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(I)

PRÉFACE

HISTORIQUE ET CRITIQUE,

SUR

LES ÉCRITS DE LA VIII. CLASSE,

CONCERNANT

LA GRAMMAIRE, LA LOGIQUE, LA GÉOMÉTRIE, L'ÉLOQUENCE, &c.

LA

S. I.

De la Grammaire générale.

A Grammaire générale & raifonnée fut imprimée pour la premiere fois en 1660. Plufieurs Auteurs l'attribuent à M. Lancelot, d'autres à M. Arnauld. Il eft aifé de concilier ces deux fentiments, en difant qu'elle eft de l'un & de l'autre; mais principalement de M. Arnauld. M. Lancelot la rédigea d'après les converfations de ce grand homme, & en quelque forte fous fa dictée, comme on peut le voir dans la petite Préface qu'il mit à la tête de cet ouvrage.

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Le Journal des Savants du mois de Mai 1754, annonçant une nouvelle édition de la Grammaire générale, en parle comme en ont toujours parlé les perfonnes les mieux inftruites. Nous allons tranfcrire ce morceau, d'autant plus qu'il renferme une grande partie de ce que nous aurions à dire à ce fujet. L'ouvrage dont nous annonçons une nouvelle édition (dit l'Auteur de cet extrait) eft un monument précieux du fiecle de Louis XIV. La Grammaire, » toujours bornée au méchanifme des mots, fembloit même ne devoir jamais s'élever à des objets plus importants, & le public ne foupçonnoit point en» core l'imperfection des Eléments ordinaires. Un Grammairien Philofophe (M. » Lancelot) apperçut leurs défauts. Il compofa des Méthodes nouvelles pour le latin, pour le grec &c. ; il remonta jufqu'à l'origine de ces langues; il étudia leur caractere; il difcuta & fixa leurs principes. Si la précifion refferre les fujets, l'exactitude les envifage dans toute leur étendue. L'Auteur des nouvelles méthodes fuivit les rapports divers des Grammaires particulieres, & fes recherches le conduifirent plus d'une fois aux regles primitives de la paBelles - Lettres. Tome XLI.

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» role. La Philofophie n'avoit point encore pénétré jufqu'aux principes de l'art » de parler. L'Auteur, fouvent arrêté par des doutes, confulta M. Arnauld. II le pria d'analyfer ces combinaisons destinées à enchaîner les fignes & les idées. M. Arnauld porta dans cette matiere l'abondante & lumineufe profondeur de fon génie. L'habile Grammairien, dont il éclairoit la pénétration, recueillit ,, les réponses, rédigea les idées de cet homme célebre, & forma ainfi le Traité » de la Grammaire générale. Nous ne parlerons pas d'un ouvrage fi connu : il fuffira de remarquer que la Grammaire générale développe les premiers fondements de la Logique, qu'elle guida toujours nos Grammairiens Philofophes, & qu'ils lui doivent peut-etre leurs idées les plus heureufes. Nous devons remarquer encore, qu'elle affure à la France l'honneur de l'invention dans un genre jufqu'alors inconnu ".

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23

M. Befoigne, Docteur de Sorbonne, dans fon Hiftoire de P. R. (T. VI. p. 186.) obferve, d'après les Mémoires du temps, que les Méthodes grecques & latines, que le Rédacteur du Journal des Savants de 1754, paroît n'attribuer qu'à M. Lancelot, viennent en premier de M. Arnauld: que c'eft fous fa direction que M. Lancelot les a digérées; que pour la Grammaire générale raisonnée, qui est la bafe des deux autres, elle est toute de M. Arnauld seul. On peut voir un plus grand détail fur la maniere dont ces ouvrages furent compofés, dans les Mémoires Littéraires de M. de S. R. p. 135, & dans l'Hiftoire abrégée de la Vie de M. Lancelot, p. XVII, laquelle eft à la tête du premier volume de fes Mémoires touchant la vie de M. de Saint Cyran.

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L'Abbé Gravina, dans fes Opufcules latins, dédiés à Innocent XII, & imprimés à Rome en 1696, parle ainfi de la Grammaire générale: Verum extitit nuper fcientiarum, optimorumque inftitutorum omnium FAX Arnaldus, qui Grammaticam artem ad fimplicem, & communem linguis omnibus rationem revocavit, &c. (a).

Nous pouvons ajouter, fans nous écarter de notre objet, que le Chancelier Bacon avoit ébauché le plan d'une Grammaire Philofophique (b). Mais qu'il y a loin d'une efquiffe auffi légere à une exécution détaillée! Ce que Wallis a fait en ce genre elt plus confidérable, & mérite à l'Auteur une place diftinguée entre les fondateurs de la Grammaire générale. Son livre eft intitulé: Grammatica Lingue Anglicana, cui præfigitur de loquela five fonorum formatione Tractatus Grammatico-Phyficus. La premiere édition, qui parut à Oxfort en 1653, renferme, felon M. Beaufée, un des meilleurs Juges en cette matiere (c), des principes très-philofophiques, très-féconds, & très-dignes de l'efprit géométrique de l'Auteur: mais fon ouvrage ne paroît pas avoir été connu de M. Arnauld. Si Bacon a indiqué la mine, fi Wallis l'a ouverte, M. Arnauld en a tiré les matieres les plus précieuses, & n'a laiffé à fes fucceffeurs que la gloire de l'épuifer en marchant fur fes traces.

