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VIII. CL. phes, tant anciens que nouveaux. On n'a confidéré, dans les uns & dans N°. III. les autres, que la vérité, fans époufer généralement les fentiments d'au

cun en particulier, & fans fe déclarer auffi généralement contre aucun.

De forte que tout ce qu'on doit conclure, quand on a rejeté quelque opinion ou d'Ariftote ou d'un autre, eft que l'on n'eft pas du fen. timent de cet Auteur en cette occafion; mais on n'en peut nullement conclure, que l'on n'en foit pas en d'autres points, & beaucoup moins qu'on ait quelque averfion de lui, & quelque defir de le rabaiffer. On croit que cette difpofition fera approuvée par toutes les perfonnes équitables, & qu'on ne reconnoîtra dans tout cet Ouvrage qu'un defir fincere de contribuer à l'utilité publique, autant qu'on le pouvoit faire par un Livre de cette nature, fans aucune paffion contre perfonne. ]

LA LOG

O U

I QUE,

VIII. C L.
No. III

LA

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A Logique eft l'Art de bien conduire fa raifon dans la connoiffance des chofes, tant pour s'en inftruire foi-même, que pour en inftruire les

autres.

Cet Art confifte dans les réflexions que les hommes ont faites fur les quatre principales opérations de leur efprit; concevoir, juger, raisonner, & ordonner.

On appelle concevoir, la fimple vue que nous avons des chofes qui fe préfentent à notre efprit; comme lorfque nous nous repréfentons un foleil, une terre, un arbre, un rond, un quarré, la pensée, l'être, fans en former aucun jugement exprès. Et la forme par laquelle nous nous repréfentons ces chofes, s'appelle idée.

On appelle juger, l'action de notre efprit, par laquelle joignant enfemble diverfes idées, il affirme de l'une qu'elle eft l'autre, ou nie de l'une qu'elle foit l'autre; comme lorfqu'ayant l'idée de la terre, & l'idée de rond, j'affirme de la terre qu'elle eft ronde, ou je nie qu'elle foit ronde.

On appelle raifonner, l'action de notre efprit, par laquelle il forme un jugement de plufieurs autres; comme lorfqu'ayant jugé que la véritable vertu doit être rapportée à Dieu, & que la vertu des Payens ne lui étoit pas rapportée, il en conclut que la vertu des Payens n'étoit pas une véritable vertu.

On appelle ici ordonner, l'action de l'efprit, par laquelle ayant fur un même fujet, comme fur le corps humain, diverfes idées, divers jugements, & divers raifonnements, il les difpofe en la maniere la plus propre pour faire connoître ce fujet. C'est ce qu'on appelle encore méthode.

Tout cela fe fait naturellement, & quelquefois mieux par ceux qui n'ont appris aucune regle de Logique, que par ceux qui les ont apprifes. Ainfi cet Art ne confifte pas à trouver le moyen de faire ces opérations, puifque la nature feule nous le fournit, en nous donnant la raifon: mais à faire des réflexions fur ce que la nature nous fait faire, qui nous fervent à trois choses.

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PREMIERE PARTIE,

Contenant les réflexions fur les Idées, ou fur la premiere action de l'efprit, qui s'appelle concevoir.

Com

Omme nous ne pouvons avoir aucune connoiffance de ce qui est hors de nous que par l'entremife des idées qui font en nous, les réflexions que l'on peut faire fur nos idées, font peut-être ce qu'il y a de plus important dans la Logique, parce que c'est le fondement de tout le refte.

On peut réduire ces réflexions à cinq chefs, felon les cinq manieres dont nous confidérons les idées.

La premiere, felon leur nature & leur origine.

La feconde, felon la principale différence des objets qu'elles repréfentent.

La troifieme, felon leur fimplicité ou compofition; où nous traiterons des abftractions & précifions d'efprit.

La quatrieme, felon leur étendue ou reftriction; c'est-à-dire, leur univerfalité, particularité, fingularité.

La cinquieme, felon leur clarté & obfcurité, ou diftinction & confufion.

VIII. C L.

N°. III.

LE

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E mot d'Idée et du nombre de ceux qui font fi clairs qu'on ne les peut expliquer par d'autres, parce qu'il n'y en a point de plus clairs & de plus fimples.

Mais tout ce qu'on peut faire pour empêcher qu'on ne s'y trompe, eft de marquer la faufle intelligence qu'on pourroit donner à ce mot, en le reftreignant à cette feule façon de concevoir les chofes, qui fe fait par l'application de notre efprit, aux images qui font peintes dans notre cerveau, & qui s'appelle imagination.

Car, comme S. Auguftin remarque fouvent, l'homme depuis le péché s'eft tellement accoutumé à ne confidérer que les chofes corporelles, dont les images entrent par les fens dans notre cerveau, que la plupart croient

VIII. CL. ne pouvoir concevoir une chofe, quand ils ne fe la peuvent imaginer, N°. III. c'eft-à-dire, fe la repréfenter fous une image corporelle; comme s'il n'y avoit en nous que cette feule maniere de penfer & de concevoir.

Au lieu qu'on ne peut faire réflexion fur ce qui fe passe dans notre efprit, qu'on ne reconnoiffe, que nous concevons un très-grand nombre de chofes fans aucune de ces images, & qu'on ne s'apperçoive de la différence qu'il y a entre l'imagination & la pure intellection. Car lors, par exemple, que je m'imagine un triangle, je ne le conçois pas feulement comme une figure terminée par trois lignes droites; mais outre cela je confidere ces trois lignes comme préfentes, par la force & l'application intérieure de mon elprit, & c'eft proprement ce qui s'appelle imaginer. Que fi je veux penfer à une figure de mille angles, je conçois bien à la vérité que c'eft une figure compofée de mille côtés, auffi facilement que je conçois qu'un triangle eft une figure compofée de trois côtés feulement; mais je ne puis m'imaginer les mille cótés de cette figure, ni, pour ainfi dire, les regarder comme préfents avec les yeux de mon efprit.

Il eft vrai néanmoins, que la coutume que nous avons de nous fervir de notre imagination, lorfque nous penfons aux chofes corporelles, fait fouvent qu'en concevant une figure de mille angles, on fe repréfente confufément quelque figure; mais il eft évident que cette figure qu'on fe représente alors par l'imagination, n'eft point une figure de mille angles, puifqu'elle ne differe nullement de ce que je me repréfenterois, fi je penfois à une figure de dix mille angles, & qu'elle ne fert en aucune façon à découvrir les propriétés qui font la différence d'une figure de mille an"gles d'avec tout autre polygone.

Je ne puis donc proprement m'imaginer une figure de mille angles; puifque l'image que j'en voudrois peindre dans mon imagination, me repréfenteroit toute autre figure d'un grand nombre d'angles auffi-tôt que celle de mille angles, & néanmoins je la puis concevoir très-clairement & très-diftin&tement; puifque j'en puis démontrer toutes les propriétés, comme, que tous fes angles enfemble font égaux à 1996 angles droits : & par conféquent c'eft autre chofe de s'imaginer, & autre chofe de

concevoir.

Cela eft encore plus clair par la confidération de plufieurs chofes, que nous concevons très-clairement, quoiqu'elles ne foient en aucune forte du nombre de celles que l'on fe peut imaginer. Car que concevons-nous plus clairement que notre penfée, lorfque nous penfons? Et cependant il eft impoffible de s'imaginer une penfée ni d'en peindre aucune image dans notre cerveau. Le oui & le non n'y en peuvent auffi avoir aucune: celui qui juge que la terre eft ronde, & celui qui juge qu'elle n'eft pas

ronde,

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