Nul art n'eft méprifé, tout fuccès a fa gloire, Le vainqueur de Tallard, le fils de la victoire, Le fublime Dryden & le fage Addiffon Et la charmante Ophils & l'immortel -Newton, Ont part au temple de Mémoire.
LOUANGE.
UNE louange équitable,
Dont l'honneur feul eft le but Du mérite véritable Eft le plus jufte tribut. Un efprit noble & fublime Nourri de gloire & d'estime Sent redoubler fes chaleurs : Comme une tige elevée D'une onde pure abreuvée Voit multiplier fes fleurs.
Mais cette flatteufe amorce D'un hommage qu'on croit dû Souvent préte même force Au vice, qu'à la vertu. De la célefte rofée La terre fertilifée
Quand les frimats ont ceffé, Fait également éclore, Et les doux parfums de Flore Et les poifons de Circé.
Cieux, gardez vos eaux fécondes Pour le myrthe aimé des Dieux. Ne prodiguez plus vos ondes A cet if contagieux ;
Er vous, enfans des nuages a
Vents, miniftres des orages, Venez, fiers tyrans du Nord, De vos brulantes froidures Sécher ces feuilles impures Dont l'ombre donne la mort.
Rouffeau, Ode à Malherbea
IRIS (1), je vous louerois, il n'eft que trop aifé : Mais vous avez cent fois notre encens refufé, En cela peu femblable au refte des mortelles, Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles: Pas une ne s'endort à ce bruit fi flatteur.
Je ne les blâme point, je fouffre cette humeur ; Elle eft commune aux Dieux,aux Monarques,aux Belles. Ce breuvage vanté par le peuple rimeur, Le nectar que l'on fert au Maître du tonnerre Et dont nous enivrons tous les Dieux de la terre; C'eft la louange, Iris 3 vous ne la goûtez point. La Fontaine.
N ne peut trop louer trois fortes de perfonnes, Les Dieux, fa Maîtreffe, & fon Roi. Malherbe le difoit j'y foufcris quant à moi : Ce font maximes toujours bonnes.
La louange chatouille & gagne les efprits. Les faveurs d'une Belle en font fouvent le prix. Voyons comme les Dieux l'ont quelquefois payée, Simonide (2) avoit entrepris
(1) Madame de la Sabliere.
(2) Ancien Poite Grec dont il refte quelques fragmensì
L'éloge d'un Athléte; & la chefe eflayée, 11 trouva fon fujet plein de récits tout nuds. Les parens de l'Athléte étoient gens inconnus, Sonpere un bon Bourgeois, lui fans autre mérite: Matiére infertile & petite.
Le Poëte d'abord parla de fon Héros.
Après en avoir dit ce qu'il en pouvoit dire, II fe jette à côté, fe met fur le propos De Caftor & Pollux, ne manque pas d'écrire, Que leur exemple étoit aux Luteurs glorieux; Eleve leurs combats, fpécifiant les lieux, Où ces freres s'étoient fignalés davantage. Enfin l'éloge de ces Dieux
Faifoit les deux tiers de l'Ouvrage.
L'Athléte avoit promis d'en payer un talent; Mais quand il le vit, le galant N'en donna que le tiers : & dit fort franchement, Que Caftor & Pollux acquittaffent le refte. Faites-vous contenter par ce couple célefte. Je veux vous traiter cependant:
Venez fouper chez moi : nous ferons bonne vie. Les conviés font gens choifis
Mes parens, mes meilleurs amis, Soyez donc de la compagnie.
Simonide promit, peut-être qu'il eut peur De perdre, outre fon dû, le gré de fa louange. Il vient, l'on feftine, l'on mange. Chacun étant en belle humeur, Un domeftique accourt, l'avertit qu'à la porte Deux hommes demandoient à le voir promptement. Il fort de table, & la cohorte N'en perd pas un feul coup de dent. Ces deux hommes étoient les jumeaux de l'éloge. Tous deux lui rendent grace, & pour prix de fes vers, Ils l'avertiffent qu'il déloge,
Et que cette maison va tomber à l'envers. La prédiction en fut vraie.
Un pilier manque, & le plat-fond Tome II,
Ne trouvant plus rien qui l'étaie,
Tombe fur le feftin, brife plats & flacons, N'en fait pas moins aux Echanfons.
Ce ne fut pas le pis: car pour rendre completse La vengeance dûe au Poëte,
Une poutre cafla les jambes à l'Athléte, Et renvoya les conviés Pour la plupart eftropiés.
La Renommée eut foin de publier l'affaire. Chacun cria miracle: on doubla le falaire Que méritoient les vers d'un homme aimé des Dieux. Il n'étoit fils de bonne mere
Qui, les payant à qui mieux mieux,
Pour les ancêtres n'en fît faire.
Je reviens à mon texte ; & dis premiérement, Qu'on ne fauroit manquer de louer largement Les Dieux & leurs pareils : de plus, que Melpomene, Souvent, fans déroger, trafique de fa peine: Enfin qu'on doit tenir notre art à quelque prix. Les Grands fe font honneur dès-lors qu'ils nous font
Jadis l'Olympe & le Parnafle
Etoient freres & bons amis.
J'AIME le laxe & même la mollesse;
Tous les plaifirs, les arts de toute espéce; La propreté, le goût, les ornemens, Tout honnête homme a de tels fentimens. 11 eft bien doux pour mon cœur très-immonde De voir ici l'abondance à la ronde, Mere des arts & des heureux travaux Nous apporter de fa fource féconde
Et des befoins & des plaifirs nouveaux. L'or de la terre & les tréfors de l'onde Leurs habitans & les peuples de l'air, Tout fert au luxe, aux plaifirs de ce monde O le bon tems que ce fiécle de fer ! Le fuperflu, chofe très-néceffaire, A réuni l'un & l'autre hémifphére.
Voltaire, le Mondaini
A TABLE hier par un trifte hasard, J'étois affis près d'un Maître Caffard, Lequel me dit, vous avez bien la mine D'aller un jour échauffer la cuisine De Lucifer; & moi, prédestiné, Je rirai bien quand vous ferez damné. Damné ! comment pourquoi ? pour vos folies Vous avez dit en vos œuvres non pies Dans certain conte en rimes barbouillé, Qu'au Paradis Adam étoit mouillé, Lorfqu'il pleuvoit für notre premier pere; Qu'Eve avec lui buvoit de belle eau claire ; Qu'ils avoient même avant d'être déchus La peau tannée, & les ongles crochus. Vous avancez dans votre folle ivreffe, Prêchant le luxe & vantant la molleffe, Qu'il vaut bien mieux, ô blasphêmes maudits & Vivre à préfent qu'avoir vécû jadis.
Par quoi mon fils, votre Mufe pollue Sera rôtie, & c'eft chofe conclue. Difant ces mots, fon gofier altéré Humoit un vin, qui d'ambre coloré, Sentoit encor la grappe parfumée, Dont fut pour nous la liqueur exprimée. Un carmin vif enluminoit fon teint,
Lors je lui dis : Pour Dieu, Monsieur le Saint à
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