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Le bonheur dépend des richeffes, & non pas de la fcience.
Le bonheur ne dépend ni des richesses, ni de la fcience.

Le bonheur dépend des richeffes & de la fcience.

Ainfi l'on voit que les copulatives font contradictoires des difcretives; car ces deux dernieres propofitions font copulatives.

VIII. C L.

N°. III

IL Y

CHAPITRE X.

Des Propofitions compofées dans le fens.

L y a d'autres propofitions compofées, dont la composition est plus cachée, & on les peut réduire à ces quatre fortes. 1o. Exclusives. 2o. Exceptives. 3°. Comparatives. 4°. Inceptives ou Défitives.

1o. DE S

EXCLUS

I V E S.

[ On appelle exclufives celles qui marquent qu'un attribut convient à un fujet, & qu'il ne convient qu'à ce feul fujet; ce qui eft marquer qu'il ne convient pas à d'autres d'où il s'enfuit qu'elles enferment deux jugements différents, & que par conféquent, elles font compofées dans le fens. C'est ce qu'on exprime par le mot feul, ou autre semblable. Ou en françois il n'y a. Il n'y a que Dieu feul aimable pour lui-même. Deus folus fruendus, reliqua utenda.

C'est-à-dire, nous devons aimer Dieu pour lui-même, & n'aimer les autres chofes que pour Dieu.

Quas dederis folas femper habebis opes. Les feules richesses qui vous demeureront toujours, feront celles que vous aurez données libéralement: Nobilitas fola eft atque unica virtus :

La vertu fait la nobleffe, & toute autre chose ne rend point vraiment noble.

Hoc unum fcio quod nihil fcio, difoient les Académiciens.

Il est certain qu'il n'y a rien de certain, & il n'y a qu'obscurité & incertitude en toute autre chofe.

Lucain, parlant des Druïdes, fait cette propofition disjonctive, compofée de deux exclusives.

Solis noffe Deos, & cœli numina vobis,

Aut folis nefcire datum eft.

Ou vous connoiffez les Dieux, quoique tous les autres les ignorent:
Ou vous les ignorez, quoique tous les autres les connoiffent.

VIII. C L.

Ces propofitions fe contredifent en trois manieres. Car, 1°. on peut N°. III. nier que ce qui eft dit convenir à un feul fujet, lui convienne en au

cune forte.

2°. On peut foutenir que cela convient à autre chofe.

3°. On peut foutenir l'un & l'autre.

Ainfi contre cette fentence, la feule vertu eft la vraie nobleffe, on peut dire :

1°. Que la vertu ne rend point noble.

2°. Que la naiffance rend noble auffi-bien que la vertu.
3°. Que la naiffance rend noble, & non la vertu.

Ainfi cette maxime des Académiciens: Que cela eft certain qu'il n'y a rien de certain, étoit contredite différemment par les Dogmatiques, & par les Pyrrhoniens. Car les Dogmatiques la combattoient, en foutenant que cela étoit doublement faux; parce qu'il y avoit beaucoup de chofes que nous connoillions très-certainement, & qu'ainfi il n'étoit point vrai que nous fuffions certains de ne rien favoir: Et les Pyrrhoniens difoient auffi que cela étoit faux, par une raifon contraire, qui eft que tout étoit tellement incertain, qu'il étoit même incertain s'il n'y avoit rien de certain.

C'est pourquoi il y a un défaut de jugement dans ce que dit Lucain des Druïdes, parce qu'il n'y a point de néceffité que les feuls Druïdes fuffent dans la vérité au regard des Dieux, ou qu'eux feuls fuffent dans l'erreur: car pouvant y avoir diverfes erreurs touchant la nature de Dieu, il fe pouvoit fort bien faire que, quoique les Druïdes euffent des penfées touchant la nature de Dieu différentes de celles des autres nations, ils ne fuffent pas moins dans l'erreur que les autres nations.

Ce qui eft ici de plus remarquable eft, qu'il y a fouvent de ces propofitions qui font exclufives dans le fens, quoique l'exclufion ne foit pas exprimée: ainfi ce vers de Virgile, où l'exclufion eft marquée,

Una falus victis, nullam fperare falutem,

a été traduit heureufement par ce vers françois, dans lequel l'exclufion eft fous-entendue.

