Images de page
PDF
ePub

Par grace, lui laiffa l'entrée en l'Epigramme;
Pourvû que fa fineffe, éclatant à propos,
Roulât fur la pensée & non pas fur les mots.
Ainfi de toutes parts les défordres cefférent,
Toutefois à la Cour les Turlupins reftérent;
Infipides plaifans, bouffons infortunés

D'un jeu de mots groffier partifans furannés.
Ce n'eft pas quelquefois qu'une Mufe un peu fine
Sur un mot en paffant ne joue & ne badine,
Et d'un fens détourné n'abuse avec succès.
Mais fuyez fur ce point un ridicule excès;
Et n'allez pas toujours d'une pointe frivole.
Aiguifer par la queue une Epigramme folle.

Defpréaux, Art Poët. ch. 11.

POISON.

OROE'S à ARZACE.

APPRENEZ que Ninus, à fa derniére aurore;

[ocr errors]

Sûr qu'un poifon mortel en terminoit le cours;
Et que le même crime attentoit fur vos jours,
Qu'il attaquoit en vous les fources de la vie,
Vous arracha mourant à cette Cour impie.
Affur comblant fur vous fes crimes inouis
Pour époufer la mere, empoifonna le fils ;
11 crut que de fes Rois exterminant la race,
Le Trône étoit ouvert à sa perfide audace ;
Et lorfque le Palais déploroit votre mort,
Le fidéle Phradate eut foin de votre fort.
Ces végétaux puiffans qu'en Perfe on voit éclore;
Bienfaits nés dans fes champs, de l'aftre qu'elle adore,
Par les foins de Phradate avec art préparés,
Firent fortir la mort de vos flancs déchirés.

Voltaire, Sémiram. act. IV. se. I I.

QU'AUROIS

POLITIQUE.

CATILINA feul.

U'AUROIS-je à redouter d'une femme infidéle Où feront fes garans ? & d'ailleurs que fait-elle ? Quelques vagues projets dont l'imprudent Caton Nourrit depuis long-tems la peur de Ciceron; Projets abandonnés, mais dont ma politique Par leur illufion trompe la République ; Sait de ce vain fantôme occuper le Sénat, L'effrayer d'un faux bruit, ou d'un affaffinat; Et ne lui laifler voir que des mains meurtrières, Tandis qu'un grand deffein échappe à fes lumiéres Maître de mes fecrets, j'ai pénétré les fiens; Et Lentulus lui-même ignore tous les miens. De cent mille Romains armés pour ma querelle, Aucun ne fe connoît, tous combattront pour elle. De l'un des deux Confuls je me fuis affuré : Plus que moi contre l'autre Antoine eft conjuré. Cefar ne doit qu'à moi fa dignité nouvelle; Et je fais qu'à ce prix il me fera fidéle. Voilà comme un Conful qui pense tout prévoir, Souvent pour mes deffeins agit fans le favoir. L'Afriquain peu foumis, le Gaulois indomptable Tout l'univers enfin las d'un joug qui l'accable, N'attend pour éclater que mes ordres fecrets; Et Ciceron n'eft point inftruit de mes projets. Ce n'eft pas dans tes murs, Rome, que je m'arrête ¿ Des cris du monde entier j'ai groffi la tempête. Mon cœur n'étoit point fait pour un fimple parti, Que le premier revers eût bien-tôt rallenti. J'ai féduit tes vieillards, ainfi que ta jeuneffe, Cefar, Sylla, Craffus, & toute ta noblefle. Mais il faut retourner à Probus qui m'attend. Ménageons avec lui ce précieux instant

2

Pour rendre fans effet le courroux de Tullie,
Et pour mettre à profit les fureurs de Fulvie.
Soutiens, Catilina, tes glorieux deffeins.
Maître de l'univers fi tu l'es des Romains,
C'est aujourd'hui qu'il faut que ton fort s'accompliffe;
Que Rome à tes genoux tombe, ou qu'elle périfle.
Crébillon, Catilin. act. 1. fc. V1.

ARASPE à PRUSIA S.

POUR tout autre que lui je fais comme s'explique
La régle de la vraie & faine politique.

Auffi-tôt qu'un fujet s'eft rendu trop puiffant,
Encor qu'il foit fans crime il n'eft pas innocent,
On n'attend point alors qu'il s'ofe tout permettre ;
C'eft un crime d'Etat que d'en pouvoir commettre,
Et qui fait bien régner l'empêche prudemment,
De mériter un jufte & plus grand châtiment ;
Et prévient par un ordre à tous deux falutaire,
Ou les maux qu'il prépare, ou ceux qu'il pourroit faire.
Corneille, Nicomede, act. 1 1. fc. I.

