Images de page
PDF
ePub

» une autre occasion, d'être menteur. Il a promis à » un de mes sujets de lui donner en mariage la fille › de Saturnilus: s'il ne veut pas tenir sa parole, je » lui déclare la guerre ; s'il ne le peut pas, et qu'il

[ocr errors]

» soit dans cet état qu'on ose lui désobéir, je marche

» à son secours. >>

Il ne faut pas croire que ce fût par modération qu'Attila laissa subsister les Romains; il suivoit les mœurs de sa nation, qui le portoient à soumettre les peuples, et non pas à les conquérir. Ce prince, dans sa maison de bois où nous le représente Priscus (1), maître de toutes les nations barbares, et en quelque façon (2) de presque toutes celles qui étoient policées, étoit un des grands monarques dont l'histoire ait jamais parlé.

On voyoit à sa cour les ambassadeurs des Romains d'Orient et de ceux d'Occident, qui venoient recevoir ses lois, ou implorer sa clémence. Tantôt il demandoit qu'on lui rendît les Huns transfuges ou les esclaves romains qui s'étoient évadés; tantôt il vouloit qu'on lui livrât quelque ministre de l'empereur. Il avoit mis sur l'empire d'Orient un tribut de deux mille cent livres d'or. Il recevoit les appointements de général des armées romaines. Il envoyoit à Constantinople ceux qu'il vouloit récompenser,

(1) Histoire gothique : « Hæ sedes regis barbariem totam > tenentis, hæc captis civitatibus habitacula præponebat. » (Jornandès, de Rebus geticis.)

(2) Il paroît par la Relation de Priscus qu'on pensoit à la cour d'Attila à soumettre encore les Perses.

afin qu'on les comblât de biens, faisant un trafic continuel de la frayeur des Romains.

Il étoit craint de ses sujets, et il ne paroît pas qu'il en fût haï (1). Prodigieusement fier, et cependant rusé, ardent dans sa colère, mais sachant pardonner ou différer la punition suivant qu'il convenoit à ses intérêts, ne faisant jamais la guerre quand la paix pouvoit lui donner assez d'avantages, fidèlement servi des rois mêmes qui étoient sous sa dépendance, il avoit gardé pour lui seul l'ancienne simplicité des mœurs des Huns. Du reste, on ne peut guère louer sur la bravoure le chef d'une nation où les enfants entroient en fureur au récit des beaux faits d'armes de leurs pères, et où les pères versoient des larmes parce qu'ils ne pouvoient pas imiter leurs

enfants.

Après sa mort, toutes les nations barbares se redivisèrent; mais les Romains étoient si foibles qu'il n'y avoit pas de si petit peuple qui ne pût leur

nuire.

Ce ne fut pas une certaine invasion qui perdit l'empire, ce furent toutes les invasions. Depuis celle qui fut si générale sous Gallus, il sembla rétabli, parce qu'il n'avoit point perdu de terrain; mais il alla, de degrés en degrés, de la décadence à sa chute, jusqu'à ce qu'il s'affaissa tout à coup sous Arcadius et Honorius.

(1) Il faut consulter, sur le caractère de ce prince et les mœurs de sa cour, Jornandès et Priscus.

En vain on avoit rechassé les barbares dans leur pays; ils y seroient tout de même rentrés pour mettre en sûreté leur butin: en vain on les extermina; les villes n'étoient pas moins saccagées, les villages brûlés, les familles tuées ou dispersées. (1)

Lorsqu'une province avoit été ravagée, les barbares qui succédoient, n'y trouvant plus rien, devoient passer à une autre. On ne ravagea au commencement que la Thrace, la Mysie, la Pannonie : quand ces pays furent dévastés, on ruina la Macédoine, la Thessalie, la Grèce; de là il fallut aller aux Noriques. L'empire, c'est-à-dire le habité, pays se rétrécissoit toujours, et l'Italie devenoit frontière.

La raison pourquoi il ne se fit point sous Gallus et Gallien d'établissement de barbares, c'est qu'ils trouvoient encore de quoi piller.

