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sur l'alcool, fournirent des résultats positifs. Une partie d'arsenic fut soumise aux réactions propres à le caractériser, le reste conservé pour être présenté à la cour. Le rapport fut rédigé et signé par les six experts. Ils se rendirent ensuite devant la cour, où M. Devergie, au nom de tous, déclara que les expériences confirmaient pleinement les résultats obtenus à Paris. M. Chevallier fit passer à M. le président et au jury les pièces à conviction, et chacun des experts, interpellé, déclara adhérer aux conclusions du rapport fait en commun.

L'affaire Gloeckler est digne de méditation sous le point de vue du diagnostic, des lésions, des circonstances dans lesquelles le crime s'est accompli, de l'habileté avec laquelle l'incision abdominale a été faite, les organes ont été enlevés du lieu où on les a trouvés. (Les femmes, à Strasbourg, ont l'habitude d'enlever le foie des oies pour les pâtés.) Sous le rapport chimique, les experts, d'ailleurs très-habiles, obtiennent des résultats négatifs par deux procédés préférés par M. Orfila; bien certainement il n'y aurait pas eu de contre-expertise, s'ils eussent employé la carbonisation par l'acide sulfurique; aussi, surtout dans les cas difficiles, il importe de varier les expériences.

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RAPPORT D'AUTOPSIE.-La femme D., phthisique, offre, du 6 au 13 avril 1854, les symptômes d'une gastro-entérite peu grave. Dans la nuit elle est prise de vomissements violents, de douleurs d'estomac, vives, brûlantes; figure crispée; ventre tendu, ballonné; bras droit et cuisses paralysés. Le lendemain, aggravation de symptômes, mort le 15. Le médecin, frappé de la dernière phase de la maladie et d'autres circonstances, conçoit des soupçons d'empoisonnement et en fait part au maire: une instruction a lieu contre le mari. A l'autopsie, 23 avril : poumons forte

ment adhérents, remplis de tubercules miliaires et de sang noir; 7 à 8 cuillerées d'un liquide visqueux dans l'estomac, dont la muqueuse, excepté dans la région pylorique, est rouge dans toute son étendue, uniformément, sans plaques, ni ramollissement, ni ulcérations; même rougeur, générale dans les gros et petits intestins; foie volumineux, gorgé de sang; un calcul pisiforme dans l'un des bas

sinets.

Conclusions. La mort peut dépendre simplement des lésions inflammatoires du tube intestinal, mais comme elles ne rendent pas compte de la paralysie du bras et des deux cuisses sans perte de l'intelligence et des sens, il est nécessaire d'analyser les organes, d'y rechercher un poison narcotico-acre, de ceux qui enflamment le tube intestinal sans produire la paralysie des membres abdominaux (belladone, datura, digitale, ciguë, laurier-cerise, aconit, coque du levant, noix vomique, etc.)

La désignation de la substance toxique à rechercher n'est pas heureuse, car toutes celles qui sont indiquées troublent l'intelligence, les sens, ou donnent lieu à des symptômes convulsifs ou tétaniques, et n'irritent pas toujours le tube intestinal ; tandis que l'arsenic et autres poisons minéraux peuvent déterminer des paralysies partielles, même de la moitié du corps (page 259), sans troubler le cerveau, les sens. On ne doit donc indiquer le genre de recherches à faire que lorsque les symptômes, les lésions offrent quelque chose de spécial à certains poisons.

RAPPORT D'ANALYSE.- Les experts font bouillir l'estomac dans l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique, filtrent, concentrent les liqueurs, précipitent la matière organique par l'alcool, chassent celui-ci, et les soumettent à un courant de gaz sulfhydrique et autres réactifs, pour déceler les poisons minéraux et végétaux. Ayant obtenu des résultats négatifs, ils traitent les intestins par le même procédé, et obtiennent

du sulfure d'arsenic, qu'ils transforment, par l'acide azotique, en acide arsénique, lequel donne à l'appareil de Marsh des taches arsénicales. Comme elles sont peu nombreuses, ils traitent tous les viscères par la méthode de M. Malaguti, comme étant la plus délicate; seulement, au lieu de précipiter le produit de la distillation par le gaz sulfhydrique, ils le saturent par la potasse, transforment le chlorure et le nitrate de cette base en sulfate acide, qu'ils soumettent à l'appareil de Marsh, et obtiennent des taches arsénicales; ils en retirent aussi de l'une des taches des linges (drap, chemise, camisole), et n'en retirent pas des urines. Ils constatent que les taches sont volatiles à la flamme du gaz hydrogène, se dissolvent dans le chlorure de soude, l'acide azotique, disparaissent par le chlore et réapparaissent jaunes par l'acide sulfhydrique, mais oublient la réaction par l'azotate d'argent. -Conclusions. Les réactifs, provenant de la maison Pelletier, nous étant d'ailleurs assurés de leur pureté, les taches des linges, les intestins, les viscères de la femme D. contiennent de l'arsenic.

RAPPORT DE CONTRE-EXPERTISE.

