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AU LECTEUR.

Ce n'est ici qu'un simple crayon, un petit impromptu dont le Roi a voulu se faire un divertissement. Il est le plus précipité de tous ceux que Sa Majesté m'ait commandés; et, lorsque je dirai qu'il a été proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, je ne dirai que ce qui est vrai. Il n'est pas nécessaire de vous avertir qu'il y a beaucoup de choses qui dépendent de l'action.

On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées, et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir, dans la lecture, tout le jeu du théâtre.

Ce que je vous dirai, c'est qu'il seroit à souhaiter que ces sortes d'ouvrages pussent toujours se montrer à vous, avec les ornemens qui les accompagnent chez le Roi. Vous les verriez dans un état beaucoup plus supportable, et les

airs et les symphonies de l'incomparable M. Lully, mêlés à la beauté des voix et à l'adresse des danseurs, leur donnent, sans doute, les graces dont ils ont toutes les peines du monde à se passer.

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CETTE

ETTE Comédie-Ballet en prose et en trois actes, avec un Prologue, fut représentée à Versailles le 15 septembre 1665, et à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 22 du même mois.

Molière, dans son avis au lecteur, ne conseilla de lire cette comédie qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir, dans la lecture, tout le jeu du théâtre.

Sa modestie ne lui permettoit pas de croire qu'un ouvrage, proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, pût être soutenable, lorsqu'il seroit dépouillé des avantages de l'action théâtrale; mais Molière, dans cette espèce d'impromptu, étoit dans son véritable genre. Fléau de tous les ridicules, il en avoit saisi un, c'étoit celui de la charlatanerie en médecine; l'attaquer, le détruire, c'étoit servir l'humanité; et Mo~

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lière, dans ce combat important, n'employa que ses armes, toujours sûres de leurs coups, le rire et la vérité.

On a dit qu'une querelle de la femme de Molière avec celle d'un médecin chez qui elle demeuroit, et qui lui avoit donné congé, avoit été la source de toutes les plaisanteries dont son mari poursuivit sans relâche la Faculté de Médecine.

Quelqu'un a dit aussi, et tout le monde l'a répété, que l'Amour Médecin étoit le premier ouvrage dans lequel Molière eût attaqué les médecins; cependant, la première scène du troisième acte du Festin de Pierre avoit déjà annoncé leur art comme une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes, et toute cette scène est pleine de traits de la plus grande force contr'eux.

A l'égard du premier fait, on seroit tenté de croire qu'il fut inventé par quelque médecin du tems, pour décrier le motif qui faisoit agir notre

auteur.

Les médecins de ce tems-là courant les rues de Paris en habits de docteurs sur leurs mules, consultant gravement en latin sur les maladies les plus ordinaires, avoient enx-mêmes, depuis nombre d'années, répandu sur leur profession un ridicule ineffaçable, par leurs divisions, et par les injures dont ils s'accabloient mutuelle

ment.

Ce qui s'étoit passé dans la dernière maladie du cardinal Mazarin, qui avoit dit au roi, avant de

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