Ainsi lorsque les Normands, image des conquérants de l'empire, eurent pendant plusieurs siècles ravagé la France, ne trouvant plus rien à prendre, ils acceptèrent une province qui étoit entièrement déserte et se la partagèrent. (2)

(1) C'étoit une nation bien destructive que celle des Goths: ils avoient détruit tous les laboureurs dans la Thrace, et coupé les mains à tous ceux qui menoient les chariots. (Histoire byzantine de Malchus, dans l'Extrait des ambassades.)

(2) Voyez dans les Chroniques recueillies par André du Chesne l'état de cette province vers la fin du neuvième et le commencement du dixième siècle. (Scrip. Norm. hist. veteres.)

La Scythie dans ces temps-là étant presque toute inculte (1), les peuples y étoient sujets à des famines fréquentes ils subsistoient en partie par un com. merce avec les Romains, qui leur portoient des vivres des provinces voisines du Danube (2). Les barbares donnoient en retour les choses qu'ils avoient pillées, les prisonniers qu'ils avoient faits, l'or et l'argent qu'ils recevoient pour la paix. Mais lorsqu'on ne put plus leur payer des tributs assez forts pour les faire subsister, ils furent forcés de s'établir. (3)

L'empire d'Occident fut le premier abattu : en voici les raisons.

Les barbares, ayant passé le Danube, trouvoient à leur gauche le Bosphore, Constantinople, et toutes les forces de l'empire d'Orient, qui les arrêtoient : cela faisoit qu'ils se tournoient à main droite, du

(1) Les Goths, comme nous l'avons dit, ne cultivoient point la terre. Les Vandales les appeloient Trulles, du nom d'une petite mesure; parce que, dans une famine, ils leur vendirent fort cher une pareille mesure de blé. (Olympiodore, dans la Bibliothèque de Photius, Livre xxx.)

(2) On voit, dans l'Histoire de Priscus, qu'il y avoit des marchés établis par les traités sur les bords du Danube.

(3) Quand les Goths envoyèrent prier Zénon de recevoir dans son alliance Theudéric, fils de Triarius, aux conditions qu'il avoit accordées à Theudéric, fils de Balamer, le sénat consulté répondit que les revenus de l'état n'étoient pas suffisants pour nourrir deux peuples goths, et qu'il falloit choisir l'amitié de l'un des deux. ( Histoire de Malchus, dans l'Extrait des ambassades.)

côté de l'Illyrie, et se poussoient vers l'Occident. II se fit un reflux de nations et un transport de peuples de ce côté-là. Les passages de l'Asie étant mieux gardés, tout refouloit vers l'Europe; au lieu que dans la première invasion, sous Gallus, les forces des barbares se partagèrent.

L'empire ayant été réellement divisé, les empereurs d'Orient, qui avoient des alliances avec les barbares, ne voulurent pas les rompre pour secourir ceux d'Occident. Cette division dans l'administration, dit Priscus (1), fut très- préjudiciable aux affaires d'Occident. Ainsi les Romains d'Orient (2) refusèrent à ceux d'Occident une armée navale, à cause de leur alliance avec les Vandales. Les Wisigoths, ayant fait alliance avec Arcadius, entrèrent en Occident, et Honorius fut obligé de s'enfuir à Ravenne (3). Enfin Zénon, pour se défaire de Théodoric, le persuada d'aller attaquer l'Italie, qu'Alaric avoit déjà ravagée.

Il y avoit une alliance très-étroite entre Attila et Genséric, roi des Vandales (4). Ce dernier craignoit les Goths (5): il avoit marié son fils avec la fille du roi des Goths; et lui ayant ensuite fait couper le nez, il l'avoit renvoyée : il s'unit donc avec Attila. Les deux empires, comme enchaînés par ces deux

[blocks in formation]

(5) Voyez Jornandès, de Rebus geticis, Cap. xxxvI.

« PrécédentContinuer »