[ocr errors][merged small]

SYLLA peut en effet quitter fa Dictature,
Mais il peut faire auffi des Confuls à fon choix,
De qui la pourpre efclave agira fous fes loix;
Et quand nous n'en craindrons aucuns ordres finiftres,
Nous périrons par ceux de fes lâches Miniftres.
Croyez-moi, pour des gens comme vous deux & moi,
Rien n'eft fi dangereux que trop de bonne foi.

* Nicomede, fils aîné de Prufias.

Sylla par politique a pris cette mefure,
De montrer aux foldats l'impunité fort sûre,
Mais pour Cinna, Carbon, le jeune Marius,
Il a voulu leur tête & les a tous perdus.

Pour moi, que tout mon camp furce bruit m'abandonne,
Qu'il ne refte pour moi que ma feule perfonne,
Je me perdrai plutôt dans quelque affreux climat,
Qu'aller tant qu'il vivra briguer le Confulat.

Corneille, Sertor. act. IV. fc. III.

SALOME à MA ZA EL.

TANT qu'Herode en ces lieux demeuroit exposé
Aux charmes dangereux qui l'ont tyrannifé,
Mazael, tu m'as vûe avec inquiétude

Traîner de mon deftin la trifte incertitude.
Quand par mille détours affurant mes fuccès,
De fon cœur foupçonneux j'avois trouvé l'accès
Quand je croyois fon ame à moi feule rendue,
Il voyoit Mariamne, & j'étois confondue.

Un

coup d'œil renverfoit ma brigue & mes deffeins; La Reine a vû cent fois mon fort entre fes mains: Et fi fa politique avoit avec adreffe,

D'un époux amoureux ménagé la tendreffe ;
Cet ordre, cet arrêt prononcé par fon Roi,
Ce coup que je lui porte auroit tombé fur moi.
Mais fon farouche orgueil a fervi ma vengeance:
J'ai sû mettre à profit fa fatale imprudence.
Elle a voulu fe perdre, & je n'ai fait enfin
Que lui lancer les traits qu'a préparés fa main.
Tu te fouviens aflez de ce tems plein d'allarmes,
Lorfqu'un bruit fi funefte à l'efpoir de nos armes,
Apprit à l'Orient étonné de fon fort,

Qu'Augufte étoit vainqueur, & qu'Antoine étoit mort.
Tu fais comme à ce bruit nos peuples fe troublérents

De l'Orient vaincu les Monarques tremblérent;
Mon frere enveloppé dans ce commun malheur,
Crut perdre fa Couronne avec fon Protecteur.
11 fallut fans s'armer d'une inutile audace,
Au vainqueur de la terre aller demander grace.
Rappelle en ton efprit ce jour infortuné;
Songe à quel défefpoir Herode abandonné,
Vit fon époufe altiére abhorrant fes approches,
Déteftant fes adieux l'accablant de reproches,
Redemander encore en ce moment cruel,
Et le fang de fon frere, & le fang paternel.
Herode auprès de moi vint déplorer fa peine.
Je faifis cet inftant précieux à ma haine :
Dans fon cœur déchiré je repris mon pouvoir,
J'enflammai fon courroux, j'aigris fon défespoir,
J'empoifonnai le trait dont il fentoit l'atteinte;
Tu le vis plein de trouble & d'horreur & de crainte,
Jurer d'exterminer les reftes dangereux

D'un fang toujours trop cher aux perfides Hébreux;
Et dès ce même inftant fa facile colere
Deshérita les fils & condamna la mere.

Mais fa fureur encor flattoit peu mes fouhaits.
L'amour qui la caufoit en repouffoit les traits;
De ce fatal objet tel étoit la puiffance ;
Un regard de l'ingratte arrêtoit fa vengeance.
Je preffai fon départ; il partit, & depuis
Mes Lettres chaque jour ont nourri fes ennuis.
Ne voyant plus la Reine il vit mieux fon outrage;
11 eut honte en fecret de fon peu de courage:
De moment en moment fes yeux fe font ouverts,
J'ai levé le bandeau qui les avoit couverts,
Zarès étudiant le moment favorable,
A peint à fon efprit cette Reine implacable,
Son Crédit, fes Amis, ces Juifs féditieux,
Du fang Afmonéen partifans factieux.
J'ai fait plus, j'ai moi-même armé sa jalousie :
Il a craint pour fa gloire, il a craint pour fa vie.
Tu fais que dès long-tems en butte aux trahisons,

« PrécédentContinuer »