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très-amère la soupe préparée par sa femme, la donne à un chien qui, après l'avoir mingée, succombe promptement dans un accès tétanique. La nature des accidents provoqua une expertise, qui démontra la présence de la noix vomique dans l'estomac du chien, par conséquent tentative d'empoisonnement criminel. Dans un soupçon d'empoisonnement par le landanum (assises du Rhône), les experts, M. Rousset, etc., n'ayant pas trouvé ce poison, poussèrent plus loin leurs recherches, par cela seul que les mouches qui se déposaient sur les matières suspectes mouraient promptement. Ils trouvèrent de l'arsenic. Des volailles succombent presque immédiatement après avoir mangé d'une soupe mêlée à de la pâte phosphorée, et destinée à intoxiquer le sieur B. Ces faits, assez nombreux dans la science, choisis à dessein parmi des animaux de classes très-diverses, n'ont pas besoin d'interprétation.

Les observations avec les matières des vomissements, des selles, des personnes soupçonnées d'être empoisonnées, données aux animaux, ou mangées par eux, sont moins concluantes, parce que, d'une part, elles peuvent subir dans le tube intestinal des altérations qui les rendent toxiques; qu'ensuite en se combinant avec ces matières, les poisons peuvent donner lieu à des composés inertes. Ces circonstances, invoquées par les auteurs, nous paraissent exagérées, et doivent se présenter rarement s'il faut en juger d'après les faits d'empoisonnement par le cuivre, les champignons, l'arsenic, etc.; ensuite les cas dans lesquels le suc gastrique acquiert des propriétés oxiques sont excessivement rares, et il est bien peu de tcomposés organiques et d'un poison qui ne soient attaqués dans l'estomac; ajoutons que les effets peuvent offrir quelque chose de spécial au poison.

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VIII.-Quest. Valeur des symptômes, des lésions, des
recherches chimiques.

Les symptômes, les lésions, la présence du poison dans les organes, tels sont les trois ordres de faits sur lesquels le toxicologiste doit établir ses convictions pour résoudre une question d'empoisonnement criminel; nous les considérerons d'une manière absolue et relative.

Les symptômes, considérés dans leur invasion, leur suc cession, leur caractère, la période de la maladie, peuvent donner, sinon des preuves certaines d'empoisonnement, du moins de grandes probabilités, si ce n'est spécifiquement, au moins génériquement. D'après les détails dans lesquels nous sommes entrés aux chapitres de la pathologie et du diagnostic, il nous semble qu'avec un peu de sagacité on pourrait délimiter chaque groupe spécial, distinguer les phénomènes d'intoxication de tout autre état morbide, par conséquent accorder plus de valeur toxicologique aux symptômes, aux effets, même dans un cas criminel, qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Dans l'affaire Praslin, (page 257), M. Andral, appelé le troisième jour, par les accidents antérieurs, le froid actuel de la peau, la faiblesse des battements du cœur et du pouls, quoique les autres symptômes fussent peu graves, soupçonna un empoisonnement et recommanda de recueillir les urines, les matières des évacuations. M. Devergie, dans un empoisonnement mutilple (page 258 s'exprime ainsi): ce sont bien là les symptómes caractéristiques d'un empoisonnementarsénical. Trois femmes sont prises de délire, d'hallucinations avec dilatation pupillaire, sécheresse à la bouche, difficulté d'avaler, de parler. Un officier de santé méconnaît la maladie. Le médecin ordinaire diagnostiqua un empoisonnement par une plante vireuse; c'était avec de la pommade de belladone, mélée, par inadvertance, aux aliments Qui méconnaîtrait l'intoxication par les strychnées, les poisons caustiques,

les acides, les alcalis? Il est vrai que, dans la plupart des cas, il ne serait guère possible de spécifier si on ne s'aidait des caractères organoleptiques des matières des vomissements, de l'air expiré qui, en ces cas, peuvent être considérés comme des signes diagnostiques, en outre des effets propres à certains poisons, les cantharides, le phosphore, le plomb, etc.

