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Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je penfe,
Qu'il eft bon que chacun s'accuse ainfi que moi:
Car on doit fouhaiter, felon toute juftice,
Que le plus coupable périfle.

Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi;
Vos fcrupules font voir trop de délicateffe ;
Et bien, manger moutons, canaille, fotte espéce,
Eft-ce un péché? non, non : vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant beaucoup d'honneur.

Et quand au Berger l'on peut dire,
Qu'il étoit digne de tous maux,
Etant de ces gens-là, qui, fur les animaux
Se font un chimérique empire.

Ainfi, dit le Renard, & flatteurs d'applaudir.
On n'ofa trop approfondir

Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres Puissances
Les moins pardonnables offenfes.

Tous les gens querelleurs, jufqu'aux simples mâtins
Au dire de chacun étoient de petits faints.
L'Ane vint à fon tour, & dit: J'ai fouvenance
Qu'en un pré de Moines paffant,

La faim, l'occafion, l'herbe tendre, & je penfe,
Quelque Diable auffi me pouffant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avois nul droit, puifqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro fur le Baudet.

Un Loup quelque peu Clerc, prouva par sa harangue
Qu'il falloit dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable!
Rien que la mort n'étoit capable

D'expier fon forfait: on le lui fit bien voir.
Selon que vous ferez puiffant ou miférable,
Les Jugemens de Cour vous rendront blanc ou noir.
La Fontaine, Fable des animaux malades de la peftes.

PEUPLE.

CEs (1) Chefs ambitieux d'un peuple trop crédule,

Couvrant leurs intérêts de l'intérêt des cieux,
Ont conduit dans le piége un peuple furieux;
Ont armé contre moi fa piété cruelle.

J'ai (2) vû nos citoyens s'égorger avec zéle,
Et la flamme à la main courir dans les combats,
Pour de vains argumens qu'ils ne comprenoient pas.
Vous connoiffez le peuple & favez ce qu'il ofe,
Quand du ciel outragé penfant venger la caufe,
Les yeux ceints du bandeau de la Religion,
Il a rompu le frein de la foumiffion.

Voltaire, Henri. ch. II.

AGAMEMNON à IPHIGENIE.

NE vous affurez point fur ma foible puiffance. Quel frein pourroit d'un peuple arrêter la licence, Quand les Dieux nous livrant à fon zéle indifcret, L'affranchiffent d'un joug qu'il portoit à regret ?

Racine, Iphig. act. IV. fc. IV.

炒菜

CINNA à AUGUSTE.

.. QUAND le peuple eft maître, on n'agit qu'en tumulte.

La voix de la raison jamais ne fe confulte,
Les honneurs font vendus aux plus ambitieux,
L'autorité livrée aux plus féditieux.

Corneille, Cinna, act. 11. fc. I.

(1) François, Duc de Guife, & le Cardinal fon frere, (2) Henri IV, parle à la Reine Elifabeth.

ATHALIE à ABNER.

Je ne veux point ici rappeller le paffé,
Ni vous rendre raifon du fang que j'ai verfé.
Ce que j'ai fait, Abner, j'ai crû le devoir faire.
Je ne prens point pour juge un peuple téméraire.
Quoique fon infolence ait ofé publier,

Le ciel même a pris foin de me justifier.
Sur d'éclatans fuccès ma puissance établie,
A fait jufqu'aux deux mers refpe&ter Athalie.
Par moi Jerufalem goûte un calme profond.
Le Jourdain ne voit plus l'Arabe vagabond,
Ni l'altier Philiftin par d'éternels ravages,
Comme au tems de vos Rois, défoler fes rivages.
Le Syrien me traite & de Reine & de Sœur.
Enfin de ma maifon le perfide opprefleur,
Qui devoit jufqu'à moi pouffer fa barbarie,
Jehu, le fier Jehu tremble dans Samarie.

Racine, Athal. act. II. fc. V.

NEOPTOLEME à ERICIE.

UN crime néceffaire eft pour nous une loi.
Voulez-vous qu'écoutant un difcours téméraire,
J'aflerviffe le fceptre aux erreurs du vulgaire ?
Heureux qu'à notre égard fon imbécillité
Nous affure du moins de fa docilité.

A tout ce qui nous plaît c'eft à lui de foufcrire,
Dès que fans le troubler il nous laiffe l'Empire,
Laiffons-lui des difcours dont il eft fi jaloux ;
Ce qui fait fes vertus feroit vice pour nous.
Le peuple, en ce qui flatte ou choque fa manie,
Trouve de la justice ou de la tyrannie.

Nous ne nous réglons point au gré de ses erreurs.
Les Dieux ont leur juftice, & le Trône a fes mœurs.
Crébillon, Pyrrh. act. 11. fc. I.

POLIFONTE à EROX.

J'AI besoin d'un hymen utile à ma grandeur,
Qui détourne de moi le nom d'ufurpateur;
Qui fixe enfin les vœux de ce peuple infidéle ;
Qui m'apporte pour dot l'amour qu'on a pour elle.
Je lis au fond des cœurs; à peine ils font à moi.
Echauffés par l'efpoir, ou glacés par l'effroi,
L'intérêt me les donne, il les ravit de même.
Toi, dont le fort dépend de ma grandeur fuprême,
Appui de mes projets, par tes foins dirigés,
Erox, va réunir les efprits partagés ;
Que l'avare en fecret te vende fon fuffrage;
Affure au courtifan ma faveur en partage;
Du lâche qui balance échauffe les efprits;
Promets, donne, conjure, intimide, éblouis,
Ce fer, aux pieds du Trône, en vain m'a sû conduire.
C'eft encor peu de vaincre, il faut favoir féduire,
Flatter l'hydre du peuple, au frein l'accoutumer,
Et pouffer l'art enfin jufqu'à m'en faire aimer,

Voltaire, Mérop. act. 1. fc. IV.

VOTR

PHILOSOPHES.

OTRE fageffe, ô divine Pallas,

Ne doit point être où l'équité n'est pas :
Chez les humains cherchez d'autres afiles,

Et dans des lieux plus nobles, plus tranquilles,
Allez trouver ces fages épurés

* Mérope.

De vos rayons par l'étude éclairés
Qui dans le fein de la Philofophie',
A vous chercher ont confumé leur vie :
Mortels divins qui n'afpirant qu'à vous,
Méritent feuls vos regards les plus doux.
Minerve y court; mais
ô foin inutile ;

De fes vapeurs, la chimére fubtile,
Reine abfolue avoit déja furpris

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Ces vains mortels d'illufions nourris
Qui fur la foi de leurs foibles fyftêmes
Connoiffant tout fans fe connoître eux-mêmes,
Cherchent hors d'eux, privés des vrais fecours,
La vérité qui les fuira toujours.

Rousseau, Minerv. Allég.

A quoi vous fert tant d'audace,
Qu'à nourrir le fol orgueil
Où votre béatitude

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Trouva fon premier écueil ?
Grands hommes, fages célébres,
Vos éclairs dans les ténébres
Ne font que vous égarer.
Dieu feul connoît fes ouvrages.
L'homme entouré de nuages
N'eft fait que pour l'honorer.

Curiofité funefte

C'eft ton attrait criminel,
Qui, du Royaume célefte,
Chaffa le premier mortel.
Non content de fon effence,
Et d'avoir en fa puiffance
Tout ce qu'il pouvoit avoir;
L'ingrat voulut, Dieu lui-même,
Partager du Dieu fuprême
La fience & le pouvoir.

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