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VIII. Cг.

Car le verbe est est sous-entendu dans cette derniere propofition, & N°. III. beatus en eft l'attribut, & tout le refte le fujet.

2o. La complexion tombe fur l'attribut, lorfque l'attribut eft un terme complexe; comme: La piété eft un bien qui rend l'homme heureux dans les plus grandes adverfités.

Sum pius Æneas famâ fuper æthera notus.

Mais il faut particuliérement remarquer ici, que toutes les propofitions compofées de verbes actifs & de leur régime, peuvent être appellées complexes, & qu'elles contiennent en quelque maniere deux propofitions. Si je dis, par exemple, Brutus a tué un tyran, cela veut dire que Brutus a tué quelqu'un, & que celui qu'il a tué étoit tyran. D'où vient que cette propofition peut être contredite en deux manieres, ou en difant, Brutus n'a tué perfonne, ou en difant que celui qu'il a tué n'étoit pas tyran. Ce qu'il est très-important de remarquer, parce que lorsque ces fortes de propofitions entrent en des arguments, quelquefois on n'en prouve qu'une partie en fuppofant l'autre ; ce qui oblige fouvent, pour réduire ces arguments dans la forme la plus naturelle, de changer l'actif en paffif, afin que la partie qui eft prouvée foit exprimée directepient, comme nous remarquerons plus au long, quand nous traiterons des arguments compofés de ces propofitions complexes.

3°. Quelquefois la complexion tombe fur le fujet & fur l'attribut, l'un & l'autre étant un terme complexe; comme dans cette propofition: Les grands qui oppriment les pauvres, feront punis de Dieu, qui eft le protecteur des opprimés:

Ille ego qui quondam gracili modulatus avend
Carmen, & egreffus fylvis vicina coëgi

Ut quamvis avido parerent arva colono
Gratum opus agricolis: At nunc horrentia Martis
Arma, virumque cano, Troja qui primus ab oris,
Italiam fato profugus Lavinaque venit

Littora.

Les trois premiers vers & la moitié du quatrieme compofent le fujet de cette propofition: & le refte en compofe l'attribut, & l'affirmation eft enfermée dans le verbe cano.

Voilà les trois manieres felon lefquelles les propofitions peuvent être complexes, quant à leur matiere, c'eft-à-dire quant à leur fujet & à leur attribut.

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VIII. C L.

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De la nature des propofitions incidentes, qui font partie des propofitions

Mais

complexes.

Ais avant que de parler des propofitions dont la complexion tombe fur la forme, c'est-à-dire, fur l'affirmation ou la négation, il y a plufieurs remarques importantes à faire fur la nature des propofitions incidentes, qui font partie du fujet ou de l'attribut de celles qui font complexes felon la matiere.

1o. On a déja vu que ces propofitions incidentes font celles dont le fujet eft le relatif qui, comme, les hommes qui font créés pour connoître` & pour aimer Dieu, ou les hommes qui font pieux, ôtant le terme d'hommes, le refte eft une propofition incidente.

Mais il fe faut fouvenir de ce qui a été dit dans le Chapitre VII de la premiere Partie, que les additions des termes complexes font de deux fortes; les unes qu'on peut appeller de fimples explications, qui eft lorfque l'addition ne change rien dans l'idée du terme, parce que ce qu'on y ajoute lui convient généralement & dans toute fon étendue; comme dans le premier exemple, les hommes qui font créés pour connoître & pour aimer Dieu.

Les autres qui fe peuvent appeller des déterminations, parce que ce qu'on ajoute à un terme ne convenant pas à ce terme dans toute fon étendue, en reftreint & en détermine la fignification, comme dans le fecond exemple, les hommes qui font pieux. Suivant cela on peut dire qu'il y a un qui explicatif, & un qui déterminatif.

Or quand le qui eft explicatif, l'attribut de la propofition incidente est affirmé du sujet auquel le qui fe rapporte, quoique ce ne foit qu'incidemment au regard de la propofition totale; de forte qu'on peut fubf tituer le fujet même au qui, comme on peut voir dans le premier. exemple: Les hommes qui ont été créés pour connoître & pour aimer Dieu. Car on peut dire : Les hommes ont été créés pour connoître & pour aimer Dicu.

