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CHAPITRE IX.

Rapports toxicologiques.

Un rapport est un acte dressé à la requête des autorités administratives ou judiciaires, par un ou plusieurs hommes de l'art, dans lequel on expose le résultat d'une mission un ensemble de faits et les conclusions qui en découlent. D'après la nature des faits, les magistrats par lesquels on est requis, les rapports sont dits d'estimation, administratifs, judiciaires.

Un rapport ne peut être fait qu'autant qu'il y a délégation d'un magistrat, et après prestation de serment, de le faire en honneur et conscience. Il est exigible quand il y a urgence, flagrant délit. Dans tout autre cas, si le médecin se sent incapable de remplir sa mission, il doit se récuser ou demander qu'il lui soit adjoint un expert plus versé en cette matière.

I.—RAPPORTS ADMINISTRATIFS. Ils ont pour objet une enquête sur la convenance d'un établissement public ou privé, sur telle mesure hygiénique ou de police médicale, etc., concernent plutôt l'hygiène publique que la médecine légale, sont provoqués ou réclamés par une autorité administrative (préfets, sous-préfets, conseillers, maires, adjoints, etc.).

II. RAPPORTS D'ESTIMATION. Ils ont pour but de vérifier si les honoraires réclamés par un médecin, le prix des médicaments sont estimés à leur juste valeur, etc. La formule est la même que celle des rapports judiciaires. Dans l'appréciation des honoraires, il faut avoir égard à la nature, à la gravité, à la durée de la maladie, à la proximité, à

l'éloignement du malade, à sa position, sa fortune, au nombre de visites et si elles étaient absolument nécessaires, à l'importance de l'opération, etc. S'il s'agit de médicaments, on adopte le prix moyen, on marque en marge de chaque article si l'estimation est bonne, ou la réduction qu'on juge convenable; on rapporte le total de la somme au bas du mémoire et on le certifie.

III.-RAPPORTS OFFICIEUX. M. Devergie, se fondant sur l'art. 30, Cod. inst. crim: « Toute personne qui aura été témoin d'un attentat, soit contre la sureté publique, soit contre la vie ou la propriété d'un individu, sera pareillement tenue d'en donner avis au procureur impérial, soit du lieu du crime ou du délit, soit du lieu où le prévenu pourra être trouvé », pense que si un médecin, dans l'exercice de sa profession, découvre un empoisonnenient, il doit en donner connaissance à l'autorité judiciaire, afin de ne pas laisser le crime impuni. La loi lui en fait un devoir. Il les nomme officieux, comme étant l'accom→ plissement de ce devoir. Il n'assimile pas ces rapports à ceux que prescrit l'art. 1: Tout officier de santé de Paris, etc., qui aura administré des soins, des secours à des blessés, sera tenu d'en faire sur-le-champ la déclaration aux commissaires de police, etc., sous peine de 300 francs d'amende; ordonnance du 17 ventóse an XI,» qu'on a essayé de remettre en vigueur à l'occasion de complots politiques, et à laquelle, avec juste raison, les médecins ont refusé d'obtempérer, parce que ce serait forfaire à l'honneur en dénonçant le blessé qui a réclamé vos soins.

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Nous sommes de l'avis de M. Devergie, et toutes les fois qu'on aura acquis la certitude d'un empoisonnement criminel, par les symptômes, les lésions, l'analyse, les circonstances concomitantes, on serait coupable de ne pas en donner avis à l'autorité. Dans les cas de soupçon, il faut recueillir les matières des déjections, éloigner autant

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que faire se peut les individus soupçonnés; charger une personne de confiance de préparer, d'administrer ellemême les médicaments, les aliments; recommander au malade de ne pas les prendre s'il leur trouve une saveur insolite,

IV.—Rapports JUDICIAIRES. Les seuls qui doivent nous occuper, en particulier ceux qui concernent la toxicologie: ils connaissent des faits relatifs à la jurídiction criminelle, ont pour but d'éclairer le jury, les juges, sur l'existence ou la non-existence d'un crime, d'un délit. Les autorités requérantes sont les procureurs, juges d'instruction, et, à leur défaut, dans les cas de flagrant délít, les officiers de police judiciaire ou auxiliaire, tels que juges de paix, maires, adjoints, commissaires de police, officiers de gendarmerie, les présidents des cours royale et de première instance; les premiers en matière criminelle, les seconds en matière civile.

Les rapports judiciaires toxicologiques, comme du reste tous les autres, se composent de trois parties: 1° le préambule; 2° l'exposé des faits; 3° les conclusions.

