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chant musical. Ainsi elle étoit à peu près semblable à la notre dans le tragique.

L'art du geste étant chez les Anciens une partie de la musique, il avoit ses notes de même que la déclamation, et, ce qui nous paroît ridicule, c'est que chez les Romains, souvent un acteur déclamoit, et un autre faisoit les gestes; le concert de ces deux expressions faisoit un accord piquant pour le peuple, que l'habitude avoit rendu connoisseur.

La chaussure de la Tragédie étoit le cothurne, chaussure haute qui relevoit la taille des acteurs, et les faisoit approcher de l'héroïque. Le brodequin, soccus, étoit une chaussure plate et ordinaire. On prend souvent le nom de ces chaussures pour désigner les deux especes du dramatique : le cothurne désigne par son élevation la dignité, la noblesse du style tragique; et le brodequin, la simplicité du style comique.

CHAPITRE VI I.

Des Acteurs.

L'ARTICLE des Acteurs demanderoit être traité avec quelque étendue. Je n'en dirai que ce qui est relatif à mon objet

c'est-à-dire, que ce qui peut avoir rapport à ces jeunes acteurs, qu'on montre quelquefois sur les théâtres des colléges, ou dans les maisons particulieres.

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Parmi les jeunes gens qui étudient, y en a qui ont des dispositions marquées pour les lettres et pour les sciences: il y en a d'autres aussi qui paroissent destinés par la nature pour toute autre chose que les livres et le cabinet, pour le militaire, le commerce, enfin pour tout ce qui demande plus d'activité que de goût, ou de méditation.

C'est assurément une perte de tems pour les jeunes gens de la premiere sorte, que de leur donner des rôles dramatiques à représenter. Cet exercice ne leur apprend rien que leur goût et la lecture ne leur apprît suffisamment sans cela. En second lieu, ils perdent le train de leurs études, et prennent du goût pour la dissipation: et cet inconvénient, tout grand qu'il est, est peut-être encore le moindre qui puisse en arriver.

Quant à ceux de la seconde espece, si on leur donne un rôle à jouer, ils apprennent 1.° à bien prononcer le François, ce qui est assez rare parmi nos jeunes gens: 2.o à se présenter avec confiance et d'un air aisé : 3. ils apprennent à sentir : il n'est pas possible de faire

passablement un rôle, à moins qu'on re sente ce qu'on y dit : enfin, c'est un tems qu'ils emploient toujours mieux qu'ils ne l'auroient fait sans cela : ce qui seroit perte de tems pour des enfans laborieux, devient pour ceux-ci un tems bien employé.

Mais il y a une chose à observer dans la distribution des personnages, à laquelle les parens sur-tout doivent faire attention.

Il semble qu'on ne doit faire jouer aux jeunes gens des pieces de théâtre que pour leur propre bien, pour les former; et si on leur fait envisager les applaudissemens du public, ce ne doit être que pour les encourager à profiter mieux des leçons qu'on leur donne.

Les maîtres qui distribuent les rôles, n'ont pas toujours ce but. Comme ils veulent se faire honneur de l'exécution d'une piece, ils font la distribution des rôles selon ce point de vue. Ainsi ils choisissent ceux qui peuvent le mieux rendre les caracteres des personnages de la piece, qui ont pour cela une dispotion déjà naturelle: ce qui assure aux enfans un défant, q e'quefois même un vice pour toute leur vi¿(a).

(a) Frequens imitatio transit in mores. Quintil. 1. 100

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Par exemple un jeune homme est -précieux, petit-maître; on le choisit par cette raison, pour faire le petit marquis, le fat. Il est paresseux, indolent; on lui fera jouer l'indolence, la pàresse. Il est haut, il fera le glorieux; menteur, il fera le premier rôle dans la Comédie de Corneille : dur, il jouera Atrée. S'il est dissipé, polisson, étourdi, il fera le valet; de maniere que des défauts, ou des vices qu'on devroit corriger par l'éducation, se concentrent par ce moyen dans le caractere. Il y a un avantage certain quand les rôles vertueux sont ainsi distribués un caractere noble, s'ennoblit encore en jouant Auguste, Horace, César. Un caractere doux et humain, se perfectionne en jouant Philinte à côté du Misantrope. Il en est de même des autres caracteres vertueux. D'où je conclus qu'il ne faudroit donner les caracteres vicieux qu'à ceux qui sont assez affermis dans la vertu pour ne point prendre l'impression du vice, et ceux qui sont vertueux, qu'à ceux qui, ayant un caractere rebelle, ont besoin de prendre une nouvelle tournure et de pétrir leur caractere.

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Qu'arrivera-t-il de cette distribution Que la Comédie jouée par des enfans peu faits pour leur rôle, sera jouée assez

mal. C'est dommage pour les specta~ teurs, assurément. Mais c'est un avantage pour les acteurs et si la distribution se fait autrement, le plaisir du spectateur peut faire à tel jeune acteur un tort irréparable.

Mais alors personne ne voudra donner des spectacles dans les colléges, ni les maîtres, ni les jeunes gens, parce qu'ils en auroient trop de peine et trop peu d'honneur.

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Est-il impossible de trouver des pieces sans contraste du vice avec la vertu? Et si on n'en trouve point; l'éducation chrétienne, l'éducation mondaine même, si elle est sérieuse et décente, a-t-elle besoin, pour être parfaite, des leçons d'un comédien ? Ne peut-on point trouver d'autres moyens d'exercer et de former les jeunes gens, de leur donner des graces? Ne peuvent-ils s'essayer devant le public sans prendre la voix aigre d'un vieillard quinteux, ou les airs impertinens d'un faquin? Et un mot ne peuventils entrer dans le monde honnête qu'en descendant du théâtre.

Cependant si on juge à propos de faire usage de ces sortes d'éxercices, voici à peu près ce qu'on doit observer sur le théâtre et dans la représentation,

La premiere chose est d'oublier entié

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