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Vendôme qui foutient l'orgueil de fa naiffance,
Au même inftant dans l'onde impatient s'élance,
La Salle, Beringhen, Nogent, d'Ambre, Cavois,
Fendent les flots tremblans fous un fi noble poids.
LOUIS les animant du feu de fon courage,
Se plaint de fa grandeur qui l'attache au rivage.
Par fes foins cependant trente légers vaiffeaux,
D'un trenchant aviron déja coupent les eaux.
Cent guerriers s'y jettant fignalent leur audace.
Le Rhin les voit d'un œil qui porte la menace.
Il s'avance en courroux. Le plomb vole à l'inftant,
Et pleut de toutes parts fur l'efcadron flottant,.
Du falpêtre en furcur l'air s'échauffe & s'allume;
Et des coups redoublés tout le rivage fume.
Déja du plomb mortel plus d'un brave eft atteint.
Sous les fougueux courfiers l'onde s'écume & fe plaint,
De tant de coups affreux la tempête orageufe
Tient un tems fur les eaux la fortune douteufe.
Mais LOUIS d'un regard fait bien-tôt la fixer.
Le deftin à fes yeux n'oferoit balancer.

Bien-tôt avec Gramont courent Mars & Bellonne.
Le Rhin à leur afpe&t d'épouvante friffonne,

Quand pour nouvelle allarme à fes efprits glacés.
Un bruit s'épand qu'Enguien & Condé font paflés :
Condé dont le feul nom fait trembler les murailles,
Force les efcadrons & gagne les batailles :
Enguien de fon hymen le feul & digne fruit,
Par lui dès fon enfance à la victoire inftruit.
L'ennemi renverfé fuit & gagne la plaine,
Le Dieu lui même céde au torrent qui l'entraîne ;
Et feul, défefpéré, pleurant fes vains efforts
Abandonne à LOUIS la victoire & fes bords.

Defpréaux, Epitre au Roi.

PASSION.

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Depuis un moment, mais pour toute ma vie. J'aime, que dis-je aimer j'idolâtre Junie.

NARCISSE.

Vous l'aimez.

NERO N.

Excité d'un défir curieux,

Cette nuit je l'ai vûe arriver en ces lieux,

Trifte, levant au ciel fes yeux mouillés de larmes,
Qui brilloient au travers des flambeaux & des armes,
Belle, fans ornement, dans le fimple appareil.
D'une beauté qu'on vient d'arracher au fommeil.
Que veux-tu ? je ne fais fi cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris & le filence
Et le farouche aspect de fes fiers ravifleurs,
Relevoient de fes yeux les timides douceurs.
Quoiqu'il en foit, ravi d'une si belle vûe,
J'ai voulu lui parler, & ma voix s'eft perdue;
Immobile, faifi d'un long étonnement,
Je l'ai laiffé paffer dans fon appartement.
J'ai paffé dans le mien. C'eft-là que folitaire,
De fon image en vain j'ai voulu me diftraire.
Trop préfente à mes yeux je croyois lui parler.
J'aimois jufqu'à fes pleurs que je faifois couler.
Quelquefois, mais trop tard, je lui demandois grace,
J'employois les foupirs, & même la menace.
Tome II.
F

Voilà comme occupé de mon nouvel amour,
Mes yeux fans fe fermer ont attendu le jour.
Racine, Britann. act. 11. fc. 11.

J'AIME.

PASSION VIOLENT E.

PHE'DRE à ŒNONE.

'AIME.... A ce nom fatal je tremble, je friffonne,

J'aime...

NONE.

Qui ?

PHE'D R E.

Tu connois ce fils de l'Amazone

Ce Prince fi long-tems par moi-même opprimé.

NONE.

Hippolyte grands Dieux- !

PHE'D RE.

C'est toi qui l'as nommé.

NONE.

Jufte ciel! tout mon fang dans mes veines fe glace.
O défefpoir! ô crime ! ô déplorable race!
Voyage infortuné ! rivage malheureux,
Falloit-il approcher de tes bords dangereux ?

PHEDRE.

Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Egée, Sous les loix de l'hymen je m'étois engagée,

Mon repos, mon bonheur fembloit être affermi,
Athenes me montra mon fuperbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vûe,
Un trouble s'éleva dans mon ame éperdue.
Mes yeux ne voyoient plus, je ne pouvois parler,
Je fentis tout mon corps & tranfir & bruler.
Je reconnus Vénus & fes feux redoutables,
D'un fang qu'elle pourfuit tourmens inévitables:
Par des vœux affidus je crus les détourner,
Je lui bâtis un Temple & pris foin de l'orner.
De victimes moi-même, à toute heure entourée,
Je cherchois dans leurs flancs ma raison égarée,
D'un incurable amour remédes impuifians!
En vain fur les Autels ma main bruloit l'encens.
Quand ma bouche imploroit le nom de la Déeffe,
J'adorois Hippolyte, & le voyant fans ceffe,
Même aux pieds des Autels que je faifois fumer,
J'offrois tout à ce Dieu que je n'ofois nommer.
Je l'évitois par-tout. O comble de mifere !
Mes yeux le retrouvoient dans les yeux de fon pere.
Contre moi-même enfin j'ofai me révolter,
J'excitai mon courage à le perfécuter.
Pour bannir l'ennemi dont j'étois idolâtre,
J'affe&tai les chagrins d'une injuste marâtre,
Je preffai fon exil; & mes cris éternels
L'arrachérent du fein, & des bras paternels.
Je refpirois, none; & depuis fon abfence,
Mes jours moins agités couloient dans l'innocence.
Soumise à mon époux, & cachant mes ennuis,
De fon fatal hymen je cultivois les fruits.
Vaines précautions cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézene amenée,
J'ai revû l'ennemi que j'avois éloigné.
Ma bleffure trop vive auffi tôt a faigné.

Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée;
C'eft Vénus toute entiére à fa proie attachée.
J'ai conçu pour mon crime une jufte terreur,
J'ai pris ma vie en haine, & ma flamme en horreur.

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Je voulois en mourant prendre foin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme fi noire.
Je n'ai pû foutenir tes larmes tes combats.
Je t'ai tout avoué, je ne m'en repens pas,
Pourvû que de ma mort refpectant les approches;
Tu ne m'affliges plus par d'injuftes reproches ;
Et que tes vains difcours ceffent de rappeller
Un refte de chaleur, tout prêt à s'exhaler.

Racine, Phédr. act. 1. fc. III.

PHE'DRE à HIPPOLYTE.

HE' bien, connois donc Phédre & toute fa fureur.
J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,
Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raifon,
Ma lâche complaifance ait nourri le poifon.
Objet infortuné des vengeances céleftes

Je m'abhorre encor plus que tu ne me déteftes.
Les Dieux m'en font témoins, ces Dieux qui dans mon
flane

Ont allumé le feu fatal à tout mon fang;
Ces Dieux qui fe font fait une gloire cruelle,
De féduire le cœur d'une foible mortelle.
Toi-même en ton efprit rappelle le paflé.
C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chaffé.
J'ai voulu te paroître odieufe, inhumaine
Pour mieux te réfifter, j'ai recherché ta haine.
De quoi m'ont profité mes inutiles foins?
Tu me haiffois plus, je ne t'aimois pas moins.
Tes malheurs te prêtoient encor de nouveaux charmes.
J'ai langui, j'ai féché, dans les feux, dans les larmes.
Il fuffit de tes yeux pour t'en perfuader,
Si tes yeux un moment pouvoient me regarder.
Que dis je? cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu fi honteux le crois-tu volontaire ?

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