Les lésions offrent, d'une manière absolue, des signes bien moins certains que les symptômes : ainsi l'état congestionnel du cerveau, de ses membranes, des poumons, s'observent dans bien d'autres cas que dans les empoisonnements par les narcotiques. Les lésions de la moëlle, l'engouement pulmonaire, produits par les strychnées, seraient-elles suffisantes pour affirmer qu'il y a empoisonnement?Quelles lésions caractéristiques laissent les agents anesthésiques, même les poisons septiques, quand l'autopsie est différée? Il n'y a donc que les poisons caustiques, les acides, les alcalis, le sublimé qui laissent des traces de lésions caractéristiques, et encore d'une manière générique, sauf dans quelques cas. Sur une personne, trouvés morte dans la rue, M. Chevallier, quoiqu'il n'ait pu constater la présence de l'acide sulfurique dans l'estomac, dit que les lésions, par elles-mêmes, étaient assez caractéristiques, Comme pour les symptômes, ce ne serait donc que par quelques caractères organoleptiques, l'aspect, la couleur, la nature des lésions, des vêtements, etc., qu'on pour rait spécifier l'empoisonnement.

L'extraction du poison des organes, des matières suspectes est la preuve la plus certaine d'un empoisonnement; mais considérée d'une manière absolue, abstraite, elle est peut-être moins positive que celle des symptômes, parce que le poison peut provenir d'une autre source; aussi, pour qu'elle ait toute sa valeur, faut-il éloigner toutes les causes d'erreur que nous avons signalées quant à l'origine du poison.

Il résulte donc que, considérés d'une manière abstraite, absolue, les symptômes, les lésions, l'extraction du poison des organes, ne donnent pas une certitude complète d'empoisonnement, qu'il faut combiner, associer ces éléments toxicologiques.

V.-Quest. La viande des animaux empoisonnés est-elle toxique ?

Nous citons des cas où le miel des abeilles qui avaient butiné sur des plantes toxiques, le lait d'une chèvre qui avait bu du bouillon cuivreux, la chair, le sang d'un cochon qui avait mangé du blé chaulé, ont produit des accidents très graves, Malheureusement ces matières alimentaires, ainsi que celles des déjections des personnes intoxiquées, n'ont pas été analysées. Nous en dirons autant pour des poissons, des anguilles empoisonnés par la coque du Levant. Des perdrix sont trouvées mortes dans un champ ensemencé de blé chaulé avec de l'arsenic; leur chair, privée de tube intestinal, a produit l'intoxication des animaux; il en a été de même sur les chats avec la chair des souris empoisonnées par ce poison. Il y aurait donc de l'inconvénient à manger la chair des animaux qui auraient succombé à un empoisonnement aigu, et même qui seraient soumis à un traitement arsénical; puisque, d'après MM. Flandin et Danger, chez les moutons, qui supportent des doses bien plus fortes d'arsenic que l'homme, l'élimination ne serait complète que trente-trois jours après en avoir cessé l'usage. Des chiens ont éprouvé des accidents pour avoir mangé le foie, la rate des moutons qui avaient succombé le sixième jour de l'empoisonnement arsénical, tandis que des personnes ont mangé impunément la chair des moutons tués le trente-huitième jour après la cessation du traitement. Dans le département de l'Ourthe, la municipalité a fait jeter des dindons qui s'étaient empoisonnés dans un champ avec du blé chaulé. Il faut tenir compte cependant de l'activité, de la nature

du poison, du volume de l'animal, puisque la chair de ceux qui ont été tués par des flèches empoisonnées peut être mangée impunément. (Voyez Animaux venimeux et empoisonnement par les matières alimentaires.)

La chair, les liquides sécrétés d'animaux atteints de maladies contagieuses (rage, morve, maladies charbonneuses, à sang de la rate, typhus, péripneumonie des bêtes à corne) ne sont pas nuisibles aux carnivores, aux omnivores, et le sont aux herbivores. Des chiens, des poules, des porcs en ont mangé la viande, même crue, sans inconvénient. A Saint Germain, 300 chevaux morveux ont servi à alimenter les pauvres. Il en a été de même à Alfort, ainsi qu'en Alsace, avec les animaux morts de typhus. La coction paraît modifier le virus (M. Regnault). Ces faits ne concordent pas avec ceux qui sont rapportés par M. Hammon, tom. 2, (page 636).

Les plantes peuvent se développer dans un terrain rendu accidentellement arsénical, cuivreux, les unes sans dépérir, les autres en y dépérissant. Leurs organes renferment-ils des traces de ces poisons? Pour le cuivre, cela a été démontré par MM. Boutigny, Verdier, etc. Quant à l'arsenic, MM. Orfila, Regnault, Chevallier, etc., n'en ont pas trouvé dans le grain des plantes provenant du blé chaulé. M. Audouard en a retiré de petites quantités; il s'y trouvait à l'état insoluble dans l'eau bouillante. Il l'a aussi retiré des tiges et M. Legrip des racines. Quoi qu'il en soit la quantité d'arsenic, de cuivre absorbés par les plantes, paraît insuffisante pour déterminer des accidents d'intoxication.

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