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CHAPITRE II.

Étiologié ou recherché des Poisons.

Les cas où on est appelé à reconnaître les poisons, à les déceler dans les matières suspectes, sont très-variés, cependant ils peuvent être réduits aux suivants : 1° recherche ou caractères des poisons tels qu'on les distribue dans les arts, le commerce, la pharmacie; 2° recherche des poisons dans les matières alimentaires solides ou liquides, celles des vomissements, le tube intestinal; 3° recherche des poisons absorbés, dans le foie, les urines et autres organes ou liquides; 4° recherche des poisons dans la terre des cimetières.Afin de représenter, autant que possible, ces diverses circonstances, d'initier aux recherches, toxicologiques, souvent si ardues, si difficiles, les personnes peu versées dans ce genre d'études, nous entrerons dans des détails chimiques qu'on doit supposer être connus du toxicologiste, et traiterons successivement, sous les divers points de vue, ci-dessus indiqués, des poisons: 1° inorganiques; 2° organiques; 3° gazeux; 4o des poisons précédents mélangés entre eux, ou des empoisonnements complexes.

1'e Section. —Poisons inorganiques.

Les poisons minéraux se distinguent des poisons organiques par leur densité relativement plus grande, leur forme cristalline ou amorphe, non globuleuse, non celluleuse ou fibreuse, leur saveur acide, caustique, salée ou métallique, et surtout parce que, chauffés soit dans un tube, soit sur les charbons ardents ou au chalumeau, ils ne noircissent pas, ne donnent pas de produits empyreumatiques,

ne laissent pas un résidu charbonneux. Quoique très-nombreux, de forme et d'aspect très-variés, il est facile de les distinguer génériquement et même spécifiquement, à l'aide d'un petit nombre de réactifs organoleptiques, physiques et chimiques, tels que l'état, la forme, la couleur, l'odeur, les réactions par le tournesol, par la chaleur seule ou aidée du charbon, par l'acide sulfhydrique, la potasse, le cyanure jaune, etc. Toutes les fois qu'on veut reconnaître un poison, il faut d'abord constater les caractères physiques et organoleptiques, puis l'examiner par la voie sèche et humide, c'est-à-dire à l'état solide et après l'avoir dissous dans l'eau distillée ou tout autre véhicule.

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1o ÉTAT, FORME, ASPECT. — Il n'est qu'un petit nombre de poisons qui soient naturellement liquides (voyez ciaprès). Sont amorphes les poisons insolubles, les oxydes, les carbonates, les sous-sels, les sulfures, les iodures non alcalins ou formés par les métaux qui ne décomposent pas l'eau; en poudre, s'ils ont été obtenus par précipitation; en masses cristallines ou vitreuses, si c'est par sublimation (oxyde et sulfures d'arsenic, chlorures et sulfures de mercure). Les poisons solubles sont ordinairement cristallisés (voyez poisons à l'état liquide).

2o COULEUR.

On ne peut établir des données certaines pour la couleur des poisons, et, assez souvent, le même corps, selon qu'il est anhydre ou hydraté, à tel ou tel degré d'oxydation, offre une couleur différente (oxydes de plomb, de cuivre, etc.). En général, les sels résultant d'un acide, et surtout d'une base non colorés, sont incolores. Sont colorés en gris bleuatre; l'iode; en jaune, le trisulfure d'arsenic, le protoxyde, l'iodure, le chromate de plomb, les sous-nitrate, sous-sulfate et bioxyde de mercure hydratés, le chlorure et oxyde d'or; en bleu, blanc bleuatre ou en vert,

les préparations cuivreuses, l'arsénite de cuivre, le sulfate de fer, le proto-iodure de mercure; en brun rougeâtre ou en rouge, le bisulfure et oxyde anhydre de mercure, le bisulfure d'arsenic, les oxysulfures d'antimoine hydratés; en noir, l'arsenic cobaltique et l'oxyde noir d'arsenic, de mercure, le bioxyde de cuivre anhydre. La plupart des autres poisons sont incolores, blancs, grisâtres ou jaunâtres, n'ont pas enfin de couleur bien tranchée. Ceux qui offrent la même couleur pourraient être confondus entre eux, mais il est rare qu'ils aient la même nuance, le même aspect; ensuite nous verrons ci-après que, sur les charbons ardents, ils ne donnent pas le même résultat.

3° SAVEUR.-En général, les poisons insolubles ou peu solubles sont insipides, à moins qu'ils ne soient solubles dans les chlorures alcalins; les solubles ont une saveur très-marquée et quelquefois caractéristique, tels que les acides, les alcalis. Les préparations cuivreuses ont une saveur cuivreuse; les plombiques, une saveur styptique, sucrée; les mercurielles, une saveur âcre, métallique; les sels de fer, une saveur d'encre, etc.

