A ces hautes espérances Du changement de fon fort, Succédérent les fouffrances, L'aveuglement & la mort.
PHILOSOPHIE.
LE charme tout puiffant de la Philofophie,
Eleve un efprit fage au deffus de l'envie.
Tranquille au haut des cieux que Newton s'eft foumis, I ignore en effet s'il a des ennemis.
Voltaire, Epitre à Madame la Marquise du Châtelet.
U * le vois tous les jours devant toi profterné, Humilier ce front de fplendeur couronné ; Et, confondant l'orgueil par d'auguftes exemples, Baifer avec refpe&t le pavé de tes Temples. De ta gloire animé, lui feul de tant de Rois S'arme pour ta querelle, & combat pour tes droits. Le perfide intérêt, l'aveugle jaloufie, S'uniffent contre toi pour l'affreufe héréfie. La Difcorde en fureur frémit de toutes parts. Tout femble abandonner tes facrés étendarts, Et l'Enfer couvrant tout de fes vapeurs funébres, Sur les yeux les plus faints a jetté fes ténébres. Lui feul invariable, & fondé fur la foi, Ne cherche, ne regarde, & n'écoute que toi;
* La piété personnifiée, parle à Dieu. Tome II.
Et bravant du démon l'impuiffant artifice, De la Religion foutient tout l'édifice.
Racine, Prolog. d'Efth.
PYRRHUS à ORESTE.
LA Grece en ma faveur est trop inquiétée.
De foins plus importans je l'ai crûe agitée, Seigneur, & fur le nom de fon Ambaffadeur J'avois, dans fes projets, conçu plus de grandeur. Qui croiroit, en effet, qu'une telle entreprise Du fils d'Agamemnon méritât l'entremife; Qu'un peuple tout entier tant de fois triomphant, N'eût daigné confpirer que la mort d'un enfant : Mais à qui prétend-t-on que je le facrifie ? La Grece a t-elle encor quelque droit fur fa vie? Et, feul de tous les Grecs, ne m'eft-il pas permis D'ordonner d'un captif que le fort m'a foumis? Oui, Seigneur, lorfqu'au pied des murs fumans deTroye, Les vainqueurs tout fanglans partagérent leur proie; Le fort, dont les arrêts furent alors fuivis, Fit tomber en mes mains Andromaque & fon fils. Hécube, près d'Ulyffe, acheva fa mifere, Caffandre, dans Argos a fuivi votre pere. Sur eux, fur leurs captifs, ais-je étendu mes droits! Ais-je enfin difpofé du fruit de leurs exploits? On craint, qu'avec Hector, Troye, un jour ne renaisse, Son fils peut me ravir le jour que je lui laiffe. Seigneur, tant de prudence entraîne trop de foin, Je ne fais point prévoir les malheurs de fi loin. Je fonge quelle étoit autrefois cette Ville Si fuperbe en remparts, en Héros fi fertile Maîtreffe de l'Afie; & je regarde enfin,
Quel fût le fort de Troye, & quel eft fon deftin. Je ne vois que des tours, que la cendre a couvertes Un fleuve teint de fang, des campagnes défertes, Un enfant dans les fers; & je ne puis fonger, Que Troye en cet état afpire à fe venger. Ah! fi du fils d'Hector la perte étoit jurée, Pourquoi d'un an entier l'avons-nous différée ? Dans le fein de Priam n'a t-on pû l'immoler? Sous tant de morts, fous Troye, il falloit l'accabler, Tout étoit jufte alors. La vieilleffe & l'enfance, En vain, sur leur foibleffe, appuyoient leur défense. La victoire & la nuit, plus cruelles que nous, Nous excitoient au meurtre, & confondoient nos coups: Mon courroux aux vaincus ne fut que trop févére. Mais que ma cruauté furvive à ma co'ére; Que malgré la pitié dont je me fens faifir, Dans le fang d'un enfant je me baigne à loifir? Non, Seigneur, que les Grecs cherchent quelque au- tre proie,
Qu'ils pouríuivent ailleurs ce qui refte de Troye ? De mes inimitiés le cours eft achevé, L'Epire fauvera ce que Troye a sauvé.
