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dans un état d'oppression réelle. Nous nous proposâmes donc de nous insurger à notre tour contre cette tyrannie.

« A ma première opinion sur la non-liberté de la Convention succédèrent bientôt ces réflexions:

« Dès le même jour, le conseil général | chard, Echard, Ledier, Bayvel et Lapille nomma des commissaires vers les départements du Calvados, de l'Oise, d'Eure-et-Loir, de la Seine-Inférieure et de l'Orne. J'en fus un, mais je refusai d'accepter cette mission, on me substitua Levacher; le 8, je me rendis à l'exercice de mes fonctions de juge de paix, certain que cet arrêté n'aurait pas une cution prompte et ne l'aurait que dans un cas très douteux où tous les départements et les communes y adhéreraient et avec la conscience de n'avoir consulté que mon devoir.

« Dès le 14, je reçus une nouvelle invitation du procureur-syndic de me rendre surle-champ au département, dans la circonstance critique; la lettre n'en dit pas davantage; je ne pus m'y rendre que deux jours après; je ne trouvai plus l'état des choses le même; les autorités constituées d'Evreux s'étaient réunies en assemblée générale avec les membres du département.

« Je ne connus pas plutôt les décrets de la Convention des 13 et 18 que je désirai de m'y soumettre et de persuader à mes collègues que nous le devions; mais de la manière dont l'assemblée était organisée, la plupart de ceux qui la composaient n'étant pas compris dans ces décrets ne balançaient pas à rappeler cette opinion.

« Je profitai donc de la formation d'un comité de salut public auquel je fus adjoint pour y faire adopter mon projet. On m'opposa dès qu'on le sut que je n'étais pas de ce comité. L'assemblée vit avec surprise que le procès-verbal n'en faisait pas mention, mais elle arrêta et fit faire cette mention. Le comité était de mon avis, et le rapport allait être fait en assemblée générale et publique. Quelqu'un mit en avant de se former en comité général. Je ne voulus pas contredire ce plan dont je pressentais le but, parce que je ne craignais pas plus d'exposer mes vues à tous qu'à un petit nombre. Ce comité général me procura quelques injures et l'approbation de presque tout ce qui restait là de l'administration. Je mis encore cette circonstance à profit pour faire le rapport en assemblée publique du projet du comité de salut public. Là, je répétai ce que je n'avais cessé de dire depuis huit jours.

« Le conseil du département a proposé des mesures au delà du pouvoir qui lui est confié : pour cette raison, il les a soumises aux administrés. Les administrés n'y donnent point leur adhésion, les communes ne se sont pas assemblées. La plupart des districts ont énoncé un vou contraire; vos commettants ne correspondent point avec vous; ils ne vous reconnaissent plus. Vouloir administrer encore est vous opposer à la loi et à la volonté des administrés; vouloir donner suite à des mesures qu'ils n'agréent pas serait un acte de révolte. Je vous déclare que je n'ai consulté que mon devoir et que je le trahirais si je voulais le mettre en insurrection quand il ne se croit pas opprimé.

« Ces idées firent traiter le grand nombre qui les adoptait de peureux, de pusillanimes, de lâches. On nous menaça de la colère du peuple d'Evreux. Le peuple d'Evreux n'est pas à craindre pour les vrais citoyens, mais le moment de l'erreur n'étant pas encore passé, je me trouvais moi et mes collègues Ri

« 1° Buzot est resté deux jours à Evreux. L'arrêté du 6, je ne l'ai su qu'alors... Buzot n'aurait-il pas présenté ce plan à des correspondants avant son arrivée? Ne serait-il pas arrivé avant la nuit? Amis loyaux de la liberté, serions-nous les instruments aveugles de l'intrigue?

« 2° J'ai vu des individus se disant arrivés récemment de Paris nous présenter des événements comme récents dont la narration les avait précédés.

« 3o J'ai vu aussi employer divers moyens, même l'expression de la colère, pour éloigner le rapport du comité tendant à la soumission aux décrets de la Convention.

« Déjà j'entends depuis plusieurs jours que Wimpfen prend part à la querelle. N'en aurait-il pas été prévenu avant nous ? On parle des succès des révoltés de la Vendée. Voudrait-on nous porter à les secourir? Une force départementale ne serait-elle qu'une armée de rebelles ?

«Le procureur syndic en la probité duquel je me fie, le député éxtraordinaire envoyé à Paris par la ville d'Evreux, nous disent que là tout est tranquille, que la Convention est libre. Je vois une Constitution.

« Enfin quels sont les membres de la Convention qui ne sont pas libres autres que ceux mis en arrestation... Ils seraient entraînés et ils ne le diraient pas à la France entière ; ils ne pourraient pas garder le silence sans prévarication, et je les croirais tous prévaricateurs pour croire que la Convention n'est pas libre.

« Je n'ai pu conserver cette idée plus longtemps. Mes collègues, qui m'accompagnent, qui ont partagé mes principes, mes opinions dans le cours de ces événements abandonnent ainsi que moi leur erreur.

