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que j'ai lues à l'Académie des Sciences morales et politiques sur MM. Sieyès, Roederer, Livingston, Talleyrand, Broussais, Merlin, Tracy, Daunou, et les discours que j'ai prononcés à l'Académie française en y remplaçant M. Raynouard, et en y recevant ensuite M. Flourens, qui succédait à M. Michaud, et M. le baron Pasquier, qui succédait à M. Frayssinous. En retraçant la vie et en appréciant les travaux de ces hommes considérables dans la politique, la science, les lettres, j'ai eu l'occasion de passer en revue la Révolution et ses crises, l'Empire et ses établissements, la Restauration et ses luttes, de rattacher les événements publics à des biographies particulières, et de montrer le mouvement général des idées dans les œuvres de ceux qui ont tant contribué à leur développe

ment.

En effet, membres de nos mémorables assemblées, la plupart d'entre eux figurent parmi les fondateurs de notre système social. Ils ont concouru à la destruction de tout un ancien ordre de choses et à l'établissement d'un nouveau. Le changement des diverses classes de la vieille monarchie en une seule nation; la division des provinces en départements; l'abolition du régime féodal privé, lequel avait survécu au régime féodal politique ; l'organisation de l'impôt sous la Constituante; la création des écoles publiques et de l'Institut

national sous la Convention; la forme donnée à l'administration moderne sous le Consulat; la fondation de la jurisprudence civile sous l'Empire; la marche des sciences sociales ou philosophiques, rappellent le souvenir des hommes que je me suis efforcé de faire connaître, en peignant leur caractère et en signalant la part qu'ils ont prise aux grands actes de l'histoire contemporaine.

Le second volume se compose de quatre mémoires historiques. Voici les titres et l'ordre de ces mémoires: 4° La Germanie au huitième et au neuvième siècle, sa conversion au christianisme et son introduction dans la société civilisée de l'Europe occidentale; 2o Essai sur la formation territoriale et politique de la France depuis la fin du onzième siècle jusqu'à la fin du quinzième; 3o Établissement de la réforme religieuse et constitution du calvinisme à Genève; 4° Introduction à l'histoire de la succession d'Espagne et tableau des négociations relatives à cette succession sous Louis XIV.

Les trois premiers mémoires ont été communiqués à l'Académie des Sciences morales et politiques, qui les a déjà insérés dans les volumes de son recueil. Je me suis proposé d'y traiter des sujets qui ont un intérêt historique grave, mais que l'histoire, dans la rapidité de ses récits, n'a dù présenter ni sous cette forme, ni avec cette étendue.

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La transformation sociale de l'ancienne Germanie est un événement du premier ordre. Elle a exercé l'influence la plus décisive sur les destinées de l'Europe, et dès lors du monde. La race belliqueuse qui a renversé l'empire romain, pliée sur son ancien territoire même au joug de la civilisation, offre le spectacle d'une conquête morale exécutée par des hommes à la fois pieux et héroïques, dont les aventures ne paraîtront peut-être pas sans attraits. Mais ce n'est pas seulement le tableau des changements opérés dans la croyance, dans les sentiments, dans les idées, dans la distribution territoriale de toute une vaste famille humaine, que j'ai eu l'intention de retracer. J'ai voulu surtout résoudre un problème de haute géographie sociale, si je puis m'exprimer ainsi. J'ai cherché à déterminer quelles avaient été jusque-là les forces respectives de la barbarie et de la civilisation sur notre continent; comment les vastes espaces occupés par la première, étant beaucoup plus considérables que la zone étroite où s'était développée la seconde, les peuples nomades du Nord avaient successivement envahi et culbuté les établissements des peuples beaucoup plus avancés du Sud; enfin quelles étaient les conditions qui, changeant cet état de choses, devaient amener le triomphe définitif de la civilisation, permettre ses progrès continus, et lui donner le moyen de re

pousser désormais ces débordements de Barbares dont l'histoire est remplie jusqu'au moyen âge, et l'aurait été sans cela jusqu'à nos jours. L'admission de la Germanie dans le corps des sociétés policées et dans la grande communauté chrétienne m'a servi à donner la solution de ce problème.

La formation territoriale et politique de la France, après les violences de la conquête et les désordres de la féodalité, compose un long drame qui est, pour l'unité de notre pays et pour sa grandeur, ce que la croyance chrétienne et l'organisation civile de l'Europe occidentale transportées dans la Germanie sont devenues pour le développement régulier de la société humaine. Ce travail de formation, qui a rattaché successivement les diverses provinces au centre, qui a dégagé le pouvoir monarchique du système féodal, et lui a donné sa justice, ses finances, son armée, son administration, je l'ai conduit depuis Louis le Gros jusqu'à Louis XI, c'est-à-dire depuis le moment où il a sérieusement commencé jusqu'à celui où la France a été assez compacte et assez forte pour déborder sur l'Europe. J'ai exposé la marche de cette lente et magnifique entreprise, les obstacles qu'elle a rencontrés, les crises qu'elle a traversées, et la part qu'ont eue les divers rois à l'établissement progressif de

cette belle unité nationale que la révolution de 1789 a complétée.

La réforme religieuse a été l'une des crises les plus dangereuses que l'œuvre de l'ancienne monarchie ait eues à surmonter. Tout en apportant au monde moderne le grand bienfait de la liberté de conscience, tout en ménageant à l'esprit humain les ressources fécondes de l'indépendance et de la force philosophiques, elle compromit un moment l'unité dans notre pays, en y amenant le désaccord des croyances, le morcellement du territoire, la désorganisation de l'État. Elle dut rencontrer dès lors des adversaires prononcés dans les rois de France, qui, durant quarante années, s'efforcèrent de prévenir son apparition ou d'empêcher ses progrès. Aussi le protestantisme français, en butte à de grandes persécutions sous les règnes de François Ier et de Henri II, et condamné à une existence secrète jusqu'en 1560, chercha un asile en Suisse, et établit à Genève la principale de ses églises et le centre de ses opérations religieuses. C'est le sort qui l'attendait et la constitution originale qu'il se donna sur une terre étrangère, que j'ai eu le dessein d'exposer avec détail. Pour cela, j'ai raconté trois révolutions curieuses et intéressantes, qui s'opérèrent coup sur coup dans Genève, de 1513 à 1555. Ces trois révolutions d'un caractère bien différent, dont la première arracha Ge

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