La feconde édition de la Grammaire générale fut augmentée du Chapitre XIX, qui traite des verbes imperfonnels. Il fut fait auffi, dans une troifieme édition de 1676, plufieurs additions au Chapitre IX. Les éditions poftérieures, qui

(a) On pourroit réunir ici une multitude de pareils éloges de cet ouvrage. Contentonsnous de celui qu'en fait M. Rollin, en y reconnoiffant le profond jugement & le génie fublime de ce grand homme (M. Arnauld). Traité des Etudes, Tome I. page 14. (b) De Augmentis fcientiarum. Liv. VI. cap. I. (c) Préface de fa Grammaire générale, page 20.

ont été en grand nombre, ne different pas de la troifieme, & ne contiennent aucune nouvelle addition. M. Duclos, de l'Académie Françoife, en donna une édition en 1755, dans laquelle il ajouta plufieurs notes de fa façon. Quelque bonnes que foient ces notes, nous ne croyons pas les devoir imprimer dans cette Collection, parce qu'elles forment un ouvrage différent de celui de M. Arnauld.

On doit rapprocher de la Grammaire générale, une lettre intéreffante de M. Arnauld, touchant la réponfe de MM. de l'Académie Françoife à cinq queftions qu'il leur avoit fait propofer, à l'occafion d'une Grammaire que cette Académie fe difpofoit de donner au public. Cette lettre a été imprimée pour la premiere fois dans le Tome IV de cette Collection (pag. 125 & fuiv.) & en forme la 1094. Elle fait regretter la lettre même dans laquelle M. Arnauld avoit propofé ces questions, & la réponse de l'Académie, que nous n'avons pu nous procurer. Nous n'avons qu'une autre courte lettre fur le même fujet, qui n'a jamais été imprimée, & qu'on ne fera pas fâché de trouver ici. Nous la croyons écrite à Madame de Fontpertuis; mais nous en ignorons la date. "Nous avons » appris, y eft-il dit, par le difcours du nouvel Académicien, que nous avons trouvé fort beau, que l'Académie Françoife fait une Grammaire. Ne pour,, roit-on point leur faire dire, fans qu'on crût que cela vint de moi, que la Grammaire générale raisonnée leur pourroit être de quelque ufage, pour » donner les vraies notions de ce que c'eft qu'un nom, de ce que c'eft qu'un ,, verbe, & autres parties d'oraifon ; & qu'ils obligeroient le public, s'ils vou"loient bien décider quelques queftions touchant le régime des participes qu'ils ,, ont laiffées indécifes. Ce que je viens d'écrire, fans y faire réflexion, en eft „une; car il eft douteux s'il faut dire laiffé indécises ou laiffées indécifes: mon inclination feroit pour le premier. Ils devroient auffi régler l'ortographe, fur » laquelle j'aurois quelques penfées que je communiquerois, fi on le fouhaitoit ". On trouve d'excellentes vues fur le même fujet, dans l'Ecrit de M. Arnauld intitulé: Regles pour difcerner les bonnes & les mauvaises critiques des traductions de l'Ecriture Sainte (imprimé dans le Tome VIII de cette Collection, N°. XII ) & dans un Mémoire envoyé par le même Docteur à MM. Racine & Dubois, de l'Académie Françoife, rapporté dans la Préface hiftorique du même Tome VIII, page XII. Il faut y joindre ce qu'il dit fur l'ufage des Articles dans la langue françoife, aux pages 54 & 55 du Tome IX.

S. I I.

Mémoire pour le réglement des études dans les Lettres Humaines.

Nous ignorons la date de la compofition de ce Mémoire: mais il eft vraisemblable qu'il a été dreffé, pour diriger ce qu'on appelle les Ecoles de Port-Royal. La copie fur laquelle nous le donnons nous eft venue du College de Beauvais, avec les notes de M. Rollin, & d'un autre Profeffeur, qui prouve l'ufage qui en a été fait dans l'Univerfité de Paris.

M. Pluche le cite dans fon Spectacle de la nature (d), fur l'utilité de la méthode des traductions, en ces termes: M. Arnauld, dans un manufcrit qu'on conferve de lui, fur la maniere d'enseigner les Humanités.... & tous ceux qui ont le mieux raisonné fur l'éducation, n'ont eu qu'une voix fur cette maniere d'enseigner les langues.

Le même M. Pluche rapporte plus bas (page 245.) une partie du N°. XI de ce Mémoire, en y changeant quelques expreffions, & en citant M. Arnauld.

S. I IL

De la Logique, ou l'Art de penfer.