Le falut des vaincus eft de n'en point attendre.

Néanmoins il est bien plus ordinaire en latin qu'en François de fousentendre les exclufions: de forte qu'il y a fouvent des paffages qu'on ne peut traduire dans toute leur force, fans en faire des propofitions exclufives, quoiqu'en latin l'exclufion n'y foit pas marquée.

Ainfi, II Cor. X. 17. Qui gloriatur, in Domino glorietur, doit être traduit: Que celui qui fe glorifie, ne fe glorifie qu'au Seigneur.

Galat. VI. 8. Quæ feminaverit homo, hæc & metet: L'homme ne recueillera que ce qu'il aura femé

Ephef. IV. 5. Unus Dominus, una fides, unum Baptisma: Il n'y a qu'un VIII. CL Seigneur, qu'une foi, qu'un Baptême.

Math. V. 46. Si diligitis eos qui vos diligunt, quam mercedem habebitis? Si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en mériterez-vous?

Seneque dans la Troade: Nullas habet fpes Troja, fi tales habet: Si Troie n'a que cette efpérance, elle n'en a point: comme s'il y avoit : fi tantum tales habet.

2o. DES EXCEPTIVE S.

[Les exceptives font celles où on affirme une chofe de tout un sujet, à l'exception de quelqu'un des inférieurs de ce fujet, à qui on fait entendre par quelque particule exceptive, que cela ne convient pas; ce qui yifiblement enferme deux jugements, & ainfi rend ces propofitions compofées dans le fens; comme fi je dis:

Toutes les fectes des anciens Philofophes, hormis celle des Platoniciens, n'ont point reconnu que Dieu fût fans corps.

Cela veut dire deux chofes La premiere, que les Philofophes anciens ont cru Dieu corporel. La feconde, que les Platoniciens ont cru le contraire.

Avarus nifi cùm moritur, nihil rectè facit.

L'avare ne fait rien de bien, fi ce n'eft de mourir.

Et mifer nemo, nifi comparatus.

Nul ne fe croit miférable, qu'en fe comparant à de plus heureux.
Nemo læditur nifi à feipfo.

Nous n'avons du mal que celui que nous nous faifons à nous-mêmes. Excepté le Sage, difoient les Stoïciens, tous les hommes font vraiment fous.

Ces propofitions fe contredifent de même que les exclufives.

1°. En foutenant que le Sage des Stoïciens étoit aufli fou que les autres hommes.

2o. En foutenant qu'il y en avoit d'autres que ce Sage qui n'étoient pas fous.

3o. En prétendant que ce Sage des Stoïciens étoit fou, & que d'autres hommes ne l'étoient pas.

Il faut remarquer que les propofitions exclufives & les exceptives ne font prefque que la méme chofe exprimée un peu différemment : De forte qu'il est toujours fort aifé de les changer réciproquement les unes aux autres & ainfi nous voyons que cette exceptive de Terence,

N°. III.

VIII. C L.

Imperitus, nifi quod ipfe facit, nil rectum putat,

N°. III. a été changée par Cornelius Gallus en cette exclufive,
Hoc tantum rectum quod facit ipfe putat.

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Les propofitions où l'on compare enferment deux jugements, parce que ç'en font deux, de dire qu'une chofe eft telle, & de dire qu'elle eft telle plus ou moins qu'une autre: & ainfi ces fortes de propofitions font compofées dans le fens.

Amicum perdere, eft damnorum maximum.

La plus grande de toutes les pertes, eft de perdre un ami.

Ridiculum acri

Fortius ac melius magnas plerumque fecat res.

On fait fouvent plus d'impreffion dans les affaires même les plus importantes par une raillerie agréable, que par les meilleures raisons.

Meliora funt vulnera amici, quàm fraudulenta ofcula inimici.

