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des choses étrangères, comme l'usurpation de la tyrannie, ou la succession à la tyrannie.

Aristote met au rang des monarchies et l'empire des Perses et le royaume de Lacédémoné: mais qui ne voit que l'un étoit un état despotiqué, et l'autre une république?

Les anciens, qui ne connoissoient pas la distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d'un seul, ne pouvoient se faire une idée juste de la monarchie.

CHAPITRE X.

Manière de penser des autres politiques.

Pour tempérer le gouvernement d'un seul Arribas, roi d'Épire, n'imagina qu'une république. Les Molosses, ne sachant comment borner le même pouvoir, firent deux rois ; par là on affoiblissoit l'état plus que le commandement; on vouloit des rivaux, et on avoit des ennemis.

Deux rois n'étoient tolérables qu'à Lacédémone. Ils n'y formoient pas la constitution, mais ils étoient une partie de la constitution.

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CHAPITRE XI.

Des rois des temps héroïques chez les Grecs.

Chez les Grecs, dans les temps héroïques, il s'établit une espèce de monarchie qui ne subsista pas 1. Ceux qui avoient inventé des arts, fait la guerre pour le peuple, assemblé des hommes dispersés, ou qui leur avoient donné des terres, obtenoient le royaume pour eux, et le transmettoient à leurs enfants, Ils étoient rois, prétres et juges. C'est une des cinq espèces de monarchie dont nous parle Aristote : et c'est la seule qui puisse réveiller l'idée de la constitution monarchique; mais le plan de cette constitution est opposé à celui de nos monarchies d'aujourd'hui.

Les trois pouvoirs y étoient distribués de manière que le peuple y avoit la puissance législative 3, et le roi la puissance exécutrice avec la puissance de juger au lieu dans les monarchies que nous connoissons le prince a la puissance exécutrice et la législative, ou du moins une partie de la législative; mais il ne juge pas.

3

que

Dans le gouvernement des rois des temps hé

1 Aristote, Polit., liv. 111, chap. xiv.

Ibid.

Voyez ce que dit Plutarque, Vie de Thésée. Voyez aussi Thucydide, liv. 1.

roïques, les trois pouvoirs étoient mal distribués. Ces monarchies ne pouvoient subsister: car dès que le peuple avoit la législation, il pouvoit au moindre caprice anéantir la royauté, comme il fit partout.

Chez un peuple libre et qui avoit le pouvoir législatif; chez un peuple renfermé dans une ville, où tout ce qu'il y a d'odieux devient plus odieux ́encore, le chef-d'œuvre de la législation est de savoir bien placer la puissance de juger. Mais elle ne le pouvoit être plus mal que dans les mains de celui qui avoit déja la puissance exécutrice. Dès ce moment le monarque devenoit terrible; mais en même temps, comme il n'avoit pas la législation, il ne pouvoit pas se défendre contre la législation; il avoit trop de pouvoir, et il n'en avoit pas assez.

On n'avoit pas encore découvert que la vraie fonction du prince étoit d'établir des juges, et non pas de juger lui-même. La politique contraire rendit le gouvernement d'un seul insupportable. Tous ces rois furent chassés. Les Grecs n'imaginèrent point la vraie distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d'un seul; ils ne l'imaginèrent que dans le gouvernement de plusieurs, et ils appelèrent cette sorte de constitution police.

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CHAPITRE XII.

Du gouvernement des rois de Rome, et comment les trois pouvoirs y furent distribués.

Le gouvernement des rois de Rome avoit quelque rapport à celui des rois des temps héroïques chez les Grecs. Il tomba comme les autres par son vice général, quoiqu'en lui-même et dans sa nature particulière il fût très bon.

Pour faire connoître ce gouvernement, je distinguerai celui des cinq premiers rois, celui de Servius Tullius, et celui de Tarquin.

La couronne étoit élective; et sous les cinq premiers rois, le sénat eut la plus grande part à l'élection.

I

Après la mort du roi le sénat examinoit si l'on garderoit la forme du gouvernement qui étoit établie. S'il jugeoit à propos de la garder, il nommoit un magistrat tiré de son corps qui élisoit un roi le sénat devoit approuver l'élection, le peuple la confirmer, les auspices la garantir. Si une de ces trois conditions manquoit, il falloit faire une autré élection.

:

La constitution étoit monarchique, aristocratique, et populaire. Elle fut l'harmonie du pou

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Denys d'Halicarnasse, liv. 11, pag. 120; et liv. Iv, pag. 242 et 243.

voir, qu'on ne vit ni jalousie ni dispute dans les premiers règnes. Le roi commandoit les armées, et avoit l'intendance des sacrifices; il avoit la puissance de juger les affaires civiles ' et criminelles2; il convoquoit le sénat; il assembloit le peuple; il lui portoit de certaines affaires, et régloit les autres avec le sénat 3.

Le sénat avoit une grande autorité. Les rois prenoient souvent des sénateurs pour juger avec eux; ils ne portoient point d'affaires au peuple qu'elles n'eussent été délibérées 4 dans le sénat.

Le peuple avoit le droit d'élire 5 les magistrats, de consentir aux nouvelles lois, et lorsque le roi le permettoit, celui de déclarer la guerre et de faire la paix. Il n'avoit point la puissance de juger. Quand Tullus Hostilius renvoya le jugement d'Horace au peuple, il eut des raisons particulières que l'on trouve dans Denys d'Halicarnasse 6.

décade 1;

1Voyez le Discours de Tanaquil, dans Tite-Live, liv. 1, et le règlement de Servius Tullius, dans Denys d'Halicarnasse, l. iv, pag. 229.

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Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. II, pag. 118; et l. 1, p. 171. 3 Ce fut par un sénatus-consulte Tullus Hostilius que envoya truire Albe, Denys d'Halicarnasse, liv. 111, pag. 167 et 172.

4 Ibid., liv. Iv, pag. 276.

5 Ibid., liv. 1. Il falloit pourtant qu'il ne nommât pas à toutes les charges, puisque Valerius Publicola fit la fameuse loi qui défendoit à tout citoyen d'exercer aucun emploi s'il ne l'avoit obtenu par le suffrage du peuple.

6 Liv. III, pag. 159.

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