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pu intoxiquer un éléphant (Anglada). Les singes, les gallinacées supportent des doses énormes de morphine, etc.

Ces faits, tout extraordinaires qu'ils paraissent, dont plusieurs pourraient être contestés, demanderaient vérification, pourraient s'interpréter autrement, s'expliquer,

par la différence d'organisation du tube intestinal, car c'est spécialement chez les ruminants, les granivores que s'observent ces anomalies; 2o par le volume de l'animal, son degré de sensibilité ; 3o par le degré d'activité, la structure, l'état des diverses surfaces absorbantes; le curare, les venins, très-actifs par les cellules pulmonaires, restent inertes dans l'estomac. En outre de ces circonstances, la dose toxique, comme nous l'avons vu, à chaque poison, diffère selon l'espèce animale, l'âge, la résistance vitale, le mode d'administration, etc. Il importe de ne pas négliger ces diverses circonstances quand on veut déduire des animaux à l'homme. Ces différences et anomalies, d'après l'étude attentive des faits, nous paraissent de beaucoup exagérées, et bien certainement, tout ce qui est poison pour l'homme l'est pour les autres animaux, pourvu qu'il soit absorbé, qu'il pénètre dans la circulation; en cela, je crois, M. Bernard partage notre opinion.

De nos jours où les observations d'empoisonnement, les matériaux divers abondent en quelque sorte, la toxicologie expérimentale doit être placée en seconde ligne, et pour corroborer les faits recueillis chez l'homme, élucider quelques questions, étudier un poison jusqu'alors inconnu, etc. Les muqueuses pulmonaire, gastrique, intestinale, rectale, rarement les autres, le tissu cellulaire, les veines, les artères, telles sont les voies d'expérimentation. Il importe de bien instituer ces expériences, de les rendre autant que possible comparatives, d'appliquer le poison sur des surfaces également absorbantes, quand il s'agit d'apprécier la dose d'une manière absolue, et nous entendons par là celle qui est nécessaire pour intoxiquer par voie d'absorption;

enfin de choisir, autant que possible, les animaux les plus rapprochés de l'homme, ceux chez lesquels l'observation a démontré que les poisons agissent à peu près de même, tels que le chien, le chat, surtout quand on expérimente par la voie gastrique. Sans doute, sur ces animaux on n'observe pas tous les effets produits chez l'homme; les mutilations nécessaires pour ces expériences, le défaut d'influence morale pourront en modifier la nature; cependant, au fond, un toxicologiste exercé démêlera ce qui appartient exclusivement au poison,

I.-Voie pulmonaire.-Elle sert à expérimenter les poisons gazeux; c'est ainsi qu'on est parvenu à analyser les effets des agents anesthésiques, à bien connaître les accidents qui offrent le plus de gravité, leur siége et même le traitement pour les combattre. Aux matières gazeuses, toine II, page 660, nous avons indiqué les divers modes d'expérimentation, et combien il est souvent difficile de distinguer les phénomènes d'intoxication de ceux de l'asphyxie; c'est ce dont il faut se préoccuper, dans ces sortes d'expériences, pour ne pas en déduire des conclusions erronées. Les substances très-actives, liquides ou solides, la nicotine, la conéine, la strychnine et autres alcalis végétaux, l'acide cyanhydrique, peuvent aussi l'être par cette voie, pour déterminer la dose toxique d'une manière absolue. Le curare, les venins, inertes par les autres muqueuses, sont très-actifs par celle-ci. D'après MM. Magendie et Bernard c'est par la muqueuse pulmonaire que se fait surtout l'absorption, car elle est plus vasculaire que la trachéale et pourvue d'épitelium pavimenteux, ce qui explique la rapidité d'action des poisons par cette voie.

II.—Voie gastrique.—On peut porter le poison dans l'estomac à l'aide d'une sonde, surtout s'il est caustique, le mélanger aux matières alimentaires, comme l'ont fait

MM. Millon, Laveran, Orfila neveu, Duméril, Demarquay et Lecointe, etc., le renfermer dans une anse intestinale, le donner en boulettes afin que les animaux avalent sans mâcher, ou en dissolution dans les boissons. Par ce mode d'expérimentation on peut s'assurer si une substance est toxique, mais non à quelle dose d'une manière absolue, parce qu'elle peut être rejetée en totalité ou en partie, à moins que, dans ce dernier cas, on ne constate la quantité qui a été expulsée. Afin d'obvier à cet inconvénient on propose de lier le museau de l'animal, mais on n'y remédie qu'incomplétement, et les matières peuvent alors passer dans le larynx, ce qui complique singulièrement l'expérience. Orfila était très-partisan de la ligature de l'œsophage après l'introduction du poison par la gueule ou par une ouverture pratiquée à ce conduit, se fondant sur ce que cette ligature ne donne lieu à aucun accident grave, que les animaux ne succombent que vers le 7o jour; par conséquent, si la mort à lieu en 24, 48 heures ou les premiers jours, elle doit être attribuée au poison. Sans être partisan de ce mode d'expérimentation, nous pensons que si Orfila en a abusé en quelque sorte, d'autres l'ont trop décrié. On peut ainsi, en graduant la dose, déterminer celle qui est toxique.