Les coups d'un ami valent mieux que les baifers trompeurs d'un ennemi. On contredit ces propofitions en plufieurs manieres; comme cette maxime d'Epicure, la douleur eft le plus grand de tous les maux, étoit contredite d'une forte par les Stoïciens, & d'une autre par les Péripatéticiens çar les Péripatéticiens avouoient que la douleur étoit un mal; mais ils foutenoient que le vice & les autres déréglements d'efprit étoient bien de plus grands maux: au lieu que les Stoïciens ne vouloient pas même reconnoître que la douleur fût un mal, bien loin d'avouer que ce fût le plus grand de tous les maux.

Mais on peut traiter ici une queftion, qui eft, de favoir s'il est toujours néceffaire que dans ces propofitions, le pofitif du comparatif convienne à tous les deux membres de la comparaifon, & s'il faut, par exemple, fuppofer que deux chofes foient bonnes, afin de pouvoir dire que l'une eft meilleure que l'autre.

Il femble d'abord que cela devroit être ainfi ; mais l'usage est au contraire, puifque nous voyons que l'Ecriture fe fert du mot de meilleur, non feulement en comparant deux biens enfemble: Melior eft fapientia quàm vires, & vir prudens quàm fortis: la fageffe vaut mieux que la force, & l'homme prudent que l'homme vaillant:

Mais auffi en comparant un bien à un mal, Melior eft patiens arrogante: un homme patient vaut mieux qu'un homme fuperbe.

Et même en comparant deux maux enfemble: Melius eft habitare cum dracone, quàm cum muliere litigiofa: il vaut mieux demeurer avec un

dragon, qu'avec une femme querelleufe. Et dans l'Evangile: il vaut mieux VIII. C L. être jeté dans la mer une pierre au col, que de fcandalifer le moindre N°. III. des fideles.

La raison de cet ufage eft, qu'un plus grand bien eft meilleur qu'un moindre, parce qu'il a plus de bonté qu'un moindre bien. Or par la même raison on peut dire, quoique moins proprement, qu'un bien eft meilleur qu'un mal; parce que ce qui a de la bonté, en a plus que ce qui n'en a point. Et on peut dire auffi qu'un moindre mal eft meilleur qu'un plus grand mal; parce que la diminution du mal tenant lieu de bien dans les maux, ce qui eft moins mauvais a plus de cette forte de bonté, que ce qui eft plus mauvais.

Il faut donc éviter de s'embarraffer mal-à-propos, par la chaleur de la difpute, à chicaner fur ces façons de parler, comme fit un Grammairien Donatifte, nommé Crefconius, en écrivant contre S. Auguftin: car ce Saint ayant dit que les Catholiques avoient plus de raifon de reprocher aux Donatiftes d'avoir livré les Livres Sacrés, que les Donatiftes n'en avoient de le reprocher aux Catholiques. Traditionem nos vobis probabiLus objicimus: Crefconius s'imagina avoir droit de conclure de ces paroles, que S. Auguftin avouoit par-là, que les Donatiftes avoient raison de le reprocher aux Catholiques. Si enim vos probabilius, difoit-il, nos ergo probabiliter: Nam gradus ifte quod ante pofitum eft auget, non quod ante dictum eft improbat. Mais S. Auguftin réfute premiérement cette vaine fubtilité par des exemples de l'Ecriture, & entr'autres par ce paffage de l'Epitre aux Hébreux, où S. Paul ayant dit, que la terre qui ne porte que des épines étoit maudite, & ne devoit attendre que le feu, il ajoute: Confidimus autem de vobis, fratres chariffimi, meliora: Non quia, dit ce Pere, bona illa erant quæ fupra dixerat, proferre fpinas & tribulos, & uftionem mereri, fed magis quia mala erant, ut illis devitatis meliora eligerent & optarent, hoc eft mala tantis bonis contraria. Et il lui montre enfuite, par les plus célebres Auteurs de fon Art, combien fa conféquence étoit fauffe, puifqu'on auroit pu de la même forte reprocher à Virgile, d'avoir pris pour une bonne chofe la violence d'une maladie, qui porte les hommes à fe déchirer avec leurs propres dents, parce qu'il fouhaite une meilleure fortune aux gens de bien.

Dii meliora piis, erroremque hoftibus illum;

Difciffos nudis laniabant dentibus artus.

Quomodo ergo meliora piis, dit ce Pere, quafi bona effent iftis, ac non potius magna mala qui difciffos nudis laniabant dentibus artus.

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