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pendant cinq cent vingts ans1, n'usa de ce droit, jusqu'à Carvilius Ruga, qui répudia la sienne pour cause de stérilité. Mais il suffit de connoître la nature de l'esprit humain pour sentir quel prodige ce seroit que, la loi donnant à tout un peuple un droit pareil, personne n'en usât. Coriolan, partant pour son exil, conseilla à sa femme de se marier à un homme plus heureux que lui. Nous venons de voir que la loi des Douze-Tables et les mœurs des Romains étendirent beaucoup la loi de Romulus. Pourquoi ces extensions, si on n'avoit jamais fait usage de la faculté de répudier? De plus, si les citoyens eurent un tel respect pour les auspices qu'ils ne répudièrent jamais, pourquoi les législateurs de Rome en eurent-ils moins? Comment la loi corrompit-elle sans cesse les mœurs?

En rapprochant deux passages de Plutarque, on verra disparoître le merveilleux du fait en question. La loi royale3 permettoit au mari de répudier dans les trois cas dont nous avons parlé. « Elle << vouloit, dit Plutarque4, que celui qui répudie<< roit dans d'autres cas fût obligé de donner la << moitié de ses biens à sa femme, et que l'autre

1 Selon Denys d'Halicarnasse et Valère-Maxime; et 523 selon Aulu-Gelle. Aussi ne mettent-ils pas les mêmes consuls.

2 Voyez le discours de Véturie, dans Denys d'Halicarnasse, liv. VIII.

3 Plutarque, Vie de Romulus.

Ibid.

«< moitié fût consacrée à Cérès. » On pouvoit donc répudier dans tous les cas, en se soumettant à la peine. Personne ne le fit avant Carvilius Ruga1

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«

qui, comme dit encore Plutarque', répudia sa « femme pour cause de stérilité, deux cent trente << ans après Romulus »; c'est-à-dire qu'il la répudia soixante et onze ans avant la loi des Douze-Tables, qui étendit le pouvoir de répudier et les causes de répudiation.

Les auteurs que j'ai cités disent que Carvilius Ruga aimoit sa femme; mais qu'à cause de sa stérilité les censeurs lui firent faire serment qu'il la répudieroit, afin qu'il pût donner des enfants à la république ; et que cela le rendit odieux au peuple. Il faut connoître le génie du peuple romain pour découvrir la vraie cause de la haine qu'il conçut pour Carvilius. Ce n'est point parce que Carvilius répudia sa femme qu'il tomba dans la disgrace du peuple, c'est une chose dont le peuple ne s'embarrassoit pas; mais Carvilius avoit fait un serment aux censeurs, qu'attendu la stérilité de sa femme, il la répudieroit pour donner des enfants à la république. C'étoit un joug que le peuple voyoit que les censeurs alloient mettre sur lui. Je ferai voir

Effectivement, la cause de stérilité n'est point portée par la loi de Romulus. Il y a apparence qu'il ne fut point sujet à la confiscation, puisqu'il suivoit l'ordre des censeurs.

2 Dans la comparaison de Thésée et de Romulus.

dans la suite de cet ouvrage les répugnances qu'il eut toujours pour des règlements pareils. Mais d'où peut venir une telle contradiction entre ces auteurs? Le voici : Plutarque a examiné un fait, et les autres ont raconté une merveille.

I Au liv. xxIII, chap. xxi.

FIN DU TOME PREMIER.

de l'esprit DES LOIS.

T. I.

32

CHAP. VI. Comment suppléer à la vertu dans le gouvernement monarchique.

CHAP. VII. Du principe de la monarchie.

Page 69

CHAP. VIII. Que l'honneur n'est point le principe des états des
potiques.

CHAP. IX. Du principe du gouvernement despotique.
CHAP. X. Différence de l'obéissance dans les gouvernements
modérés et dans les gouvernements despotiques.

CHAP. XI. Réflexion sur tout ceci.

LIVRE IV.

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Que les lois de l'éducation doivent être relatives aux principes

du gouvernement.

CHAP. I. Des lois de l'éducation.

CHAP. II. De l'éducation dans les monarchies.

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CHAP. III. De l'éducation dans le gouvernement despotique. 83 CHAP. IV. Différence des effets de l'éducation chez les anciens et parmi nous.

CHAP. V. De l'éducation dans le gouvernement républicain.
CHAP. VI. De quelques institutions des Grecs.

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CHAP. VII. En quel cas ces institutions singulières peuvent être bonnes.

CHAP. VIII. Explication d'un paradoxe des anciens par rapport aux mœurs.

LIVRE V.

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Que les lois que le législateur donne doivent être relatives aux principes du gouvernement.

CHAP. I. Idée de ce livre.

CHAP. II. Ce que c'est que la vertu dans l'état politique. CHAP. III. Ce que c'est que l'amour de la république dans la démocratie.

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CHAP. IV. Comment on inspire l'amour de l'égalité et de la frugalité.

ΙΟΥ

CHAP. V. Comment les lois établissent l'égalité dans la démocratie.

102

CHAP. VI. Comment les lois doivent entretenir la frugalité dans

la démocratie.

107

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