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1.

UNIVER TRY

16 AUG 1950

OF OXFORD

LIBRARY

SELMOURS,

NOUVELLE ANGLOISE.

C'EST une belle et respectable nation que la nation angloise. Le poids immense dont elle fut toujours dans la balance de l'Europe, ce qu'elle a fait d'éclatant dans la politique, dans la guerre, ses sublimes découvertes dans les sciences, assureroient assez sa gloire, quand même elle n'y joindroit pas l'avantage plus précieux encore d'avoir été le premier peuple moderne qui ait possédé les deux biens les plus nécessaires au bonheur des hommes, des philosophes et des loix. Les Anglois n'en ont point abusé, ce qui étoit si facile; ils ont eu l'extrême sagesse de ne pas vouloir tout d'un coup atteindre

à la perfection, qui ne peut être jamais que le fruit de l'expérience. Ils ont pensé que la raison, peut-être même la vertu, et sans nul doute le bonheur, n'étoit autre chose que la mesure; et, pour conserver le plus beau bienfait dont l'homme puisse jouir, la liberté, ils ont confondu ce grand nom, ils en ont mêlé la sublime idée avec celle d'obéissance à la loi, avec le respect des autorités établies par la loi, avec la crainte religieuse de jamais offenser la loi. De là s'est promptement lá formé ce soutien inébranlable de la liberté, ce principe générateur de la félicité d'un peuple, l'esprit public. C'est par lui seul que les habitants de deux isles beaucoup moins grandes que la France se sont vus souvent les arbitres ou l'effroi des souverains, les médiateurs de l'Europe; que leurs flottes, maîtresses de l'océan, sont allées dans les deux Indes porter la

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terreur et chercher des trésors; et que leur pays heureux, à l'abri des invasions étrangeres, des divisions intestines, jouit de la paix, des beaux arts, possede les richesses du monde, et voit arriver dans ses ports toutes les productions de l'univers.

Voilà sans doute sur quels motifs est fondée cette bonne opinion d'euxmêmes, cette estime trop souvent exclusive de leur nation, que l'on reproche quelquefois aux Anglois. Ils savent tout ce qu'ils valent, et n'ont là-dessus nul secret pour personne. Ils dédaignent d'ouvrir les yeux sur le mérite, sur les qualités qui sont propres chaque peuple; cette insouciance donne à leurs vertus un air d'orgueil qui en diminue l'attrait; enfin ils comptent pour fort peu de chose l'approbation, le suffrage des autres; et le seul moyen d'être aimable, c'est de les compter pour beaucoup.

J'ai connu pourtant un Anglois qui, pour éviter ce défaut, étoit tombé dans le défaut contraire: non seulement il attachoit un grand prix à l'opinion, à l'estime d'autrui, mais cette estime étoit devenue un des premiers besoins de son cœur. Il ne lui suffisoit pas de bien faire, il falloit encore qu'il fût approuvé. Son but, son desir, sa regle, étoient qu'aucune de ses actions ne pût être blâmée de personne. Il vouloit plus, il aspiroit à ce qu'elle fût applaudie : il prétendoit enfin plaire à tout le monde; et cette prétention mettoit son bonheur à la merci de tous les humains.

CE jeune homme, dernier rejeton d'une famille illustre du comté de Midlessex, étoit né presque sans fortune: mais la nature avoit pris soin de le dédommager de ce malheur. Doué des avantages de la figure, il y joignoit

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