4° ODEUR.-Plusieurs poisons, en particulier ceux qui sont volatils ou décomposables sur les charbons ardents, laissent dégager, soit à froid, soit à chaud, des vapeurs, des gaz ayant une odeur, une couleur particulières (voyez le paragraphe suivant). Le chlore, les hypochlorites répandent l'odeur de ce gaz; les vapeurs acides, ammoniacales irritent fortement la muqueuse nasale; l'acide acétique a l'odeur du vinaigre; les polysulfures, celle d'œufs couvis; les sels d'étain imprègnent les doigts de l'odeur de poisson pourri; les sels de cuivre, de l'odeur de ce métal.

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5° CALORIQUE, CHARBON. Le calorique, surtout aidé du charbon, qui agit comme corps réductible, fournit des caractères physiques, organoleptiques ou chimiques très-importants, et, pour peu qu'on ait l'habitude de ces expé

riences, il sera facile de reconnaître la plupart des poisons solides, soit génériquement, soit spécifiquement, de distinguer ainsi les poisons inorganiques des organiques. Les réactions, les modifications consistent en des phénomènes de fusion, de déflagration, de décrépitation, de coloration, gaz, de de vaporisation, de dégagement de colovapeurs rées ou incolores, avec ou sans odeur; et si ce sont des poisons facilement réductibles, tels que ceux de la quatrième section, on obtiendra le métal.

Sur les charbons ardents ou chauffés avec du charbon, les métalloïdes se vaporisent complétement en vapeurs violacées, bleuissant le papier amidonné, l'iode; rutilantes, le brome; blanches, avec odeur alliacée et flamme, le phosphore; jaune verdâtre, détruisant le tournesol et colorant en bleu le papier amidonné, imprégné d'iodure de potassium, le chlore. Les acides dégagent: l'acétique, l'odeur de vinaigre radical; le nitrique, des vapeurs nitreuses, rougissant la morphine; le sulfurique, un gaz ayant l'odeur du soufre qui brûle; l'hydrochlorique, des vapeurs blanches, précipitant en blanc quelques gouttes d'un soluté d'azotate d'argent, déposé sur une plaque de verre; le phosphorique, des vapeurs blanches, alliacées et acides; l'oxalique, des vapeurs blanches, .piquantes, qui troublent l'eau de chaux et se condensent en aiguilles soyeuses. Enfin les acides tartrique et citrique noircissent, se carbonisent et donnent des produits acides. Les poisons alcalins à base fixe de potasse, de soude, de chaux, de baryte, de strontiane, fondent ou non sans se vaporiser, ne donnent des produits volatils que lorsqu'ils sont combinés à des acides peu stables, facilement décomposables sur les charbons, tels que les hypochlorites, qui dégagent du chlore, les nitrates, qui déflagrent et donnent des vapeurs rutilantes. Ajoutons que ces bases ou leurs sels communiquent quelquefois à la flamme une couleur particulière. Les ammoniacaux répandent leur odeur spéciale, si ce n'est le chlorure qui est complétement

volatil en vapeurs blanches. Les préparations d'arsenic, d'antimoine, d'étain, de mercure, de cuivre, de plomb, de bismuth, d'argent, d'or, etc., chauffées seules, entre deux charbons ardents, ou mieux encore dans un tube avec du flux noir, donnent le métal, qui reste sur le charbon, au fond du tube ou sur ses parois, s'il est volatil (mercure, arsenic).

Pendant ces réactions, il se passe quelquefois des phénomènes particuliers qui peuvent faire soupçonner l'acide,

le métalloïde combinés avec la base ou le métal. Ainsi les sulfures d'arsenic donnent à la fois l'odeur d'acide sulfureux et alliacée ; cette dernière est propre à tous les arsenicaux. Les préparations mercurielles se vaporisent complétement, les chlorures en vapeurs blanches; les sulfates, avec des vapeurs sulfureuses; les nitrates avec des vapeurs nitreuses et déflagration. Les chlorures d'étain sont aussi complétement volatils en vapeurs blanches. Les préparations de plomb dégagent des vapeurs acétiques ou nitreuses selon que c'est un acétate, un nitrate, puis se colorent en rouge (minium), ensuite en jaune (massicot), et laissent des globules métalliques. Ainsi que les préparations antimoniales, de bismuth, les sels d'argent sont réduits, donnent une couche d'un blanc mat, à laquelle on peut donner le reflet métallique par le grattage. Les sels de cuivre communiquent à la flamme une couleur verte et laissent une couche cuivreuse. On pourrait d'ailleurs dégager l'acide ou le métalloïde par un acide fort, le sulfurique, qui sépare de leurs combinaisons basiques les acides chlorhydrique, nitrique, acétique, sulfhydrique, carbonique, l'iode, etc.

Pour constater ces diverses réactions, opérer ces réductions, si le poison est solide on le dépose dans la cavité d'un charbon ardent, et on observe ce qui se passe; on le couvre ensuite d'un autre charbon, et l'on souffle à l'aide de la bouche ou d'un chalumeau, jusqu'à ce qu'il ne dégage plus de vapeurs. Si le poison se vaporise complétement,

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