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Mais quand le qui eft déterminatif, l'attribut de la propofition incidente n'est point proprement affirmé du fujet auquel le qui fe rapporte. Car fi après avoir dit, les hommes qui font pieux font charitables; on vouloit fubftituer le mot d'hommes au qui, en difant, les homines font pieux, la propofition feroit fauffe, parce que ce feroit affirmer le inot de pieux des hommes, comme hommes; mais en difant, les hommes

No. III.

VII. CL. qui font pieux font charitables, on n'affirme ni des hommes en général, ni N°. ill d'aucuns hommes en particulier, qu'ils foient piepx; mais l'efprit joignant ensemble lidée de pienx avec celle d'hommes, & en failant une idée totale, juge que l'attribut de charitables convient à cette idée totale: Et ainfi tout le jugement qui eft exprimé dans la propofition incidente, eft feulement celui par lequel notre efprit juge que l'idée de pieux n'est pas incompatible avec celle d'homme, & qu'ainfi il peut les confidérer comme jointes enfemble, & examiner enfuite ce qui leur convient felon cette union.

Il y a fouvent des termes qui font doublement & triplement complexes, étant compofés de plufieurs parties, dont chacune à part eft complexe; & ainfi il s'y peut rencontrer diverfes propofitions incidentes & de diverse efpece, le qui de l'une étant determinatif, & le qui de l'autre explicatif. C'est ce qu'on verra mieux par cet exemple: La doctrine qui met le fouverain bien dans la volupté du corps, qui a été enfeignée par Epicure, eft indigne d'un Philofophe. Cette propofition a pour attribut, indigne d'un Philofophe, & tout le rette pour fujet; & ainfi ce sujet est un terme complexe, qui enferme deux propofitions incidentes: la premiere eft, qui met le fouverain bien dans la volupté du corps: le qui, dans cette propofition incidente, eft déterminatif; car il détermine le mot de doctrine, qui eft général, à celle qui affirme que le fouverain bien de l'homme eft dans la volupté du corps: d'où vient qu'on ne pourroit fans abfurdité fubftituer au qui le mot de doctrine, en difant; la doctrine met le fouverain bien dans la volupté du corps. La feconde propofition incidente eft, qui a été enseignée par Epicure, & le fujet auquel ce qui fe rapporte, et tout le terme complexe, la doctrine qui met le fouverain bien dans la volupté du corps, qui marque une doctrice finguliere & individuelle, capable de divers accidents, comme d'être foutenue par diverfes perfonnes, quoiqu'elle foit déterminée en ellemême à être toujours prite de la même forte, au moins dans ce point précis, felon lequel on l'entend. Et c'est pourquoi le qui de la feconde propofition incidente, qui a été enseignée par Epicure, n'est point déterminatif, mais feulement explicatif; d'où vient qu'on peut fubftituer le fujet auquel ce qui fe rapporte en la place du qui, en disant; la dɔctrine qui met le jouverain bien dans la volupté du corps, a été enfeignée par Epicure.

3. La derniere remarque eft, que, pour juger de la nature de ces propofitions, & pour favoir fi le qui eft determinatif ou explicatif, il faut fouvent avoir plus d'égard au fens & à l'iatention de celui qui parle, qu'à la feule expreffion.

Car il y a fouvent des termes complexes qui paroiffent incomplexes, VIII. CL. ou qui paroiffent moins complexes qu'ils ne le font en effet; parce qu'une N°. III. partie de ce qu'ils enferment dans l'efprit de celui qui parle, eft fousentendu & non exprimé, felon ce qui a été dit dans le Chapitre VII de la premiere Partie, où l'on a fait voir qu'il n'y avoit rien de plus ordinaire dans les difcours des hommes, que de marquer des chofes fingulieres par des noms communs; parce que les circonftances du discours font affez voir, qu'on joint à cette idée commune, qui répond à ce mot, une idée finguliere & diftincte, qui le détermine à ne fignifier qu'une feule & unique chofe.

J'ai dit que cela fe reconnoiffoit d'ordinaire par les circonftances, comme dans la bouche des François, le mot de Roi fignifie Louis XIV. Mais voici encore une regle qui peut fervir à faire juger quand un terme commun demeure dans fon idée générale, ou quand il eft déterminé par une idée diftincte & particuliere, quoique non exprimée.

