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COMPLÈTES

Charles de Secontat, barou de la réde et

DE MONTESQUIEU,

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TENOX LA

NEW YORK.

SUR

LES CAUSES DE LA GRANDEUR

DES ROMAINS

ET DE LEUR DÉCADENCE.

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CHAPITRE I.

1. Commencements de Rome. 2. Ses guerres. Il ne faut pas prendre de la ville de Rome, dans ses commencements, l'idée que nous donnent les villes que nous voyons aujourd'hui, à moins que ce ne soient celles de la Crimée, faites pour renfermer le butin, les bestiaux et les fruits de la campagne. Les noms anciens des principaux lieux de Rome ont tous du rapport à cet usage.

La ville n'avoit pas même de rues, si l'on n'appelle de ce nom la continuation des chemins qui y aboutissoient. Les maisons étoient placées sans ordre, et très-petites; car les hommes, toujours au travail, ou dans la place publique, ne se tenoient guère dans les maisons.

Mais la grandeur de Rome parut bientôt dans ses édifices publics. Les ouvrages qui ont donné, et

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qui donnent encore aujourd'hui la plus haute idée de sa puissance, ont été faits sous les rois (1). On commençoit déjà à bâtir la ville éternelle.

Romulus et ses successeurs furent presque toujours en guerre avec leurs voisins pour avoir des citoyens, des femmes ou des terres : ils revenoient dans la ville avec les dépouilles des peuples vaincus; c'étoient des gerbes de blé et des troupeaux : cela y causoit une grande joie. Voilà l'origine des triomphes qui furent dans la suite la principale cause des grandeurs où cette ville parvint.

Rome accrut beaucoup ses forces par son union avec les Sabins, peuples durs et belliqueux comme les Lacédémoniens, dont ils étoient descendus. Romulus prit leur bouclier, qui étoit large, au lieu du petit bouclier argien dont il s'étoit servi jusqu'alors (2). Et on doit remarquer que ce qui a le plus contribué à rendre les Romains les maîtres du monde, c'est qu'ayant combattu successivement contre tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs.

On pensoit alors dans les républiques d'Italie que les traités qu'elles avoient faits avec un roi ne les obligeoient point envers son successeur; c'étoit pour elles une espèce de droit des gens (3) ainsi tout ce

(1) Voyez l'étonnement de Denys d'Halicarnasse sur les égouts faits par Tarquin. Ant. rom. Lib. 111, page 200, édit. Francofurt., an. 1586. Ils subsistent encore.

(2) Plutarque, Vie de Romulus.

(3) Cela paroit par toute l'histoire des rois de Rome.

qui avoit été soumis par un roi de Rome se prétendoit libre sous un autre, et les guerres naissoient toujours des guerres.

Le règne de Numa, long et pacifique, étoit trèspropre à laisser Rome dans sa médiocrité ; et, si elle eût eu dans ce temps-là un territoire moins borné et une puissance plus grande, il y a apparence que sa fortune eût été fixée pour jamais.

Une des causes de sa prospérité, c'est que ses rois furent tous de grands personnages. On ne trouve point ailleurs, dans les histoires, une suite non interrompue de tels hommes d'état et de tels capitaines.

Dans la naissance des sociétés ce sont les chefs des républiques qui font l'institution; et c'est ensuite l'institution qui forme les chefs des républiques.

Tarquin prit la couronne sans être élu par le sénat ni par le peuple (1). Le pouvoir devenoit héréditaire; il le rendit absolu. Ces deux révolutions furent bientôt suivies d'une troisième.

Son fils Sextus, en violant Lucrèce, fit une chose qui a presque toujours fait chasser les tyrans d'une ville où ils ont commandé : car le peuple, à qui une action pareille fait si bien sentir sa servitude, prend d'abord une résolution extrême.

Un peuple peut aisément souffrir qu'on exige de lui de nouveaux tributs; il ne sait pas s'il ne reti

(1) Le sénat nommoit un magistrat de l'interrègne qui élisoit le roi cette élection devoit être confirmée par le peuple. (Voyez Denys d'Halicarnasse, Liv. II, III et Iv.)

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