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un ton impérieux, lui dit: » C'est » avec le plus grand scandale que j'apprends que les troupes Fran»çoiles venues à Siam pour le fer>>vice du Roi, refusent d'obéir à fes > ordres. Je vous charge d'écrire à » leur général, pour l'engager à » obéir. S'il s'obstine dans fon in» docilité, ce sera vous qui en ferez » puni. J'abandonnerai votre Sémi»naire & votre Eglife au pillage;

Tous les François feront mis à la >> bouche du canon, & tous les » Chrétiens feront exterminés.

ette

M. de Rofalie répondit qu'il n'avoit aucune autorité fur le général François; mais qu'il offroit fa médiation pour l'engager à fe rendre lui-même à Louvo. offre fut acceptée, & le prélat accompagné des deux Mandarins qui avoient été ambaffadeurs en Françe, prit la route de Bancok, Des Farges inftruit du motif de fon voyage, flotta dans l'incertitude du parti qu'il devoit prendre. Enfin il fe réfolut à partir, & de fuivre

M. de Rofalie & les deux Mandarins avec fon fils, l'autre étant déja détenu prifonnier à Bancok, Pitracha prenant un ton impofant, lui reprocha fon refus d'amener les troupes que le Roi demandoit avec inftance. Il le menaça d'employer la force pour l'y contraindre, & lui protefta que dix places comme Bancok feroient de foibles remparts pour le fouftraire à fes vengeances.

Des Farges oppofa la plus grande modération à la vivacité de fes menaces; & après lui avoir laiffé jeter tout fon feu, il lui fit cette réponse: Le Roi mon maître ne » m'a envoyé ici avec des troupes » qu'à la follicitation du Roi de » Siam fon allié & fon ami; mais puifque ces troupes donnent de l'ombrage, ordonnez qu'on nous » fourniffe des vaiffeaux, ou pèr» mettez-nous d'en équiper. La cé»lérité dont nous uferons pour » hâter notre départ, ne vous laif» fera aucun lieu de douter de la droiture du Roi mon maître.

Cette propofition fut rejetée, & le: grand Mandarin le preffa pluss vivement d'envoyer l'ordre par écrit à fon lieutenant d'amener fes troupes. Le général lui répliqua qu'étant hors de la place, il n'y avoit plus d'autorité, & que le feul moyen d'engager la garnifon à obéir, étoit de lui permettre de retourner à Bancok, promettant de tout tenter pour la réfoudre à condefcendre à fes volontés. Il offrit de donner fes enfans pour garants & opour côtages de fa paroles Le grand Mandarin y confentit. Mais quand des Farges fut rentré dans la fortereffe, les officiers & les foldats protefferent qu'ils n'en fortis roient que pour retourner dans leun patrie. Pitracha informé de leur réfolution, fit avancer des troupes. Les François évacuerent le fort qu'ils occupoient vis-à-vis de Bancok: les Siamois s'en faifirent, & les hoftilités commencerent.

De Bruant & Beauregard, qui commandoient à Mergui ne dou

tant pas qu'on ne vint bientôt les attaquer, firent leurs difpofitions pour une vigoureufe défenfe. Ils n'avoient point à combattre pour la gloire; un motif plus puiffant enflammoit leur courage. L'intérêt de leur vie leur infpiroit un généreux défespoir. Les Siamois les fommerent de fortir de la place; mais ils furent repouffés avec perte, & les vainqueurs s'étant faifis d'un de leurs vaiffeaux & d'un navire Anglois qui étoient dans le port, s'embarquerent,&firent voile pour Pondicheri, où ils aborderent heureusement.

Les François renfermés dans Bancok inquiétoient l'ufurpateur, qui fe perfuada que M. de Métellopolis auroit plus d'afcendant fur leur efprit que M. de Rofalie. Il le fit conduire à Bancok fous l'escorte d'une compagnie de Bras - peints, qui font les huiffiers & les exécuteurs de la justice. Cette milice auffi lâche qu'infolente, exerça mille indignités fur les domeftiques du pré

lat. Ils les mirent à la cangue liés & garrotés; ils les expoferent pref que nuds aux ardeurs brûlantes du foleil, aux importunités des moucherons, aux rigueurs de la foif & de la faim. L'Evêque & M. Baffet, Miffionnaire, furent également en butte à leurs outrages. On leur ravit la meilleure partie de leurs habits, & on leur enleva jufqu'à leur chapeau. Ce ne fut que le prélude des cruautés qu'on exerça fur eux dans le fort fitué vis-à-vis Bancok. Le Mandarin qui en étoit le commandant, les fit expofer fur un baf tion que foudroyoit le canon dés François, & ils ne cefferent de tirer que lorfqu'ils eurent reconnu quelles étoient les victimes qu'on leur offroit à immoler.

La fiere réfiftance des François infpira des fentimens pacifiques aux Siamois. Le grand Mandarin monté fur le trône après la mort du Roi, crut devoir écarter des hôtes trop belliqueux pour n'être pas redoutables. Il fut arrêté qu'ils s'em

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