Quand il y a une abfurdité manifefte à lier un attribut avec un fujet demeurant dans fon idée générale, on doit croire que celui qui fait cette propofition n'a pas laiffé ce fujet dans fon idée générale. Ainfi fi j'entends dire à un honime: Rex hoc mihi imperavit, le Roi m'a commandé telle chofe, je fuis affuré qu'il n'a point laiffé le mot de Roi dans fon idée générale; car le Roi en général ne fait point de commandement particulier.

Si un homme m'avoit dit: La Gazette de Bruxelles du 14 de Janvier 1662 touchant ce qui fe paffe à Paris, eft fausse, je ferois affuré qu'il auroit quelque chofe dans l'efprit de plus que ce qui feroit fignifié par ces termes; parce que tout cela n'eft point capable de faire juger fi cette Gazette eft vraie ou fauffe, & qu'ainfi il faudroit qu'il eût conçu une nouvelle diftincte & particuliere, laquelle il jugeât contraire à la vérité ; comme fi cette Gazette avoit dit, que le Roi a fait cent Chevaliers de l'Ordre du Saint-Elprit.

De même dans les jugements que l'on fait des opinions des Philofophes, quand on dit que la doctrine d'un tel Philofophe eft fauffe, fans exprimer diftin&tement quelle eft cette doctrine; comme que la doctrine de Lucrece touchant la nature de notre ame eft fauffe, il faut néceffairement que dans ces fortes de jugements ceux qui les font conçoivent une opinion distincte & particuliere fous le mot général de doctrine d'un tel Philofophe, parce que la qualité de fauffe ne peut pas convenir à une doctrine comme étant d'un tel Auteur; mais feulement comme étant une telle opinion en particulier, contraire à la vérité. Et ainfi ces fortes de propofitions fe réfolvent néceffairement en celles-ci: Une telle opinion, qui a été enfeignée par un tel Auteur, eft fauffe: L'opinion que notre ame

VIII. C. Soit compofée d'atomes, qui a été enfeignée par Lucrece, eft fauffe. De forte N°. III. que ces jugements enferment toujours deux affirmations, lors même

qu'elles ne font pas diftinctement exprimées : l'une principale qui regarde la vérité en elle-même, qui eft, que c'eft une grande erreur de vouloir que notre ame foit compofée d'atomes: l'autre incidente, qui ne regarde qu'un point d'Hiftoire, qui eft, que cette erreur a été enfeignée par Lucrece.

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De la fauffeté qui fe peut trouver dans les termes complexes, & dans les propofitions incidentes.

CE

E que nous venons de dire peut fervir à réfoudre une question célebre, qui eft de favoir fi la fauffeté ne fe peut trouver que dans les propofitions, & s'il n'y en a point dans les idées & dans les fimples termes ?

Je parle de la fauffeté plutôt que de la vérité, parce qu'il y a une vérité qui est dans les chofes par rapport à l'efprit de Dieu, foit que les hommes y penfent, ou n'y penfent pas; mais il ne peut y avoir de fauffeté que par rapport à l'efprit de l'homme, ou à quelque autre efprit fujet à erreur, qui juge fauffement qu'une chofe eft ce qu'elle n'eft pas. On demande donc fi cette fauffeté ne fe rencontre que dans les propofitions, & dans les jugements?

On répond ordinairement que non ce qui eft vrai en un fens ; mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait quelquefois de la fauffeté, non dans les idées fimples, mais dans les termes complexes; parce qu'il fuffit pour cela qu'il y ait quelque jugement, & quelque affirmation ou expreffe ou virtuelle.

C'est ce que nous verrons mieux en confidérant en particulier les deux fortes de termes complexes: l'un dont le qui eft explicatif : l'autre dont il est déterminatif.

Dans la premiere forte de termes complexes, il ne faut pas s'étonner s'il peut y avoir de la fauffeté; parce que l'attribut de la propofition incidente eft affirmé du fujet auquel le qui fe rapporte: Alexandre qui eft fils de Philippe ; j'affirme, quoi qu'incidemment, le fils de Philippe d'Alexandre, & par conféquent il y a en cela de la fauffeté, fi cela n'eft pas. Mais il faut remarquer deux ou trois chofes importantes. 1°. Que la 'faufleté de la propofition incidente n'empêche pas pour l'ordinaire la

vérité

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