Images de page
PDF
ePub

Vous n'avez plus befoin d'excufe ni de défenfe,
Ma tendreffe pour vous vous tient lieu d'innocence.
En eft-ce aflez, ô ciel! en eft-ce affez, amour!
C'est moi qui vous implore & qui tremble à mon tour.
Serez-vous aujourd'hui la feule inexorable ?
Quand j'ai tout pardonné, ferai-je encor coupable?
Mariamne, ceffons de nous perfécuter;

Nos cœurs ne font-ils faits que pour se détefter?
Nous faudra-t-il toujours redouter l'un & l'autre ?
Finiflons à la fin ma douleur & la vôtre.

Commençons fur nous-même à régner en ce jour :' Rendez-moi votre main ; rendez-moi votre amour.

MARIAM NE.

Vous demandez ma main! jufte ciel que j'implore Vous favez de quel fang la fienne fume encore!

HEROD E.

Eh bien, j'ai fait périr & ton Pere & mon Roi,
J'ai répandu fon fang pour régner avec toi.
Ta haine en eft le prix; ta haine eft légitime:
Jc n'en murmure point, je connois tout mon crime.
Que dis-je, fon trépas, l'affront fait à tes fils
Sont les moindres forfaits que mon cœur ait commis
Hérode a jufqu'à toi porté fa barbarie;
Durant quelques momens je t'ai même haïe:
J'ai fait plus; ma fureur a pû te foupçonner
Et l'effort des vertus eft de me pardonner.
D'un trait fi généreux ton cœur feul eft capable.
Plus Hérode à tes yeux doit paroître coupable,
Plus ta grandeur éclate à refpecter en moi
Ces nœuds infortunés qui m'uniffent à toi.

[ocr errors]

Voltaire, Mariamn. act. IV. fc. I va

GUSMAN à ZA MORE.

DES Dieux que nous fervons, connois la différence :Les tiens t'ont commandé le meurtre & la vengeance; Et le mien, quand ton bras vient de m'affaffiner, M'ordonne de te plaindre & de te pardonner.

Voltaire, Alzir. act. V. fc. dern.

PARFAIT HY MÉN.

ОТЕ

TEZ d'entre les hommes

La fimple foi, le meilleur eft ôté.

Nous nous jettons, pauvres gens que nous fommes à Dans les procès, en prenant le revers.

[ocr errors]

Les fi, les car les contrats font la porte
Par où la noife entra dans l'univers :
N'efpérons pas que jamais elle en forte.
Solemnités & loix n'empêchent pas,
Qu'avec l'hymen l'amour n'ait des débats :
C'eft le cœur feul qui peut rendre tranquille,
Le cœur fait tout, le refte eft inutile.
Qu'ainfi ne foit, voyons d'autres états.
Chez les amis rout s'excufe tout paffe;
Chez les amans tout plaît, tout eft parfait:
Chez les époux tout ennuie & tout laffe.
Le devoir nuit, chacun eft ainfi fait.
Mais, dira-t-on, n'eft-il en nulles guifes
D'heureux ménage? après mûr examen
J'appelle un bon, voire un parfait hymen,
Quand les conjoints fe fouffrent leurs fottifes.
La Fontaine, Belphegara

[ocr errors]

DANS

PARLEMENT.

* ces jours de tumulte & de fédition, Thémis réfiftoit feule à la contagion ;

La foif de s'aggrandir, la crainte, l'espérance,
Rien n'avoit dans fes mains fait pancher fa balance;
Son temple étoit fans tache, & la fimple équité
Auprès d'elle fuyant cherchoit fa sûreté.

Il eft dans ce faint Temple un Sénat vénérable,
Propice à l'innocence, au crime redoutable
Qui des loix de fon Prince & l'organe & l'appui,
Marche d'un pas égal entre fon peuple & lui;
Dans l'équité des Rois fa jufte confiance,
Souvent porte à leurs pieds les plaintes de la France.
Le feul bien de l'Etat fait fon ambition,
Il hait la tyrannie & la rebellion;

Toujours plein de refpect, toujours plein de courage,
De la foumiffion diftingue l'esclavage;

Et pour nos Libertés toujours promt à s'armer,
Connoît Rome, l'honore, & la fait réprimer.
Voltaire, Henri. ch. IV.

PARTAGE DE LOUANGES IMPOSSIBLE

V

OUS vous aimez en fours: cependant j'ai raison
D'éviter la comparaison.

