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Ces prescriptions étaient sanctionnées par des peines assez

rigoureuses.

Ainsi finirent les corporations.

SECTION IV.

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Des associations professionnelles en France depuis 1791 jusqu'à la loi de mars 1884.

Le Premier Consul fut plusieurs fois sollicité de réorganiser les corporations. La question fut même agitée au Conseil d'Etat où elle fut vigoureusement soutenue par Regnault de SaintJean-d'Angély. Mais les membres de la chambre de commerce de Paris firent au rétablissement des corporations une vive opposition et le projet échoua.

Sous la Restauration, nouvelles pétitions du petit commerce et de la petite industrie qui trouvent toujours en face d'eux le même redoutable adversaire : la chambre de commerce de Paris (1817).

Les marchands et artisans renouvelèrent leur pétition à une date ultérieure. La chambre de commerce prit une nouvelle délibération que l'on trouve au Moniteur du 24 mars 1821.

Le Corps législatif fut encore saisi d'autres pétitions. Le Moniteur en contient deux.

La Chambre des députés, dans sa séance du 15 février 1823 (Moniteur du 16), s'occupa d'une pétition des ouvriers tonneliers de la Rapée demandant à être organisés en société.

En 1829, trente-quatre entrepreneurs de bâtiments de la ville de Paris demandèrent à la Chambre d'appuyer auprès du Gouvernement la demande qu'ils adressaient à celui-ci à l'effet d'obtenir, sinon une loi, du moins une ordonnance royale qui organise, d'une manière plus étendue et plus complète qu'elles ne l'étaient à ce moment, les chambres syndicales chargées de surveiller l'exercice des différentes professions qui concourent à la construction des bâtiments.

Sur l'avis du rapporteur, la Chambre passa à l'ordre du jour.

Légalement, les associations ne pouvaient donc avoir d'exis

tence en tant que syndicats; mais, en fait, malgré les prohibitions et les peines portées par la loi, un grand nombre d'associations professionnelles se maintinrent ou se formèrent tant à Paris que dans les départements.

Ce furent les chambres syndicales de patrons qui se constituèrent les premières; elles commencèrent dès le premier Empire; quelques-unes furent autorisées à se constituer par l'administration. Dès 1808, la société des maîtres charpentiers de Paris était autorisée par le préfet de police. En 1809 et 1810, les entrepreneurs de maçonnerie et de pavage se joignirent aux entrepreneurs de charpentes; puis peu à peu quelques autres industries ayant rapport au bâtiment adhérèrent et un groupe est formé qui, en 1848, comprenait les patrons de onze professions, sous le nom de chambre syndicale du bâtiment ou de la Sainte-Chapelle. Le nombre de ces associations resta stationnaire et elles ne se développèrent que sous le second Empire qui se montra favorable à ces groupements. En 1858, fut fondée l'Union nationale du commerce et de l'industrie qui, en 1869, comprenait 52 chambres et en comptait 97 au 1er juillet 1901. En 1869, les chambres syndicales dépassaient à Paris le chiffre de 80 (Dalloz, vo Ouvriers, no 172). Et au moment de la promulgation de la loi de 1884, il existait à Paris 185 syndicats de patrons comprenant 25.000 membres. (Claudio-Jannet, Socialisme d'Etat, p. 285; Glotin, Syndicats professionnels, p. 107.)

Quant aux associations d'ouvriers, elles tardèrent plus longtemps à se former; le Gouvernement, en effet, les voyait d'un mauvais œil et craignait toujours qu'elles ne deviennent le centre des menées socialistes.

Le mouvement syndical ne laissa pas toutefois de s'accroître chez les ouvriers sous l'influence de diverses causes : les expositions universelles, qui les mirent en relation avec les trade's unions anglaises; le droit de coalition, qui donnait lieu à la fondation de caisses de grèves, et la tolérance accordée aux unions patronales, qui permettait de réclamer au nom de l'égalité. Ce mouvement fut momentanément entravé par réaction contre les tendances révolutionnaires de l'association inter

nationale des travailleurs. Une loi de 1872 (1) fut spécialement promulguée contre elle (Voy. supra, p. 266), et les syndicats ouvriers furent l'objet d'une défiance plus grande. L'administration devint moins tolérante à leur égard. Le Cercle de l'union syndicale ouvrière, créé à Lyon en 1872, fut obligé de se dissoudre. Un arrêt de la cour de Lyon (28 mai 1874, D. p. 75,2,65) condamna comme association illicite l'union des ouvriers sur métaux. A plus forte raison, les associations ouvrières subissaient elles au point de vue civil l'effet des lois restrictives de 1791 et de 1810. Dépourvues d'existence civile, elles ne pouvaient comme telles ester en justice. De plus, les conventions collectives faites entre leurs membres au sujet des conditions de leur travail restaient frappées de nullité comme contraires à la loi de 1791 et ayant une cause illicite. (Dalloz, Rép., Suppl., vo Travail, no 746).

Mais le mouvement syndical reprit avec plus de force et rencontra plus de faveur à partir de 1877; les revendications devinrent plus énergiques et aboutirent à la reconnaissance légale des syndicats professionnels. (Dalloz, loc. cit.)

