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tout à fait identique avec le genre de mort observé chez les animaux empoisonnés par l'acide tartrique.

Nous sommes conduits à émettre cette opinion, que la fille Kappler et le sieur Weber ont tous deux pris de l'acide tartrique; que la mort de la fille Kappler a été la conséquence de l'ingestion dans l'estomac de cette substance vénéneuse.

DEVERGIE, BAYARD.

M. Orfila (Ann. d'hyg. et méd. leg., 1852) combat les conclusions aussi affirmatives de MM. Bayard et Bouchez. Les lésions, dit-il, étaient tout au plus de nature à provoquer une analyse chimique, et les phénomènes d'asphyxie, surtout la paralysie des divers organes, symptômes qu'ils n'ont pas d'ailleurs observés, ne les autorisaient pas plus à supposer que ce fut plutôt l'acide oxalique, le sel d'oseille, que tout autre poison. Cette critique est de toute justesse. Le même auteur attaque, discute successivement les diverses conclusions du rapport analytique de MM. Bayard et Devergie, en déduit que rien ne les autorisait à admettre l'empoisonnement par l'acide tartrique. Voici ses principales objections: 1° les matières suspectes d'un individu qui aurait pris soit de l'acide phosphorique, soit du tartrate acide de potasse, de soude ou de fer mêlés à de l'acide eitrique ou sulfurique, soit du vin (ce qui a eu lieu dans le cas présent), traitées comme l'ont fait les experts, donneraient les mémés réactions. 1/2 litre de vin blanc, évaporé en consistance sirupeuse, devient de plus en plus acide, donne des cristaux de tartrate acide de potasse. Le liquide surnageant, délayé dans l'eau et filtré, rougit le tournesol, trouble l'eau de chaux, non le sulfate neutre de cette base.

Afin d'éviter ces causes d'erreur, Orfila conseille le même procédé pour ne pas confondre l'acide oxalique avec l'oxalate acide de potasse, l'acide sulfurique avec les sulfates acides, l'acide phosphorique avec les phos

phates, etc (voyez ces poisons). 1o Il évapore soit les matières liquides, soit le décocté des organes (estomac, foie, etc.) à siccité; après avoir filtré, épuise le residu, à plusieurs reprises, par l'alcool absolu à froid, puis à la température de 20 à 30, pour séparer l'acide tartrique des tartrates; concentre à une douce chaleur pour l'obtenir cristallisé! si la matière animale s'y oppose, il s'en débarrasse par l'acétate de plomb, comme l'a fait M. Devergie; 2o ou bien encore il dessèche les organes coupés en morceaux, les épuise à plusieurs reprises par l'alcool absolu, etc. Sur un chien, empoisonné par 20 grammes d'acide tartrique, il a retiré ainsi de ses organes cet acide cristallisé. Si cependant on ne pouvait l'obtenir en cet état, quoiqu'il considère les réactions données par les experts comme caractéristiques, il conseille d'ajouter la réaction par l'azotate d'argent, lequel donne un tartrate qui noircit, se décompose à chaud avec odeur de caramel et sans explosion, comme le fait l'oxalate.

2o Orfila reproche à MM. Bayard et Devergie d'avoir décoloré le vin par le charbon, qui a l'inconvénient d'absorber le poison, et objecte que les réactions par l'acide azotique, iodique, le persulfate de fer, sont insuffisantes pour affirmer que les matières ne contiennent pas d'alcali végétal. En effet, ces réactifs sont tout au plus caractéris tiques de la présence de la morphine, et encore peuvent-ils induire en erreur. Cependant, beaucoup d'experts s'en tiennent ordinairement à ces réactions et à la saveur amère, âcre, pour en déduire les mêmes conclusions.

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3o Enfin, Orfila dit qu'on ne savait rien des symptoines présentés par la fille Kappler et par Weber. Les animaux empoisonnés par l'acide tartrique n'ont ni vomissements, ni diarrhée. Les lésions observées ne sont pas caractéristiques à ce poison, car il les a observées chez les animaux empoisonnés par le bichlorure de mercure, donné par petites doses, ou étranglés.

Dans une réponse aux objections de M. Orfila, M. Devergie soutient ses conclusions d'après les mêmes données que celles qui résultent de son rapport.

Les analyses, les expériences ont été instituées avec les mêmes soins, la même rigueur que M. Devergie apporte dans les expertises légales. Cependant, dans un cas aussi nouveau, n'ayant pas obtenu le poison à l'état pur, mais seulement quelques réactions que pourraient présenter d'autres poisons, en particulier le tartrate acide de potasse renfermé dans le vin, et la mort étant survenue à la suite d'une orgie de toute sorte, surtout avec un état apoplectique des poumons aussi intense, genre de mort assez fréquent dans l'ivresse, il nous semble que les conclusions, sous le point de vue toxicologique, sont par trop absolues, par trop affirmatives.

