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de quoi se dédommager de sa peine dans la seconde. Il paroît alors ressembler à ces hommes sérieux dont le premier abord est froid; mais qui charment par leur entretien, quand ils ont tant fait que de se laisser connoître.

CHAPITRE V.

De l'Epitre en vers.

L'EPITRE en vers n'est qu'une Lettre

adressée à une personne quelle qu'elle soit. Elle a ses regles comme Lettre, et ce sont les mêmes que celles du style. épistolaire, dont nous parlerons dans le volume suivant.

Les regles qu'elle peut avoir comme Lettre en vers se réduisent toutes à ceci ; qu'elle ait au moins un degré, ou de force ou d'élégance, en un mot un degré de soin, au-dessus de celui qu'elle auoit eu, si on ne l'eût mise qu'en prose.

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Sa matiere est d'une étendue qui n'a point de bornes. On peut, sous le titre qu'elle porte, louer, blâmer, raconter, philosopher, disserter, enseigner. Elle n'est pas limitée du côté des tons de

326 DE LA POÉSIE DIDACTIQUE. style qu'elle peut prendre. Tous ceux qui existent lui conviennent, parce que son style s'éleve ou s'abaisse selon la matiere, ou selon l'état de la personne qui écrit, ou à qui on écrit. Despréaux a peint le passage du Rhin en vers dignes de l'Epopée. Horace écrit à Auguste, et lui développe toutes les loix du bon sens et du bon goût dans les ouvrages de littérature, avec une noblesse et une dignité qu'il n'a pas ordinairement dans ses autres épîtres. Il y a plus : la même épître admet toutes les sortes de tons, au moins tous ceux qui tiennent à la matiere. A propos d'une maxime, elle raconte un fait héroïque, comique, historique, dans le genre noble, ou médiocre, ou simple. J'ai dit les tons qui tiennent à la matiere, parce que la personne qui écrit, aussi-bien que celle à qui on écrit, étant toujours la même, le ton de la personne doit être nécessairement toujours le même, dans la même Lettre.

L'épître commence et se termine sans apprêt et le titre qu'elle a en tête, est comme un avis au lecteur, de ne juger de l'ouvrage que comme ou juge d'une Lettre.

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CHAPITRE I.

Origine de l'Epigramme.

L'EPIGRAMME étoit autrefois la même

chose que ce que nous appelons aujourd'hui inscription. Elle se gravoit sur les frontispices des temples, sur les monumens, sur les édifices publics, etc. Celles qui se mettoient sur les tombeaux furent nommées Epitaphes, à cause du monument même sur lequel elles étoient gravées signifie sur; et rapes tombeau.

Plus on remonte vers l'antiquité, plus on trouve de simplicité dans les inscriptions. Elles se réduisoient même quelquefois au monogramme, c'est-à-dire, aux seules lettres initiales de quelques mots, dont il falloit deviner les autres lettres. Quelquefois elles étoient morales, comme celle du temple de Delphes: Connois-toi toi-même : Fabio UTV. Mais le plus souvent elles annonçoient l'histoire même du monument, ce qui y avoit donné lieu, le nom de celui qui l'avoit élevé, le tems, etc.

Il suffisoit alors, comme il suffit encore aujourd'hui, que les inscriptions renfermassent un sens juste, clairement et simplement exprimé, et sur-tout en peu de mots; c'est-à-dire, qu'on se contentoit d'exprimer seulement les principales idées, et qu'on omettoit celles qui pouvoient se suppléer. Celles que le Roi de Prusse a fait mettre sur son hôtel d'Invalides, qu'il vient de bâtir à l'imitation de celui de Louis-le-Grand, a le vrai caractere de ces inscriptions anciennes: Laso militi et invicto, Au guerrier blessé, et non vaincu. Cette inscription est juste, naturelle, présente un beau sens, et ne le présente qu'à demi.

Il nous en reste encore un grand nombre qui ont une partie de ce caractere,

dans un recueil connu sous le nom d'Anthologie. C'est une collection due à Maxime Planude, le même qui dans le quatorzieme siecle donna un recueil de fables, sous le nom d'Esope. Leur simplicité fit dire autrefois à Racan, à propos d'un potage insipide qu'on lui avoit servi après la lecture de l'Anthologie que c'étoit un potage à la grecque. Ce mot fit fortune chez bien des gens qui condamnerent la plupart des inscriptions grecques, par l'endroit même qui en faisoit le prix. Il y a encore aujourd'hui des gens qui prétendent tourner les Grecs en ridicule sur cet article; comme si ce pouvoit être une honte de ne point exceiler dans les pointes; ou qu'on pût raisonnablement soupçonner ceux qui ont possédé, par excellence, la finesse de l'esprit, ce que les autres nations appeloient le sel attique, de n'avoir pu aiguiser une pensée, s'ils avoient cru que ce fut un mérite. C'en seroit un, qu'ils pourroient se l'attribuer encore avec justice. Souvent quand nous blámons leurs épigrammes, nous ne savons pas tout ce qu'il faudroit savoir pour en bien juger. Rien ne dépend de si peu de chose qu'un bon mot. Combien y en a-t-il parmi les nôtres, dont la finesse

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