Racine, Andromaq, act. I. fc. II.
H bien, Céfar, eh bien! toi de qui la fortune Dès le tems de Sylla me fut toujours commune, Toi, dont j'ai préfagé les éclatans deftins Toi, né pour être un jour le premier des Romains, N'es-tu donc aujourd'hui que le premier efclave Du fameux Plébéien qui t'irrite & te brave? Tu le hais, je le fais; & ton œil pénétrant
Voit pour s'en affranchir ce que Rome entreprend, Et tu balancerois & ton ardent courage Craindroit à nous aider de fortir d'efclavage? Des deftins de la terre il s'agit aujourd'hui, Et Céfar fouffriroit qu'on les changeât fans lui? Quoi, n'es tu plus jaloux du nom du grand Pompée ? Ta haine pour Caton s'eft-elle diffipée ? N'es-tu pas indigné de fervir les autels, Quand Cicéron préfide au deftin des mortels? Quand l'obfcur habitant des rives du Fibrene Siége au deffus de toi fur la pourpre Romaine? Souffriras-tu long-tems tous ces Rois faftueux, Cet heureux Lucullus, brigand voluptueux, Fatigué de fa gloire, énervé de molleffe? Un Craffus étonné de fa propre richeffe Dont l'opulence avide ofant nous infulter Afferviroit l'Etat s'il daignoit l'acheter? Ah, de quelque côté que tu jettes la vâe, Vois Rome turbulente ou Rome corrompue, Vois ces lâches vainqueurs en proie aux factions Difputer, dévorer le fang des Nations. Le monde entier t'appelle & tu reftes paisible: Veux-tu laiffer languir ce courage invincible? De Rome qui te parle as-tu quelque pitié ? Céfar eft-il fidéle à ma tendre amitié ?
Voltaire, Rom, fauv. act. 11. fc. 111.
Je vois mes honneurs croître & tomber mon crédit. Non, non, le tems n'eft plus que Néron, jeune encore, Me renvoyoit les vœux d'une Cour qui l'adore Lorfqu'il fe repofoit fur moi de tout l'Etat, Que mon ordre au Palais aflembloit le Sénat ; Et que derriére un voile invifible, & préfente, J'étois de ce grand corps l'ame toute puiffante.
Des volontés de Rome alors mal assuré, Néron de fa grandeur n'étoit point enivré. Ce jour, ce trifte jour frappe encor må mémoire, Où Néron fut lui-même ébloui de fa gloire Quand les Ambaffadeurs de tant de Rois divers Vinrent le reconnoître au nom de l'univers. Sur fon Trône, avec lui, j'allois prendre ma place. J'ignore quel confeil prépara ma difgrace; Quoi qu'il en foit, Néron, d'auffi loin qu'il me vit, Laiffa, fur fon vifage, éclater fon dépit.
Mon cœur même en conçut un malheureux augure. L'ingrat, d'un faux refpect colorant fon injure, Se leva par avance; & courant m'embraffer, Il m'écarta du Trône où j'allois me placer. Depuis ce jour fatal le pouvoir d'Agrippine Vers fa chûte, à grands pas, chaque jour s'achemine. L'ombre feule m'en refte; & l'on n'implore plus Que le nom de Sénéque & l'appui de Burrhus.
Racine, Britann. act. I. fc. I.
ON s'empreffe à vous voir, on s'efforce à vous plaire, On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on efpere On penfe avoir tout fait quand on vous a parlé. Mon Palais près du vôtre eft un lieu défolé, Et le Généralat, comme le Diadême,
M'érige fous votre ordre en fantôme éclatant, En coloffe d'état, qui de vous feul attend, L'ame qu'il n'a pas de lui-même, Et que vous feul faites aller,
Où pour vos intérêts il le faut étaler. Général en idée >
& Monarque en peinture De ces illuftres noms pourrois-je faire cas, S'il les falloit porter moins comme Agéfilas, Que comme votre créature;
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