Le 9 septembre, MM. Chevallier, Bussy et Reveil sont chargés : 1° deprocéder à l'analyse des restants du cadavre D.; 2° de prendre connaissance des rapports; 3° de dire si les experts ont procédé selon les prescriptions de la science; 4° si les expériences chimiques ont été bien conduites, les conclusions régulièrement tirées.

1o Les taches des vêtements précités n'offrent aucune trace de corps cristallin, comme l'avaient observé les experts; l'une d'elles, bouillie dans l'eau, puis carbonisée par l'acide sulfurique, et les deux produits soumis séparément à l'appareil de Marsh, ils obtiennent, du dernier, des pseudotaches, qu'ils ne peuvent caractériser.

2° Restes du cadavre. Renfermés dans un fût neuf, ils consistent en tronc, tête, bras et jambes, recouverts d'une liqueur sanieuse, qui s'est écoulée sur la table et a été re

cueillie; il y avait en outre les débris du linceul et un bon net. Tous les viscères internes ayant été enlevés, on a été forcé d'agir sur les matières suivantes :- 200 grammes de parties musculaires,-200 grammes de liquide trouvé dans la cavité thoracique, le résidu du liquide sanicux et de l'eau des lavages, provenant des débris du suaire, d'une chemise, d'un bonnet, imprégnés de cette sanie, carbonisés, séparément, par l'acide sulfurique, etc., ne donnent à l'appareil de Marsh ni anneau, ni taches, ne changent pas l'aspect de la flamme.

3o Les liqueurs obtenues par le procédé Malaguti des divers viscères, et réservées par les experts, soumises à un courant de gaz sulfhydrique pendant 12 heures, donnent un précipité jaune rougeâtre, qui, dissout dans l'acide azotique, puis évaporé à siccité, repris par l'eau, et soumis à l'appareil de Marsh, fournit 36 taches arsenicales caractéristiques.

4° Terre du cimetière. 300 grammes, pris dans la fosse, mélés à 150 grammes d'acide sulfurique, évaporés à siccité, repris par l'eau, donnent des taches à l'appareil de Marsh; mêmes résultats avec 300 grammes de terre prise à plusieurs mètres de la fosse.

L'absence de l'arsenic par le procédé de carbonisation par l'acide sulfurique, sa présence par le procédé de Malaguti dans les liqueurs réservées, engagent les experts à agir sur les matières suivantes par le dernier procédé.

5o Le tonneau ou fût est lavé à l'eau chlorée, de manière à entraîner les matières sanieuses; 2 litres de cette liqueur sont évaporés en consistance d'extrait, au bain de sable, dans une cornue; l'extrait et le produit traités par la méthode Malaguti, telle qu'elle est indiquée page 53, ne donnèrent ni taches, ni anneau à l'appareil de Marsh.

6o Le résidu de l'eau des lavages du suaire et autres linges renfermés dans le tonneau, dissous dans l'eau régale et soumis au procédé Malaguti, donna 33 taches arsenicales.

7° 200 grammes de muscles de la partie externe de la cuisse droite, avec quelques lambeaux de peau et du tissu cellulaire, dissous aussi dans l'eau régale, et soumis au même procédé, fournirent, par l'acide sulfhydrique, après deux jours de repos, du sulfure jaune rougeàtre d'arsenic et 7 taches arsenicales.

Les taches obtenues sont volatiles à la flamme du gaz hydrogène, se dissolvent dans l'acide azotique; le soluté, évaporé à siccité, passe au rouge-brique par l'azotate d'argent. Ces caractères paraissent suffisants aux experts pour affirmer qu'elles sont arsénicales.

8o 400 grammes de muscles profonds de la cuisse droite, pris au-dessous de ceux qui ont donné de l'arsenic, carbonisés par 80 grammes d'acide sulfurique, etc., ne donnèrent pas d'arsenic à l'appareil de Marsh, même avec l'appendice de MM. Flandin et Danger (tome I, page 345), moyen que les experts considèrent comme le plus délicat. L'expérience eût été plus comparative par le procédé Malaguti.

Conclusions. Ils blament les premiers experts: 1° de ne pas avoir caractérisé le point blanc trouvé sur la muqueuse gastrique, les parcelles métalliques trouvées dans les intestins, ainsi que les cristaux des taches des linges; 2° d'avoir agi sur tous les viscères, négligé la réaction des taches par l'azotate d'argent. 3° les procédés Braconnot et Malaguti ont été bien exécutés. 4° le rapport ne contient pas les détails nécessaires pour en justifier les conclusions; 5o la terre, qui était arsénicale, imprégnant d'une manière notable les linges de la femme D., par conséquent les restes du cadavre, ne nous permet pas d'affirmer que l'arsenic, retiré seulement des muscles superficiels, des eaux de lavages du suaire, etc., soit nécessairement le résultat d'un empoisonnement.

Les experts de Paris sont appelés à déposer aux assises de Dijon. Pendant les débats, l'un d'eux, frappé de l'aspect

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