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Paris-Imprime chez Bonaventure et Ducessois, qua: des Augustins, 55.

INTRODUCTION.

La toxicologie, τοξικολόγος, de τοξικόν, poison, et de λόγος, discours, est cette partie des sciences médicales qui traite des poisons et des empoisonnements, sous le point de vue chimique, médical et légal.

Est considéré comme poison tout corps qui, par suite de son action chimico-dynamique locale, et surtout de son absorption, peut donner lieu à des désordres organiques ou fonctionnels graves ou mortels.

Le nom de corps établit une délimitation entre les poisons et les agents impondérables (calorique, électricité) qui, par leur action chimique ou dynamique, peuvent

donner lieu aussi à des accidents mortels.

Les substances telles que le verre pilé, etc., que quelques toxicologistes considèrent comme des poisons mécaniques, que l'article 301 du Code pénal assimile en quelque sorte aux poisons, en diffèrent en ce qu'elles n'ont pas d'action chimique locale, ne sont point absorbées, agissent enfin comme agents physiques, et, par conséquent, doivent faire partie des corps vulnérants.

Il n'y a pas de limite rigoureuse entre le poison et le médicament, puisque plusieurs de ces derniers, à haute dose, variable pour chacun d'eux, agissent comme poisons, que ceux-ci, à faible dose, sont administrés comme médica

ments: la différence consiste surtout dans le but qu'on se propose, dans le résultat à obtenir.

Les venins sont des poisons organiques normaux, sécrétés par des appareils particuliers à certains animaux dits venimeux, qui, par inoculation ou par la muqueuse pulmonaire, donnent lieu à des effets spéciaux, variables en intensité : les venins restent inertes sur la muqueuse gastrointestinale.

Les virus sont des produits organiques morbides qui, par inoculation et après une incubation plus ou moins longue, donnent lieu à des maladies spécifiques (rage, syphilis, etc.), et à un nouveau produit morbifique, transmissibles par inoculation d'individu à individu. Plusieurs faits tendent à démontrer l'innocuité des virus par la voie gastro-intestinale.

Les miasmes, les effluves, etc., sont des émanations provenant des matières organiques en décomposition ou d'individus malades, qui, portées à une plus ou moins grande distance, par l'intermédiaire de l'air, produisent des maladies endémiques ou épidémiques spécifiques, à forme périodique (fièvres intermittentes), ou continue (choléra, typhus, etc.).

Les venins, les virus, les miasmes ne different donc pas des poisons, dans le sens absolu du mot, puisque, introduits dans l'économie par voie d'absorption, ils déterminent des désordres organiques ou fonctionnels graves ou mortels. Nous ferons remarquer cependant qu'ils ne se produisent que dans des circonstances particulières, qu'ils sont d'origine et de nature organiques, qu'ils donnent lieu ordinairement à des maladies spécifiques pouvant se reproduire, se communiquer par inoculation, infection ou contagion. Les poisons, au contraire, appartiennent aux règnes inorganique et organique, diffèrent beaucoup entre eux par leur état, leurs caractères physiques, chimiques et leurs effets, ne donnent point lieu, comme les virus, à des

produits transmettant le même état morbide par inoculalation, produisent, à peu d'exceptions près, l'intoxication par la voie gastro-intestinale. Peu altérables dans leur nature, même pendant qu'ils circulent dans nos organes, la viande, les produits sécrétés des animaux intoxiqués peuvent agir comme poisons, tandis que la viande, les produits sécrétés des animaux tués par les venins, les virus, les miasmes ne seraient pas toxiques, puisque, d'après M. Renault, ils peuvent alimenter d'autres animaux, les granivores, les carnivores, l'homme, sans inconvénient, ce qui cependant n'est pas admis par tous les auteurs. Enfin, étant très-répandus dans la nature, le commerce, il est facile de se les procurer pour la perpétration du crime : c'est ce qui fait peut-être que, dans les traités de toxicologie, il n'est question que des poisons et des venins, laissant à la pathologie les maladies virulentes, miasmatiques.

La difficulté d'établir une délimitation rigoureuse entre les poisons, les médicaments, les venins, les virus, les miasmes, de donner de chacun d'eux une définition précise, succincte, surtout sous le point de vue de la toxicologie, science si complexe, nous fera pardonner les digressions qui précèdent.

On donne les noms d'intoxication, d'empoisonnement à l'ensemble des effets produits par un poison. Cependant la dernière dénomination a un sens plus étendu et comprend, en outre, l'action d'empoisonner, l'attentat à la vie par un poison; par conséquent, elle est plus médico-légale. Il y a empoisonnement, légalement parlant, toutes les fois qu'un poison ou une substance (cuivre, plomb, etc.) administrée dans des circonstances à pouvoir le devenir, ont été donnés dans un but coupable, quel qu'en soit le résultat, par conséquent, sous le point de vue de la criminalité, on considère et les effets du poison et l'intention dans laquelle il a été administré.

LÉGISLATION. Est qualifié d'empoisonnement tout attentat à la vie d'une personne, par l'effet de substances qui peuvent donner la mort, plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées, et quelles qu'en aient été les suites (Code pénal, art. 301).

gaz

Les poisons sont fournis par le règne minéral, végétal et animal. Ils sont solides, liquides ou gazeux; quelques-uns s'offrent sous ces deux ou trois états. Plusieurs matières organiques, surtout animales, par leur altération spontanée, délétères. peuvent devenir toxiques, donner lieu à des Les hommes, les animaux se nourrissant de matières organiques, ont dú, quoique guidés par leur instinct, distinguer, à leurs dépens, les végétaux toxiques, les animaux venimeux; ce sont par conséquent les poisons organiques qui ont été les premiers connus, et leur découverte remonte à la plus haute antiquité. Les herbes enchantées dont parlent les anciens poëtes, qui, probablement, ne sont autres que nos plantes vireuses, les flèches empoisonnées avec le suc des plantes, le sang altéré, le venin des animaux, dont se servaient les anciens guerriers et les peuples sauvages, le breuvage avec le suc de ciguë et d'autres plantes toxiques, destiné aux condamnés, chez les Grecs, les Égyptiens, usage encore suivi à Madagascar, où l'on soumet les prévenus à l'épreuve du tanghin, viennent à l'appui de cette assertion.

La connaissance des poisons inorganiques est bien moins ancienne que celle des poisons organiques, et il nous serait bien difficile d'en fixer l'époque d'une manière précise, d'autant plus que la découverte des effets toxiques ne date pas toujours de celle du corps. Puisque Moïse recommandait l'extrême propreté des vases en cuivre, il devait connaître, probablement, les accidents produits par les aliments préparés dans des vases de ce métal. Du temps d'Hippocrate, on ne paraissait connaître qu'une seule préparation arsenicale, le sulfure d'arsenic, sous le nom

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