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un grand nombre de femmes qu'ils méprisent, tandis que les autres n'en peuvent avoir. Que l'on ne prépare point ce crime, qu'on le proscrive par une police exacte comme toutes les violations des mœurs; et l'on verra soudain la nature ou défendre ses droits, ou les reprendre. Douce, aimable, charmante, elle a répandu les plaisirs d'une main libérale; et en nous comblant de délices, elle nous prépare, par des enfants qui nous font, pour ainsi dire, renaître, à des satisfactions plus grandes que ces délices mêmes.

CHAPITRE VII.

Du crime de lèse-majesté.

Les lois de la Chine décident que quiconque manque de respect à l'empereur doit être puni de mort. Comme elles ne définissent pas ce que c'est que ce manquement de respect, tout peut fournir un prétexte pour ôter la vie à qui l'on veut, et exterminer la famille que l'on veut.

Deux personnes chargées de faire la gazette de la cour, ayant mis dans quelque fait des circonstances qui ne se trouvèrent pas vraies, on dit que mentir dans une gazette de la cour, c'étoit manquer de respect à la cour, et on les fit mourir 1.

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Un prince du sang ayant mis quelque note par mégarde sur un mémorial signé du pinceau rouge par l'empereur, on décida qu'il avoit manqué de respect à l'empereur, ce qui causa contre cette famille une des terribles persécutions dont l'histoire ait jamais parlé 1.

C'est assez que le crime de lèse-majesté soit vague pour que le gouvernement dégénère en despotisme. Je m'étendrai davantage là dessus dans le livre de la Composition des Lois.

CHAPITRE VIII.

De la mauvaise application du nom de crime de sacrilége et de lèse-majesté.

C'est encore un violent abus de donner le nom de crime de lèse-majesté à une action qui ne l'est pas. Une loi des empereurs poursuivoit comme sacriléges ceux qui mettoient en question le jugement du prince, et doutoient du mérite de ceux qu'il avoit choisis pour quelque emploi 3 : ce fùrent bien le cabinet et les favoris qui établirent

Lettres du P. Parennin, dans les Lettres édifiantes.

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2 Gratien, Valentinien et Théodose. C'est la troisième au Code de crim. sacril.

2

3 Sacrilegii instar est dubitare an is dignus sit quem elegerit imperator. Ibid. Cette loi a servi de modèle à celle de Roger, dans les constitutions de Naples, tit. 1v.

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ce crime. Une autre loi avoit déclaré que ceux qui attentent contre les ministres et les officiers du prince sont criminels de lèse- majesté comme s'ils attentoient contre le prince même 1. Nous devons cette loi à deux princes dont la foiblesse est célèbre dans l'histoire; deux princes qui furent menés par leurs ministres comme les troupeaux sont conduits par les pasteurs; deux princes, esclaves dans le palais, enfants dans le conseil, étrangers aux armées, qui ne conservèrent l'empire que parce qu'ils le donnèrent tous les jours. Quelques uns de ces favoris conspirèrent contre leurs empereurs. Ils firent plus, ils conspirèrent contre l'empire; ils y appelèrent les Barbares; et, quand on voulut les arrêter, l'état étoit si foible qu'il fallut violer leur loi, et s'exposer au crime de lèse-majesté pour les punir.

C'est pourtant sur cette loi que se fondoit le rapporteur de M. de Cinq-Mars 3, lorsque, voulant prouver qu'il étoit coupable du crime de lèsemajesté pour avoir voulu chasser le cardinal de Richelieu des affaires, il dit « Le crime qui touche « la personne des ministres des princes est réputé, « par les constitutions des empereurs, de pareil poids que celui qui touche leur personne. Un

1 La loi cinquième, ad leg. Jul. maj. cod. Ix, tit, VIII. Arcadius et Honorius.

3 Mémoires de Montresor, tom. I.

• ministre sert bien son prince et son état; on l'ôte « à tous les deux : c'est comme si l'on privoit le

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premier d'un bras 1, et le second d'une partie de << sa puissance. » Quand la servitude elle-même viendroit sur la terre, elle ne parleroit pas au

trement.

Une autre loi de Valentinien, Théodose et Arcadius, déclare les faux-monnoyeurs coupables du crime de lèse-majesté. Mais n'étoit-ce pas confondre les idées des choses? Porter sur un autre crime le nom de lèse-majesté, n'est-ce pas diminuer l'horreur du crime de lèse-majesté?

«

CHAPITRE IX.

Continuation du même sujet.

<< Paulin ayant mandé à l'empereur Alexandre qu'il se préparoit à poursuivre, comme criminel « de lèse- majesté, un juge qui avoit prononcé « contre ses ordonnances, l'empereur lui répon« dit que, dans un siècle comme le sien, les crimes « de lèse-majesté indirects n'avoient point de « lieu 3. »

• Nam ipsi pars corporis nostri sunt. Même loi, au Code ad leg. Jul. maj.

> C'est la neuvième au Code théod. de falsa Moneta.*

3 Etiam ex aliis caussis majestatis crimina cessant meo sæculo. Leg. 1, cod. l. Ix, tit. vIII, ad leg. Jul. maj.

Faustinien ayant écrit au même empereur qu'ayant juré, par la vie du prince, qu'il ne pardonneroit jamais à son esclave, il se voyoit obligé de perpétuer sa colère, pour ne pas se rendre coupable du crime de lèse-majesté : « Vous avez pris << de vaines terreurs 1, lui répondit l'empereur, et << vous ne connoissez pas mes maximes. »

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Un sénatus-consulte ordonna que celui qui avoit fondu des statues de l'empereur qui auroient été réprouvées ne seroit point coupable de lèsemajesté. Les empereurs Sévère et Antonin écrivirent à Pontius 3 que celui qui vendroit des statues de l'empereur non consacrées ne tomberoit point dans le crime de lèse-majesté. Les mêmes empereurs écrivirent à Julius Cassianus que celui qui jetteroit par hasard une pierre contre une statue de l'empereur ne devoit point être poursuivi comme criminel de lèse-majesté 4. La loi Julie demandoit ces sortes de modifications; car elle avoit rendu coupables de lèse-majesté non seulement ceux qui fondoient les statues des empereurs, mais ceux qui commettoient quelque action semblable 5, ce qui rendoit ce crime arbitraire. Quand

▾ Alienam sectæ meæ sollicitudinem concepisti. Leg. 11, cod. lib. XLIII, tit. IV, ibid.

Voyez la loi Iv, § 3, au ff. ad. leg. Jul. maj. 3 Voyez la loi v, S ibid.

4 Ibid., § 1.

5 Aliudve quid simile admiserint. Leg. v1, ibid,

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