La premiere édition de l'Art de penfer eft de 1662. Cet ouvrage avoit été compofe, quelque temps auparavant par M. Arnauld, pour M. Honoré d'Albert, Duc de Chevreufe, dans la vue de lui faciliter l'étude de la Logique, & de le mettre à portée de l'apprendre en quatre jours. Il n'avoit pas été destiné pour l'impreffion: mais la crainte qu'il ne fût publié fur des copies défectueuses, engagea à le mettre au jour. M. Nicole, felon l'Auteur de fa Vie, eut beaucoup 'de part à fa compofition, & plus encore aux augmentations confidérables qui y furent faites dans les éditions poftérieures: ce qui n'empêche pas M. Arnauld de citer l'Art de penfer comme fon propre ouvrage (e).

On peut dire de cette Logique, qu'elle a fait oublier toutes celles qu'on avoit faites jufques-là, & qu'aucune de celles qu'on a compofées depuis n'a fait oublier l'Art de penfer, quoiqu'il en ait paru de très-bonnes. Si l'on s'étoit borné à expofer, dans cet ouvrage, l'Art du raifonnement avec plus de clarté qu'on n'avoit encore fait, il auroit effacé les Logiques ordinaires; mais il eft vraifemblable que des ouvrages poftérieurs lui auroient fait éprouver le même fort. La réputation dont il jouit encore eft principalement due à ces réflexions fines & intéreffantes fur les caufes de nos erreurs, qui ôtent à ce livre une féchereffe qu'on croyoit inféparable des ouvrages de ce genre. Le choix heureux des exemples, l'application des regles aux objets qui intéreffent tous les hommes, plufieurs grandes idées de M. Pascal, qui y font maniées avec fuccès, toutes ces

(d) Tome VI. page 164, de l'édition de 1751.

(e) Défenfe du Livre des Idées, contre le P. Malebranche, IV. Part. Chap. VI

caufes paroiffent avoir foutenu cette Logique dans l'eftime du public, & avoir donné lieu au grand nombre d'éditions, dont l'énumération feroit ici fort inutile (f). Il ne le feroit pas moins de raffembler ici les fuffrages que cet ouvrage a obtenus. La lifte des gens de Lettres qui le citent avec éloge feroit, infinie & fon mérite n'eft ni inconnu ni contefté.

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M. Arnauld a mis en pratique dans fes ouvrages, les regles qu'il a fi bien développées dans l'Art de penfer: ils portent tous le caractere d'un parfait Dialecticien. Mais il en eft quelques-uns où il ne s'eft pas contenté de bien raifonner, il y donne encore de nouvelles regles de Logique pour l'intelligence du langage humain, & pour y diftinguer les différents fens dont il eft fufcep. tible. On trouve fréquemment de pareilles maximes dans la Perpétuité de la foi, & dans fes autres ouvrages de controverfe (g).;

Nous donnons l'Art de penfer fur la cinquieme édition, qui fut revue de nouveau augmentée. On verra dans l'Avertiffement particulier que nous avons mis en tête, les additions qui y avoient été faites dans les éditions précédentes, & fur-tout dans la quatrieme. Nous les avons diftinguées du corps de l'ouvrage, tel qu'il eft d'abord forti de la plume de M. Arnauld; & quoique ces additions foient proprement de M. Nicole, & qu'elles aient augmenté l'ouvrage de près d'un tiers, nous n'avons pas cru devoir les fupprimer, non feulement parce qu'elles l'ont perfectionné; mais encore parce que nous ne pouvons douter qu'elles n'aient été faites de concert avec M. Arnauld, & qu'il ne les ait approuvées.

S. I V.

Des Eléments de Géométrie.

La Grammaire générale & la Logique ne coûterent à M. Arnauld que quelques moments dérobés à des occupations plus importantes. Les Eléments de Géométrie font pareillement le fruit dun loifir de quelques jours, que la néceffité de rétablir fa fanté lui procura. On trouve dans la Préface que M. Nicole mit à la tête de ces Eléments, tout ce qu'on peut defirer fur l'hiftoire de cet ouvrage; & comme nous réimprimons cette Préface, nous y renvoyons le Lecteur, pour ne pas tomber dans des redites inutiles. Nous ajouterons feulement, que le jugement que M. Pafcal porta de cet ouvrage, ne pouvoit étre plus favorable, puifqu'il condamna au feu un Effai qu'il avoit fait lui-même fur cette matiere, lorsqu'il vit la maniere dont M. Arnauld avoit remédié à la confufion qu'on reprochoit à Euclide, & qu'il avoit laislé fubfifter dans fon Eifai (b).

Les Savants ne furent pas moins contents que M. Pafcal, de trouver dans ces Eléments la fimplicité de la méthode unie à la folidité des démonstrations. Le

(f) On en compte dix en françois & autant en latin, dans le Tome XVI de la Bibliothe que raifonnée, page 480.

(g) Voyez le Tome XII, page 130 & fuiv. Tome XIII, page 88 & 89, &c. *

(h) Preface des Eléments, &c. page x1. Hiftoire de Port-Royal par Befoigne, Tome VL page 183.

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