L'or fe peut partager, mais non pas la louange.
Le plus grand Orateur, quand ce feroit un Ange,
Ne contenteroit pas en femblables deffeins
Deux Belles, deux Héros, deux Auteurs, ni deux Saints;
La Fontaine, Euvr. diverf.

[ocr errors]

*Le tems de la Ligue.

PASSAGE DU RHIN.

AU U pied du mont Adulle, entre mille roseaux,

Le Rhin tranquille & fier du progrès de fes eaux,
Appuyé d'une main fur fon urne penchante,
Dormoit au bruit flatteur de fon onde naiffante,
Lorfqu'un cri tout-à-coup fuivi de mille cris,
Vient d'un calme fi doux retirer fes efprits.
11 fe trouble, il regarde, & par-tout fur ses rives
Il voit fuir à grands pas fes Nayades craintives,
Qui toutes accourant vers leur humide Roi,
Par un récit affreux redoublent fon effroi.
Il apprend qu'un Héros conduit par la victoire,
A de fes bords fameux flétri l'antique gloire;
Que Rhimberg & Vesel, terraffés en deux jours,
D'un joug déja prochain menacent tout fon cours.
Nous l'avons vu, dit l'une, affronter la tempête
De cent foudres d'airain tournés contre fa tête.
Il marche vers Tholus, & tes flots en courroux,
Au prix de fa fureur font tranquilles & doux.
Il a de Jupiter la taille & le vifage;

que

Et depuis ce Romain dont l'infolent paffage,
Sur un pont en deux jours trompa tous tes efforts,
Jamais rien de fi grand ne parut fur tes bords.
Le Rhin tremble & frémit à ces triftes nouvelles ;
Le feu fort à travers fes humides prunelles.
C'est donc trop peu, dit-il, l'Efcaut en deux mois
'Ait appris à couler fous de nouvelles loix;
Et de mille remparts mon onde environnée
De ces fleuves fans nom fuivra la deftinée !
Ah! périffent mes eaux, où par d'illuftres coups,
Montrons qui doit céder des mortels ou de nous.
A ces mots effuyant sa barbe limoneuse,
Il prend d'un vieux guerrier la figure poudreuse.
Son front cicatrifé rend fon air furieux

[ocr errors]

Et l'ardeur du combat étincelle en fes yeux.
En ce moment il part, & couvert d'une nue,
Du fameux Fort de Skink prend la route connue.
Là contemplant fon cours il voit de toutes parts,
Ses pâles défenfeurs par la frayeur épars.

[ocr errors]
[ocr errors]

Il voit cent bataillons, qui loin de fe défendre,
Attendent fur des murs l'ennemi pour se rendre.
Confus, il les aborde, & renforçant fa voix :
Grands arbitres, dit-il, des querelles des Rois,
Eft-ce ainfi que votre ame aux périls aguerrie,
Soutient fur ces remparts l'honneur & la patrie ?
Votre ennemi fuperbe, en cet inftant fameux
Du Rhin, près de Tholus, fend les flots écumeux.
Du moins en vous montrant fur la rive oppofée
N'oferiez-vous faifir une victoire aifée ?
Allez, vils combattans, inutiles foldats,
Laiffez-là ces moufquets trop péfans pour vos bras:
Et la faux à la main parmi vos marécages
Allez couper vos joncs, & preffer vos laitages;
Ou gardant les feuls bords qui vous peuvent couvrir,
Avec moi de ce pas, venez vaincre ou mourir.
Ce difcours d'un guerrier que la colére enflamme,
Reffufcite l'honneur déja mort en leur ame
Et leurs cœurs s'allumant d'un refte de chaleur,
La honte fait en eux l'effet de la valeur.

[ocr errors]

Ils marchent droit au fleuve, où LOUIS en perfonne
Déja prêt à paffer, inftruit, difpofe, ordonne.
Par fon ordre Gramont le premier dans les flots,
S'avance, foutenu des regards du Héros.
Son courfier écumant fous un Maître intrépide,
Nâge tout orgueilleux de la main qui le guide.
Revel le fuit de près: fous ce Chef redouté
Marche des Cuiraffiers l'efcadron indomté.
Mais déja devant eux une chaleur guerriere,
Emporte loin du bord le bouillant Lefdiguiere,
Vivonne, Nantouillet, & Coeflin, & Salart:
Chacun d'eux au péril veut la premiére part.

« PrécédentContinuer »