III.-Voie intestinale. Les chiens pouvant vivre en bonne santé avec une ouverture stomacale, le poison pourrait être introduit par cette voie, soit dans l'estomac, ou mieux encore, à l'aide d'une sonde, comme le conseille M. Segond, dans les petits intestins, cet organe étant la partie absorbante du tube intestinal dans les diverses espèces animales, chez les carnassiers comme chez les ruminants (page 19); en ce cas on aurait moins à craindre l'expulsion par les vomissements, et l'on pourrait mieux apprécier la dose toxique.

IV. Voie rectale. Préalablement vidé de matières féca

les, le rectum absorbe bien plus rapidement que l'estomac (page 16); aussi ce mode d'expérimentation n'est point à dédaigner, d'autant plus que par le tamponnement ou autres moyens, l'on pourrait s'opposer à l'expulsion du poison. Les autres muqueuses servent rarement à l'expérimentation, si ce n'est l'oculaire, la buccale pour les poisons trèsactifs. Dans un cas d'empoisonnement arsénical par le vagin, les experts ont expérimenté sur une jument par la

mème voie.

V.-Tissu cellulaire. Voie d'expérimentation assez souvent employée, surtout pour les poisons très-actifs. Étant moins modifiés que par la voie gastrique, non expulsés, on peut, en quelque sorte, mieux apprécier la dose absolue, soit en la graduant, soit en défalquant la portion de poison non absorbée. L'absorption n'est pas également active dans toutes les parties du tissu cellulaire (Orfila). C'est ordinairement sur celui de la partie interne des cuisses, du cou, du ventre, du dos qu'on dépose le poison.

VI.-Injection des poisons dans les veines. Ce mode d'expérimentation est employé pour s'assurer si une substance est toxique, et à quelle dose, car tous les poisons sont délétères par cette voie; mais il représente moins bien les faits d'intoxication chez l'homme. Il faut tenir compte de leur solubilité dans le sang, de leur action chimique; les sels d'étain, de bismuth, de plomb, qui sont toxiques, injectés à la dose de quelques centigrammes, ne le sont pas par la voie gastrique, à dose bien plus forte. Nysten a observé que plusieurs gaz, considérés comme poisons par les voies de la respiration, ne l'étaient pas par les veines; fait que quelques auteurs ont explique par leur peu de solubilité, leur prompte élimination par l'expiration. M. Bernard nous disait dernièrement que, probablement, les poisons qui étaient éliminés ainsi sans pénétrer dans le sang artériel, ne produisaient pas d'effet toxique. Les substances

insolubles, non miscibles au sang, les huiles fixes, etc., quoique non toxiques, peuvent déterminer la mort, en interceptant la circulation.

VII.-L'injection des poisons dans les artères est peu usitée, si ce n'est pour connaître leur rapidité d'action, et surtout sur quel organe ils agissent primitivement ou spécialement; on les injecte alors dans l'artère qui se rend le plus directement à l'organe.

VIII.-Le cerveau, les nerfs, la peau non dénudée, les mus cles ne servent comme voie d'expérimentation que pour résoudre quelques questions physiologiques ou toxicologi. ques relatives à la sensibilité, à la contractilité, etc. Plusieurs poisons ne sont même pas absorbés, ou que trèslentement, par les trois premières voies.

En outre des expériences sur les animaux pour la solution des questions de toxicologie générale, nous en citons quelques-unes qui ont servi à élucider des questions de toxicologie spéciale dans l'empoisonnement par l'acide tartrique, par la nicotine, et autres poisons (voyez Rapports). De l'extrait de belladone avait été donné pour de l'extrait de genièvre MM. Bussy et Chevallier, n'en ayant pas assez pour l'analyser, conclurent comparativement et expéri mentalement sur les chiens, que c'était l'extrait de belladonne, par la dilatation des pupilles, la démarche vacil→ lante, la perte momentanée de la vue, etc.

LES OBSERVATIONS SUR LES ANIMAUX, spécialement sur les chiens, les chats, ne sont pas à dédaigner comme moyen diagnostique de l'empoisonnement; bien souvent même elles ont mis sur la trace du crime. Une famille mange une omelette aux champignons, en donne le restant à un de ces animaux, qui meurt dans les convulsions, avant que les accidents toxiques se soient déclarés chez les personnes. Le traitement aurait donc pu être institué à temps d'après cet indice. Un homme trouvant

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