, y met le feu pour les carboniser, calcine le charbon dans un creuset de porcelaine ou de hesse, lave les cendres à l'eau distillée pour séparer les sels solubles, les traite ensuite par l'acide chlorhydrique, filtre, évapore la majeure partie de l'acide, délaye dans l'eau et fait passer à travers du gaz sulfhydrique. Le sulfure, chocolat ou noir, selon la prédominance du plomb ou du cuivre, étant délayé dans un peu d'eau aiguisée d'acide chlorhydrique et de 1 à 2 gouttes d'eau régale, filtrez pour séparer le soufre évaporez à presque siccité; reprenez par l'eau et précipitez le plomb par l'acide sulfurique. Le cuivre reste dans la liqueur, dont il est précipité par le fer ou le carbonate sodique; le carbonate de cuivre, par la calcination, laisse du bioxyde, dont on peut apprécier le poids; dissous dans un acide, il se colore en bleu par l'ammoniaque. Le sulfate de plomb est décomposé par le carbonate sodique; le carbonate de plomb, dissous dans un acide, est précipité par l'acide sulfhydrique, et le sulfure réduit au chalumeau.

Le fer fait partie constituante de nos organes, du sang, etc.; aussi, dans un cas d'empoisonnement par le sulfate de fer (assises de l'Aveyron), Orfila a-t-il blåmé les experts de ne pas avoir employé un procédé propre à distinguer le fer normal du fer poison, à tort selon nous, car les réactions étaient si prononcées, que cette erreur n'était pas possible: il conseille, comme pour le cuivre, le plomb l'ébullition préalable des matières suspectes dans de l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique, de carboniser le résidu du décocté pour déceler le fer poison, et l'incinération des matières ainsi traitées pour reconnaître le fer normal.

le

moyen

Quant aux autres poisons qui se rencontrent normalement (acides phosphorique, chlorhydr.que, soude, potasse), ou accidentellement (acide oxaiique, tartrique), dans nos organes, les matières alimentaires, etc., nous avons donné de doser l'acide phosphorique (page 223). Pour les autres poisons, Orfila propose de traiter les matières par l'eau, de distiller au bain d'huile pour obtenir les poisons volatils (acides acétique, chlorhydrique, azotique, ammoniac), de traiter le résidu par l'alcool ou l'éther pour séparer les autres acides ou bases fixes, les isoler des sels normaux composés des mêmes bases, des mêmes acides, lesquels ne sont pas volatils a cette température, ne sont pas solubles dans ces véhicules. Cette méthode n'offre pas toute la rigueur désirable, et il importe, dans ces sortes de cas, de tenir compte des effets, des lésions, d'expérimenter surtout comparativement.

IV.-Quest. Poisons donnés comme médicaments.

Un individu succombe pendant qu'il est soumis à un traitement, exposé aux émanations arsénicales, plombiques, etc., ou quelque temps après; il s'élève des soupçons d'empoisonnement par les mêmes substances; le poison retiré des organes provient-il de l'une ou de l'autre

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source? Y a-t-il empoisonnement criminel ou accidentel? La solution de cette question suppose la connaissance du séjour, de l'élimination des poisons, celle de quantité, du mode d'administration, des circonstances où les accidents se sont développés, du temps depuis lequel la personne a cessé le traitement, a été exposée aux émanations toxiques, etc.; si enfin un médicament, un poison donnés par petites doses, peuvent s'accumuler dans nos organes et produire, tout à coup, des accidents graves ou mortels.

donné

Quant au séjour, à l'élimination, etc., nous avons vu, chapitre 1, que, dans les empoisonnements aigus ou lorsque le poison est adininistré a dose toxique, l'élimination était complète en une quinzaine de jours, même avec ceux qui forment des composés insolubles avec nos organes, l'arsenic, etc.; telle est du moins l'opinion de la doses que, par plupart des toxicologistes. Tandis successives, surtout mêlé aux aliments, il pouvait encore se rencontrer dans nos organes après 30 jours (arsenic); 1 mois (sublimé); 4 mois (émétique); 5 mois (nitrate d'argent); 8 mois (acétate de plomb, sulfate de cuivre). En serait-il de même si ces poisons étaient donnés pendant longtemps comme médicaments ou respirés par petites quantités? C'est probable. Nous citons un cas où le nitrate d'argent, administré contre l'épilepsie, a été trouvé 18 mois après dans le pancréas et autres organes. Ces expériences ned onnent donc pas la limite absolue de l'élimination complète du poison.

Avec les préparations de digitale, d'iode, de plomb, de mercure, etc., des accidents d'intoxication se sont déclarés tout à coup, quoique la dose du médicament n'ait pas été augmentée, et même fùt suspendue depuis quelque temps, surtout si, avec les deux derniers, on donnait de l'iodure, du chlorure de potassium, de sodium. Le D' Bardeley, cité par M. Rayer, dit que la liqueur arsénicale de Fowler peut aussi s'accumuler dans l'économie, et donner lieu à des

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