A.-Préambule, protocole, formule d'usage. C'est la partie du rapport où sont indiqués: 1° les noms, prénoms, qualités et domicile des experts; 2o les nom, siége et qualité du magistrat requérant, de celui qui assiste à l'expertise; 3o l'heure à laquelle on a été requis, on s'est rendu chez le magistrat, sur le lieu et procédé à l'expertise; 4o la nature de la mission, qu'il faut souligner; 5° la prestation du serment. La formule, quoique au fond la même, peut varier dans la forme.

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B-Exposition des faits, narration, description. Un paragraphe est d'abord consacré à la description des lieux, des objets, du sujet de l'expertise, aux renseignements fournis sur le corps du délit, sur les circonstances qui l'ont précédé, en tant qu'elles se rattachent à la cause, etc. On

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procède ensuite à l'exposition des faits, dans autant de paragraphes distincts qu'il doit y avoir d'expériences, d'analyses, de recherches distinctes. Comme les cas où l'expert est appelé à faire des rapports toxicologiques sont très-variés, il est impossible d'indiquer l'ordre dans lesquels on doit exposer les faits. On suit en général celui qui est tracé dans la nature de la mission. Ces cas cependant peuvent se réduire aux suivants : 1. relation des effets; 2. levée de corps; 3. autopsie; 4. exhumation; 5. contreexpertise; 6. falsification des aliments, des médicaments; 7. taches de sang, de sperme, etc, coloration des cheveux; 8. altération des actes, des monnaies, etc. - L'exposition étant la partie la plus importante du rapport, les faits doivent y être classés, décrits avec soin, clarté, précision. S'il est nécessaire d'instituer quelques expériences pour corroborer les résultats obtenus, élucider les faits qui paraissent douteux, il faut, autant que possible, se placer dans des conditions analogues.

C. Conclusions. Elles sont la conséquence rigoureuse des résultats de l'exposition. On peut tirer une conclusion générale, déduite de l'ensemble des faits, ou bien, et c'est ce qui a lieu habituellement, consacrer une conclusion à chaque fait important, et terminer par une conclusion générale, qui les résume en quelque sorte.

Comme nous consacrons à chacun des cas énoncés un article dans lequel nous indiquons la manière de procéder, les difficultés qui peuvent se présenter, avec un rapport spécial à l'appui, cela nous dispense d'entrer dans plus de détails sur la rédaction des rapports.

Le plus ordinairement, l'expert est mandé auprès du magistrat, par lettre, qu'il faut conserver, joindre au rapport, et sur laquelle sont fixés les honoraires. S'il doit procéder à l'expertise en l'absence du magistrat, il prête serment entre ses mains. S'il en est accompagné, ou de son

subdélégué, c'est sur le lieu même et en présence du corps du délit, et, dans l'un et l'autre cas, après avoir pris connaissance de l'ordonnance dans laquelle est exposée la nature de la mission. L'expert doit se renfermer dans les questions qui lui sont posées; toutefois il peut s'en écarter, si, pendant les recherches, s'offraient des faits imprévus, qui puissent éclairer l'instruction. S'il y a eu déjà une ou plusieurs expertises, on lui en communique les pièces. D'ailleurs il peut les réclamer à titre de renseignement. Il peut aussi, pour éclaircir certains faits, demander l'exhumation du restant du cadavre, de la terre du cimetière. Les dit-on, les renseignements indirects, les preuves morales, ne doivent avoir aucune influence sur les recherches, les conclusions. Il serait même à désirer que l'expert ne connût de la cause que ce qui est nécessaire pour la direction à donner à l'analyse, et qu'il établit seulement ses convictions d'après le résultat de l'expertise.

I.-Relation des effets.

L'expert est bien rarement appelé à constater les effets toxiques, à suivre la maladie, à en diriger le traitement, parce que, dans la plupart des cas, lorsque l'instruction commence, le crime est consommé. Cependant nous en citons des exemples dans les empoisonnements multiples, à la suite d'un repas, par l'usage de boissons plo mbiques, le séjour dans un milieu où plusieurs personnes se trouvent incommodées, éprouvent des accidents insolites. MM.Chevallier, Ollivier d'Angers, Roger, ont eu à constater si les accidents éprouvés par trois enfants, babitant le troisième étage, n'étaient pas dus aux vapeurs du mercure, en distillation dans la cour. Darcet a été appelé à faire des rapports sur la nature des accidents produits par les vapeurs mercurielles, le gaz de la combustion.

M. Andral, dans l'affaire Praslin, commis le troisième

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