V.-Contre-expertises.

La plupart des contre-expertises sont réclamées, soit parce que les premiers experts n'ont pas décrit avec assez de soins les symptômes, les lésions, ou les ont mal interprétés, n'ont pas recueilli les matières suspectes dans autant de vases distincts qu'il doit y avoir d'analyses, procédé aux recherches avec toute la rigueur désirable, employé le procédé le plus convenable, le plus délicat, ou obtenu des résultats négatifs; soit parce que, pendant les débats, s'élèvent des discussions, des questions incidentes qui nécessitent de nouveaux éclaircissements, de nouvelles analyses, etc.

Dans les cas de contre-expertise, d'autres experts sont adjoints aux premiers, ou bien, surtout dans les affaires un peu épineuses, par suite d'une commission rogatoire, le juge d'instruction adresse les pièces, les matières à analyser à un juge d'instruction d'une autre circonscription, qui requiert les experts dans son cabinet, leur fait connaitre la nature de leur mission, les questions à résoudre, et, après

leur avoir fait prêter serment, constater le nombre, la nature des objets, l'intégrité des scellés, il leur remet les pièces, les rapports, les matières relatives à l'affaire.

Les objets sont transportés dans le laboratoire des contre-experts, où, après avoir de nouveau constaté l'intégrité des scellés, ils les collationnent dans une armoire dont la clef est confiée à la responsabilité de l'un d'eux. Par la connaissance des pièces, des rapports, des objets, ils se dirigent dans l'analyse, déposent, dans autant de vases distincts, les réactifs qui doivent leur servir, prélèvent la quantité à employer dans leurs recherches, après s'être assurés de leur pureté.

Sans doute il est pénible de critiquer les opérations, les expériences qu'on juge incomplètes, mal faites, mal interprétées, mais le contre-expert doit toute la vérité à la justice. Cependant il ne faut pas oublier que souvent les experts adoptent tel procédé parce qu'il est préféré par les hommes haut placés; qu'ensuite, surtout les experts de province, ne sont pas toujours en position de connaître les progrès de la science, n'ont pas l'habitude de ces sortes. de recherches, les instruments, un laboratoire convenables; aussi la critique doit-elle être bienveillante. Espérons qu'au fur et à mesure que la toxicologie deviendra plus pratique, que les méthodes analytiques se perfectionneront, les contre-expertises seront de moins en moins fréquentes, et que nous n'aurons plus à déplorer, dans le sanctuaire de la justice, ces discussions vives, passionnées, personnelles méme, qui ne peuvent que porter atteinte à la dignité médicale.

Ayant été dans la nécessité de faire le dépouillement d'un certain nombre de rapports, il nous sera permis d'émettre le vœu suivant, qui, sans nul doute, sera partagé par nos confrères : le gouvernement devrait charger une ou plusieurs personnes, versées à la fois dans les sciences physiques et médicales, les langues vivantes, d'analyser

les faits de toxicologie légale, d'en faire un recueil qui serait déposé dans chaque préfecture, afin qu'il puisse être consulté au besoin. Ce serait rendre un bien grand service aux médecins de province. On éviterait ainsi un très-grand nombre d'erreurs, et les questions incidentes pourraient souvent être résolues sans l'intervention des experts de la capitale.

Nous avions l'intention de donner un résumé des affaires Mercier, Laffarge, etc., affaires qui ont eu un si grand retentissement par les circonstances dans lesquelles elles se sont accomplies, le nombre des contre-expertises, la qualité des experts, les discussions, les questions qu'elles ont soulevées; mais à quoi bon rappeler des faits qui doivent être oubliés, puisque, à cette époque, les procédés employés, l'appareil de Marsh, les erreurs auxquelles il peut exposer, n'étaient encore qu'imparfaitement connus ?

Dans la toxicologie spéciale, nous rapportons des cas de contre-expertise relatifs aux empoisonnements par le phosphore, les acides, l'arsenic, le plomb, l'acide cyanhydrique, le sulfate de fer, l'opium, etc., ainsi que dans la toxicologie générale, aux questions toxicologiques. Les cas que nous analysons ci-après ne sont pas moins dignes d'intérêt sous le rapport médical, chimique et légal.

ASSISES DU BAS-RHIN.-Affaire Glæckler.

RAPPORT D'AUTOPSIE.-Le 24 octobre 1845, le sieur Glockler ayant, depuis plusieurs jours, un malaise général, du mal de gorge, des vomissements, fait appeler le docteur Schmitt, qui constate les symptômes d'une fièvre typhoïde. Fièvre, délire, langue sèche et brunâtre, deux selles liquides par jour, épistaxis, éruption miliaire, point de soif, de vomissements, de douleurs dans le ventre. Ces symptômes font des progrès, le délire continue. Le 3 novembre, la faiblesse est extrême, le pouls insensible, le malade ne peut plus

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