Le 22 novembre 1880, le Gouvernement déposa à la Chambre un projet de loi qui, par suite de modifications successives, dut revenir trois fois devant la Chambre et deux fois devant le Sénat, avant de devenir la loi du 21 mars 1884 que nous allons étudier.

CHAPITRE II

RÉGLEMENTATION ACTUELLE DES SYNDICATS

-

SECTION PREMIÈRE. De la liberté des syndicats professionnels. Formalités à remplir pour leur fondation légale.

§ I. De la liberté des syndicats professionnels

La loi du 21 mars 1884 a fait disparaître toutes les entraves au libre exercice du droit d'association pour les syndicats professionnels.

(1) Cette loi vient d'être abrogée par l'art. 21 de la loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d'association.

Mais la nouvelle loi n'a pas touché à la loi du 21 mars 1884. (L. 1901, art. 21).

Par son article 1er (1), en effet, elle abroge la loi des 14-17 juin 1791, qui défendait aux membres du même métier ou de la même profession de former entre eux des associations professionnelles, et l'article 416 du Code pénal ainsi conçu : « Seront punis d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de seize à trois cents francs ou de l'une de ces deux peines seulement tous ouvriers, patrons et entrepreneurs d'ouvrage qui, à l'aide d'amendes, de défenses, prescriptions, interdictions prononcées par suite d'un plan concerté, auront porté atteinte au libre exercice de l'industrie et du travail. »

De cette abrogation résultent les conséquences suivantes : 1o Le fait de se concerter, en vue de préparer une grève, n'est plus un délit ni pour les syndicats de patrons, d'ouvriers, d'entrepreneurs d'ouvrage, ni pour les ouvriers, patrons, entrepreneurs d'ouvrage non syndiqués ;

2o Cessent d'être considérées comme des atteintes au libre exercice de l'industrie et du travail les amendes, défenses, prescriptions, interdictions prononcées par suite d'un plan concerté.

Mais demeure punissable, aux termes des articles 414 et 415 du Code pénal, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée de travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie et du travail. Le paragraphe de l'article 1er déclare non applicables aux syndicats professionnels les articles 291, 292, 293, et 294 du

(1) Sont abrogés la loi des 14, 27 juin 1791 et l'article 416 du Code pénal.

Les articles 291, 292, 293, 294 du Code pénal et la loi du 18 avril 1834 ne sont pas applicables aux syndicats professionnels. (L. 21 mars 1884, art. 1.)

La loi de 1884 est applicable à l'Algérie.

Elle est également applicable aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Toutefois, les travailleurs étrangers et engagés sous le nom d'immigrants, ne peuvent faire partie des syndicats. (L. 1884, art. 10).

Code pénal et la loi du 10 avril 1834, récemment abrogés par la loi du 1er juillet 1901 et qui considéraient comme illicite toute association de vingt personnes formée sans l'agrément préalable du Gouvernement et frappaient de peines exceptionnelles les auteurs de provocations à des crimes ou à des délits faites au sein de ces assemblées, ainsi que les chefs, directeurs et administrateurs de l'association.

Cet article 1er consacre la liberté complète d'association, mais seulement au profit des associations professionnelles (1). Les articles 2 et 3 (2) définissent les associations appelées à

(1) La jurisprudence refuse d'étendre le bénéfice de cet article à ceux qui exercent des professions libérales. C'est ainsi que par arrêt du 27 juin 1885, la Cour de cassation a décidé que les médecins n'avaient pas le droit de se syndiquer. Cet arrêt n'a sans doute plus de valeur, au regard des médecins, chirurgiens-dentistes et sagesfemmes à qui le droit de se constituer en associations syndicales a été formellement reconnu par l'article 13 de la loi du 30 novembre 1892 (Paris 20 janv. 1886; Bordeaux 25 nov. 1886, D. p. 87, 5, 430), mais il n'a rien perdu de son importance quant aux autres professions libérales. (Garraud, t. IV, p. 178; Glotin, p. 163; Boullaire, p. 26, Contra: Dalloz, v Travail, no 788.) Ajoutons que les pharmaciens ne sont pas considérés comme exerçant une profession libérale mais comme de véritables commerçants et peuvent par suite se réclamer de la loi de 1884.

Le mot profession ayant dû être pris par la loi dans son sens ordinaire, suppose l'exercice habituel et régulier de certains travaux procurant des ressources à leur auteur.

Il faut en conclure que les propriétaires fonciers dont les terres sont exploitées par des fermiers ne peuvent faire partie de syndicats agricoles. (Pic, p. 110; Glotin, p. 151.)

Mais nous ne pensons pas qu'il faille exclure des syndicats les propriétaires de métairies. En effet, l'article 5 de la loi du 18 juillet 1889 attribue au bailleur la surveillance des travaux et la direction générale de l'exploitation, soit pour le mode de culture, soit pour l'achat et la vente des bestiaux.

Cette profonde différence avec le bailleur à ferme permet de voir en lui un membre de la profession agricole et de l'admettre au syndicat de cette profession. (Dalloz, Rep. Supp., v° Travail, n° 782; Contra: Pic, p. 111; Glotin, p. 153.)

(2) Les syndicats ou associations professionnelles, même de plus de vingt personnes exerçant la même profession, des métiers simi

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