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Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées?
Ne fauroit-on ranger ces jougs & ces colliers ?
En regardant à tout il voit une autre tête,
Que celles qu'il voyoit d'ordinaire en ce lieu.
Le cerf eft reconnu : chacun prend un épieu :
Chacun donne un coup à la bête.

Ses larmes ne fauroient le fauver du trépas.
On l'emporte, on le fale, on en fait maint repas.
Dont maint voifin s'éjouit d'être.
Phédre fur ce fujet dit fort élégamment,

Il n'eft pour voir que l'œil du Maître. Quant à moi j'y mettrois encor l'œil de l'Amant.

La Fontaine, Fables.

OFFENSE.

ZATIME à ROXAN E.

BAJAZET, il eft vrai, trop indigne de vivre ;

Aux mains de ces cruels mérite qu'on le livre.
Mais tout ingrat, qu'il eft, croyez-vous aujourd'hui
Qu'Amurat ne foit pas plus à plaindre que lui?
Et qui fait fi déja quelque bouche infidéle,
Ne l'a point averti de votre amour nouvelle ?
Des cœurs comme le fien, vous le favez affez,
Ne fe regagnent plus, quand ils font offenfés;
Et la plus promte mort, dans ce moment févére;
Devient de leur amour la marque la plus chére.

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NICOMEDE à PRUSIA S.

L'OFFENSE une fois faite à ceux de notre rang,
Ne fe répare point que par des flots de fang,
On n'en fut jamais quitte ainfi pour s'en dédire,
Il faut fous les tourmens que l'imposture expire.

Corneille, Nicomede, act, IV. fc. I.

NE'RINE à ME' DE' E.

LES plus ardens tranfports d'une haine connue,
Ne font qu'autant d'éclairs avortés dans la nue,
Qu'autant d'avis à ceux que vous voulez punir,
Pour repouffer vos coups ou pour les prévenir.
Qui peut fans s'émouvoir fupporter une offense,
Peut mieux prendre à fon point le tems de la vengeance.
Et fa feinte douceur fous un appas mortel
Méne infenfiblement sa victime à l'Autel.

Corneille, Medée, act. I. fc. v.

JE

OISIVETE'.

E ne trouve point de fatigue fi rude, Que l'ennuyeux loifir d'un mortel fans étude, Qui jamais ne fortant de fa ftupidité, Soutient dans les langueurs de fon oifiveté, D'une lâche indolence efclave volontaire, Le pénible fardeau de n'avoir rien à faire. Vainement offufqué de fes penfers épais, Loin du trouble & du bruit il croit trouver la paix. Dans le calme odieux de fa fombre pareffe, Tous les honteux plaisirs enfans de la molleffe,

Ufurpant fur fon ame un abfolu pouvoir,
De monftrueux défirs le viennent émouvoir,
Irritent de fes fens la fureur endormie,
Et le font le jouet de leur trifte infamie.
Puis fur leurs pas foudain arrivent les remords:
Et bien-tôt avec eux tous les fléaux du corps.

Reconnois donc, ( 1 ) Antoine, & conclus avec moi,
Que la pauvreté mâle, active & vigilante,
Eft, parmi les travaux, moins laffe & plus contente
Que la richeffe oifive au fein des voluptés.

Defpréaux, Epitre XI. à fon Jardinier.

SACHEZ donc que l'oifiveté
Fait (2) ici notre grande affaire.
Jadis de la Divinité

C'étoit le partage ordinaire,
C'est le vôtre, & vous m'avouerez
Qu'après tant de jours confacrés
A Mars, à la Cour, à Cithere,
Lorfque de tout on a tâté,
Tout fait, ou du moins tout tenté,
Il est bien doux de ne rien faire.
Voltaire, Lettre à M. le Prince de Pendôme.

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APRE's-dîné, l'indolente Glicere

Sort pour fortir, fans avoir rien à faire ;
On a conduit fon infipidité

Au fond d'un char, où montant de côté,

(1) Jardinier de Despréaux.

(2) A Sully, où M. de Voltaire étoit alors.

Son corps preffé gémit fous les barriéres
D'un lourd panier qui paffe aux deux portiéres ;
Chez fon amie au grand trot elle va,
Monte avec joie & s'en repent déja,
L'embraffe, & bâille; & puis lui dit, Madame,
J'apporte ici tout l'ennui de mon ame,
Joignez un peu votre inutilité

A ce fardeau de mon oifiveté.

Voltaire, Epitre à Madame De **.

103

OMBRE.

SE MIRAMIS à ORO E' S.

Vous interprétez les volontés céleftes.

Ces fignes que j'ai vûs me feroient-ils funeftes?
Une ombre, un Dieu peut-être, à mes yeux s'eft montré,
Dans le fein de la terre il eft foudain rentré.
Quel pouvoir a brifé l'éternelle barriére,
Dont le ciel fépara l'enfer & la lumière ?

D'où vient que les humains, malgré l'arrêt du forta
Reviennent à mes yeux du féjour de la mort?

ORO E' s.

Du ciel, quand il le faut, la juftice fuprême
Sufpend l'ordre éternel établi par lui-même :
Il permet à la mort d'interrompre fes loix,
Pour l'effroi de la Terre & l'exemple des Rois.
Voltaire, Sémiram. act. 111. fc. II.

2

DANS une Tour affez fombre
Du Château qu'habita jadis
Le plus léger des beaux efprits,
Un beau foir j'évoquai fon ombre:
Aux Déités des fombres lieux
Je ne fis point de facrîfice,
Comme ces fripons qui des Dieux
Chantoient autrefois le fervice;
Où la forciére PITONISSE,
Dont la grimace & l'artifice
Avoient fait dreffer les cheveux
A ce fot Prince des Hébreux,
Qui crut bonnement que le Diable,
D'un Prédicateur ennuyeux,
Lui montroit le fpe&re effroyable.
Il n'y faut point tant de façon,
Pour une ombre aimable & légére.
C'est bien aflez d'une chanfon,
Et c'eft tout ce que je puis faire.
Je lui dis fur mon violon:
Eh! de grace, Monfieur Chapelle,
Quittez le manoir de Pluton,
Pour cet enfant qui vous appelle;
Mais non,
fur la voûte éternelle
Les Dieux vous ont reçû, dit-on,
Et vous ont mis entre Apollon
Et le fils joufflu de Semele.
Du haut de ce divin canton
Defcendez aimable Chapelle.
Cette familiére oraison,
Dans la demeure fortunée,
Reçut quelque approbation;
Car enfin quoique mal tournée
Elle étoit faite en votre nom.
Chapelle vint. A fon approche
Je fentis un transport foudain;
Car il avoit fa lyre en main,

* L'Abbé de Chaulieu,

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