« Législateurs, dans le dessein de venir près de vous vous présenter les motifs de nos opinions, nos principes et nos sentiments de confiance, nous sommes partis d'Evreux le 26 au matin, sans linges, sans vêtements et véritablement sans-culottes. Nous avons couru par monts et par vaux, dans les bois, les plaines, franchissant à pied les obstacles, couchant au bivouac. Nos craintes n'étaient pas sans fondement, car après six heures de marche, à 3 lieues d'Evreux, nous nous sommes vus poursuivis par des gens ayant uniforme de gendarmerie ou de dragons que nous avons évités. Nous venons vous dire que nous serons toujours soumis à vos lois; qu'étrangers à l'intrigue, nous détestons les intrigants; que la ville d'Evreux n'est comme nous que trompée; qu'elle est loin de croire qu'elle marche au fédéralisme et à la contrerévolution ; qu'elle n'a besoin que d'être éclairée; nous venons demander le rapport des décrets de suspension et d'arrestation et que vous déclariez que nous n'avons pas démérité de la patrie. Notre trop inquiet amour pour

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«En obéissant à la loi et en me soumettant au décret qui me mande à la barre de cette Assemblée, je ne viens point pour faire ma rétractation, mais au contraire pour solliciter de votre justice ma radiation sur le décret d'acceptation dans lequel je suis compris avec mes collègues du département de l'Eure. D'après des bruits répandus, j'ai cru, comme mes collègues, que la dignité de la Convention nationale avait été avilie, qu'une force imposante avait porté atteinte à sa liberté, mais je n'ai pas approuvé les mesures proposées et je n'ai pas voulu participer aux délibérations qui ont été prises et je n'ai signé aucun des arrêtés des 6 et 14 juin dernier. Un appel nominal a été fait; j'ai répondu; mais ma présence n'a point pu compromettre ma responsabilité. Mon opinion s'est bornée à de simples représentations et ma signature n'est apposée nulle part.

«Législateurs, mes intentions dans ces circonstances orageuses ont été pures. Je suis l'ennemi de tout fédéralisme. Si, par hasard, j'avais trahi mes devoirs, ce n'aurait été qu'involontairement. Je veux la République une et indivisible, la liberté, l'égalité voilà ma profession de foi.

« Signé P. LEDIER, administrateur du département de l'Eure. »

la Somme, mes collègues, ont été hier admis à la barre et ont obtenu un décret qui les renvoie à leurs fonctions.

« Une maladie inflammatoire qui me retient au lit depuis lundi m'a empêché de me présenter avec eux et je suis seul excepté du décret.

« J'ai cependant les mêmes titres à l'indulgence de la Convention ; je reconnais l'erreur à laquelle j'ai participé. J'ose dire, et je puis le dire, que je suis un chaud et très chaud ami de la liberté et de l'égalité. C'est par des sacrifices que j'ai fait mes preuves; j'en atteste tous mes concitoyens. Je sais cependant que j'ai quelques ennemis, mais en petit nombre; je sais qu'ils m'ont attribué des propos que je n'ai jamais tenus. Je les ai méprisés et c'est par ma conduite civique que je les ai combattus. Je n'emploierai jamais d'autres ames étant plein de confiance dans la justice des représentants du peuple français.

«Je vous adresse, citoyen Président, mon adhésion aux déclarations et discours de mes collègues. Veuillez la mettre sous les yeux de la Convention; elle n'a point deux mesures; j'espère qu'elle voudra bien rendre commun avec moi le décret qui les renvoie à leurs fonctions; mais quelle que soit sa décision, je la respecterai et je continuerai de sacrifier mon existence entière pour combattre les fédéralistes et de défendre l'unité et l'indivisibilité de la République française.

« Signé: Pierre-Louis CORdier. »

A cette lettre se trouvent jointes les deux pièces suivantes :

ERRATUM AU TOME LXVII.

SÉANCE DU 29 JUIN 1793, PAGE 643, 1re COLONNE.

Faire suivre la rétractation du citoyen Pierre-Louis Cordier, administrateur du département de l'Eure, des pièces suivantes (1):

Lettre du citoyen Pierre-Louis CORDIER, administrateur du département de la Somme, par laquelle il adresse au Président de la Convention nationale sa rétractation.

«Paris, 28 juin 1793,

l'an II de la République française.

« Citoyen Président,

« Les administrateurs du département de

(1) Archives nationales, Carton C 260, chemises 554, pièces n° 11, 12 et 13.

I. .

Lettre du citoyen Louis CORDIER

au citoyen Thuriot, représentant du peuple.

« Paris, 28 juin 1793, l'an II de la République française.

« Citoyen représentant,

« Je sais que c'est à vous que les administrateurs du département de la Somme, mes collègues, doivent la faveur qu'ils ont hier obtenue. J'aurais été à la barre avec eux si un ulcère à la gorge ne me retenait au lit depuis lundi et mon absence me fait excepter de la faveur du décret.

« Je vous prie, citoyen représentant, de prendre pour moi le même intérêt que vous avez pris à l'administration entière. Je regrette et je désavoue l'erreur à laquelle j'ai participé. J'ose espérer que vous voudrez bien faire rendre un citoyen à ses fonctions et je prends avec vous l'engagement formel de continuer de défendre avec chaleur la cause sacrée de la liberté et de l'égalité et de sacrifier tout pour combattre les amis du fédéralisme

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