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exécuter les lois, prépose un officier dans chaque tribunal pour poursuivre en son nom tous les crimes de sorte que la fonction des délateurs est inconnue parmi nous; et, si ce vengeur public étoit soupçonné d'abuser de son ministère, on l'obligeroit de nommer son dénonciateur.

Dans les lois de Platon, ceux qui négligent d'avertir les magistrats ou de leur donner du sécours doivent être punis. Cela ne conviendroit point aujourd'hui. La partie publique veille pour les citoyens; elle agit, et ils sont tranquilles.

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CHAPITRE IX.

De la sévérité des peines dans les divers gouvernements.

La sévérité des peines convient mieux au gouvernement despotique, dont le principe est la terreur, qu'à la monarchie et à la république, qui ont pour ressort l'honneur et la vertu.

Dans les états modérés, l'amour de la patrie, la honte, et la crainte du blâme, sont des motifs réprimants, qui peuvent arrêter bien des crimes. La plus grande peine d'une mauvaise action sera d'en être convaincu. Les lois civiles y corrigeront donc plus aisément, et n'auront pas besoin de tant de force.

. Liv. IX.

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Dans ces états, un bon législateur s'attachera moins à punir les crimes qu'à les prévenir; il s'appliquera plus à donner des mœurs qu'à infliger des supplices.

C'est une remarque perpétuelle des auteurs chinois', que plus dans leur empire on voyoit augmenter les supplices, plus la révolution étoit prochaine. C'est qu'on augmentoit les supplices à mesure qu'on manquoit de mœurs.

Il seroit aisé de prouver que, dans tous ou presque tous les états d'Europe, les peines ont diminué ou augmenté à mesure qu'on s'est plus approché ou plus éloigné de la liberté.

Dans les pays despotiques, on est si malheureux que l'on y craint plus la mort qu'on ne regrette la vie; les supplices y doivent donc être plus rigoureux. Dans les états modérés, on craint plus de perdre la vie qu'on ne redoute la mort en ellemême; les supplices qui ôtent simplement la vie y sont donc suffisants.

Les hommes extrêmement heureux et les hommes extrêmement malheureux sont également portés à la dureté, témoin les moines et les conquérants. Il n'y a que la médiocrité et le mélange de la bonne et de la mauvaise fortune qui donnent de la douceur et de la pitié.

'Je ferai voir dans la suite que la Chine, à cet égard, est dans le cas d'une république, ou d'une monarchie.

Ce que l'on voit dans les hommes en particulier se trouve dans les diverses nations. Chez les peuples sauvages qui mènent une vie très dure, et chez les peuples des gouvernements despotiques où il n'y a qu'un homme exorbitamment favorisé de la fortune, tandis que tout le reste en est outragé, on est également cruel. La douceur règne dans les gouvernements modérés.

. Lorsque nous lisons dans les histoires les exemples de la justice atroce des sultans, nous sentons avec une espèce de douleur les maux de la nature humaine.

Dans les gouvernements modérés, tout, pour un bon législateur, peut servir à former des peines. N'est-il pas bien extraordinaire qu'à Sparte une des principales fût de ne pouvoir prêter sa femme à un autre, ni recevoir celle d'un autre; de n'être jamais dans sa maison qu'avec des vierges? En un mot, tout ce que la loi appelle une peine est effectivement une peine.

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CHAPITRE X.

Des anciennes lois françoises.

C'est bien dans les anciennes lois françoises que l'on trouve l'esprit de la monarchie. Dans le cas où il s'agit de peines pécuniaires, les non nobles sont moins punis que les nobles'. C'est tout le contraire dans les crimes 2; le noble perd l'honneur et réponse en cour, pendant que le vilain, qui n'a point d'honneur, est puni en son corps.

CHAPITRE XI.

* Que, lorsqu'un peuple est vertueux, il faut peu de peines."

Le peuple romain avoit de la probité. Cette probité eut tant de force que souvent le législateur n'eut besoin que de lui montrer le bien pour le lui faire suivre; il sembloit qu'au lieu d'ordonnances il suffisoit de lui donner des conseils.

Les peines des lois royales et celles des lois des

Si, comme pour briser un arrêt, les non nobles doivent une amende de quarante sous, et les nobles de soixante livres.» Somme rurale, liv. 11, pag. 198, édit. goth. de l'an 1512; et Beaumanoir, chap. LXI, pag. 309.

Voyez le Conseil de Pierre Desfontaines, chap. xIII, surtout l'article xxII.

Douze-Tables furent presque toutes ôtées dans la république, soit par une suite de la loi Valérienne1, soit par une conséquence de la loi Porcie 2. On ne remarqua pas que la république en fût plus mal réglée, et il n'en résulta aucune lésion de police.

Cette loi Valérienne, qui défendoit aux magistrats toute voie de fait contre un citoyen qui avoit appelé au peuple, n'infligeoit à celui qui y contreviendroit que la peine d'être réputé méchant 3.

CHAPITRE XII,

De la puissance des peines.

L'expérience a fait remarquer que, dans les pays où les peines sont douces, l'esprit du citoyen en est frappé comme il l'est ailleurs par les grandes.

Quelque inconvénient se fait-il sentir dans un état, un gouvernement violent veut soudain le corriger; et, au lieu de songer à faire exécuter les anciennes lois, on établit une peine cruelle qui

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Elle fut faite par Valerius Publicola bientôt après l'expulsion des rois; elle fut renouvelée deux fois, toujours par des magistrats de la même famille, comme le dit Tite-Live, liv. x. Il n'étoit pas question de lui donner plus de force, mais d'en perfectionner les dispositions. Diligentius sanctum, dit Tite-Live, ibid.

2 Lex Porcia pro tergo civium lata. Elle fut faite en 454 de la fondation de Rome.

3 Nihil ultrà quam improbe factum adjecit. Tite-Live.

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