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Et fon Gaffendi dans fa poche;
Il s'appuyoit fur Bachaumon,
Qui lui fervit de compagnon
Dans le récit de ce voyage,
Qui, du plus charmant badinage
Fût la plus charmante leçon.

Voltaire, Epîtr. à M. l'Abbé de Chaulieu.

IL

OPERA,

L faut fe rendre à ce Palais magique,
Où les beaux Vers, la Danfe la Mufique,
L'Art de tromper les yeux par les couleurs,
L'Art plus heureux de féduire les cœurs,
De cent plaisirs font un plaifir unique.

Voltaire.

C'EST

OPINIO N.

'EST fouvent du hafard que naît l'opinion, Et c'eft l'opinion qui fait toujours la vogue. Je pourrois fonder ce prologue

Sur gens de tous états: tout eft prévention
Cabale, entêtement, point ou peu de juftice.
C'eft un torrent: qu'y faire ? il faut qu'il ait son cours¿
Cela fût & fera toujours.

Une femme à Paris faifoit la Pythonisse.
On l'alloit confulter fur chaque événement:
Perdoit-on un chifon, avoit-on un amant,
Un mari vivant trop au gré de fon épouse,
Une mere fâcheufe, une femme jaloufe,
Chez la Devineufe on couroit,

Pour fe faire annoncer ce que l'on défiroit.
Son fait confiftoit en adreffe :

Quelques termes de l'art, beaucoup de hardieffe,
Du hafard quelquefois, tout cela concouroit:
Tout cela, bien fouvent, faifoit crier miracle.
Enfin, quoiqu'ignorante à vingt & trois karats,
Elle palloit pour un Oracle.

L'Oracle étoit logé dedans un galetas.

Là, cette femme emplit fa bourfe;
Et, fans avoir d'autre reffource,
Gagne de quoi donner un rang à fon mari:
Elle achette un Office, une Maison auffi.
Voilà le galetas rempli

D'une nouvelle Hôteffe, à qui toute la Ville;
Femmes, Filles, Valets, gros Meffieurs, tout enfin
Alloit comme autrefois demander fon deftin:
Le galetas devint l'antre de la Sibylle.

L'autre femelle avoit acha'andé ce lieu,

Cette derniére femme eut beau faire, eut beau dire,
Moi Devine! on fe moque: Eh, Meffieurs, fais-je lire?
Je n'ai jamais appris que ma Croix de Pardieu.
Point de raifon fallut deviner & prédire,

Mettre à part force bons Ducats,

Et gagner, malgré foi, plus que deux Avocats.
Le meuble & l'équipage aidoient fort à la chofe:
Quatre fiéges boiteux, un manche de balai,
Tout fentoit fon fabbat, & fa métamorphofe.
Quand cette femme auroit dit vrai,
Dans une chambre tapiflée

On s'en feroit moqué: la vogue étoit paffée,
Au galetas, if avoit le crédit.

L'autre femme fe morfondit.
L'Enfeigne fait la chalandife.

J'ai vu dans le Palais une Robe mal mife
Gagner gros: les gens l'avoient prife
Pour Maître tel, qui traînoit après foi
Force Ecoutans: demandez-moi pourquoi

La Fontaine, Fable des Devinereffes.

СЕТ

O R.

ET or qu'on entaffoit, ce pur fang des Etats, Qui leur donne la mort en ne circulant pas, Répandu par fes mains au gré de fa prudence, Va ranimer la vie & porter l'abondance.

Voltaire, Epitr. an Roi de Pruffe.

L'AVARICE perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux pour le témoigner,

Que celui dont la poule, à ce que dit la Fable,
Pondoit tous les jours un œuf d'or.
Il crut que dans fon corps elle avoit un trésor.
Il la tua, l'ouvrit, & la trouva femblable
A celles dont les œufs ne lui rapportoient rien;
S'étant lui-même ôté le plus beau de fon bien.
Belle leçon pour les gens chiches!
Pendant ces derniers tems combien en a-t-on vûsj
Qui du foir au matin font pauvres devenus,
Pour vouloir trop tôt être riches?
La Fontaine, Fable de la poule aux œufs d'or.

.A

ORACLE.

TYDEE à ANTENOR.

PPREND des malheurs qui te feront frémir, Des malheurs dont Tydée à jamais doit gémir. Entraîné, malgré moi, dans ce Palais funefte, Par un défir fecret de voir la fœur d'Orefte,

Le Roi de Pruffe.

Hier avant la nuit j'arrive dans ces lieux;
La fuperbe Mycene offre un temple à mes yeux.
Je cours y confulter le Dieu qu'on y révere
Sur mon fort, fur celui d'Orefte & de mon pere:
Mais à peine aux Autels je me fus prosterné,
Qu'à mon abord fatal tout parut confterné,
Le Temple retentit d'un funébre murmure:
(Je ne fuis cependant meurtrier ni parjure).
J'embraffe les Autels rempli d'un faint refpe&t.
Le Prêtre épouvanté recule à mon aspect,
Et fourd à mes fouhaits refuse de répondre.
Sous fes pieds & les miens tout femble fe confondre;
L'Autel tremble, le Dieu fe voile à nos regards,
Et de pâles éclairs s'arme de toutes parts.
L'antre ne nous répond qu'à grands coups de tonnerre,
Que le ciel en courroux fait gronder fous la terre.
Je l'avoue, Antenor, je fentis la frayeur
Pour la premiére fois s'emparer de mon cœur.
A tant d'horreurs enfin fuccéde un long filence;
Du Dieu qui fe voiloit j'implore l'affiftance :
Ecoute-moi, grand Dieu, fois fenfible à mes cris;
D'un ami malheureux, d'un plus malheureux fils
Dieu puissant, m'écriai-je, exauce la priére,
Daigne fur ce qu'il craint lui prêter ta lumiére.
Alors parmi les pleurs & parmi les fanglots,
Une lugubre voix fit entendre ces mots :
Ceffe de me preffer fur le deftin d'Orefte,
Pour en être éclairci tu m'implores en vain ;
Jamais deftin ne fut plus trifte & plus funefte:
Redoute pour toi-même un femblable deftin,
Appaife cependant les manes de ton pere:
Ton bras feul doit venger ce Héros malheureux,
D'une main qui lui fut bien fatale & bien chere:
Mais crains en le vengeant le fort le plus affreux.
Crebillon, Electr. act. 11. fc. Ig

UN Payen qui fentoit quelque peu le fagot,
Et qui croyoit en Dieu, pour user de ce mot,
Par bénéfice d'inventaire,
Alla confulter Apollon.

Dès qu'il fut en fon fanctuaire,

Ce que je tiens, dit-il, eft-il en vie, ou non?
Il tenoit un moineau, dit-on,
Prêt d'étouffer la pauvre bête,
Ou de la lâcher auffi-tôt,

Pour mettre Apollon en défaut.

Apollon reconnut ce qu'il avoit en tête.
Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau
Et ne me tends plus de panneau
Tu te trouverois mal d'un pareil ftratagême.
Je vois de loin, j'atteins de même.

La Fontaine, Fable de l'Oracle & l'Impie.

BEAUCOU

ORAISONS.

EAUCOUP de gens ont une ferme foi
Pour les Brevets, Oraifons & Paroles :
Je me ris d'eux ; & je tiens quand à moi,
Que tous tels forts font recettes frivoles.
Frivoles font, c'eft fans difficulté

Bien eft-il vrai qu'auprès d'une beauté
Paroles ont des vertus non pareilles ;
Paroles font en amour des merveilles :
Tout cœur fe laiffe à ce charme amollir.

La Fontaine, Contes

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