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Par leur feule beauté ma plume est eftimée,
Je ne dois qu'à moi feul toute ma renommée ;
Et penfe toutefois n'avoir point de rival
A qui je faffe tort en le traitant d'égal.

Corneille, Excufe à Arifte:

JE

PORTRAIT DES COURTISANS.

E définis la Cour un pays où les gens

Triftes, gais, prêts à tout, à tout indifférens,
Sont ce qu'il plaît au Prince; ou s'ils ne peuvent l'être,
Tâchent au moins de le paroître,

Peuple caméleon, peuple finge du Maître :
On diroit qu'un efprit anime mille corps :
C'eft bien-là que les gens font de fimples refforts.

La Fontaine, Fable des obféques de la lionne.

PORTRAIT D'UN DEMI SAVANT.

MONSIE

ONSIEUR l'Abbé vous n'ignorez de rien.

Et ne vis onc mémoire fi féconde.

Vous pérorez toujours & toujours bien,
Sans qu'on vous prie & fans qu'on vous réponde.
Mais le malheur c'eft que votre faconde

Nous apprend tout, & n'apprend rien de nous.
Je veux mourir, fi pour tout l'or du monde,
Je voudrois être auffi favant que vous.

Rouffeau, Epigr

PORTRAIT DE DESPRE'AUX,
par lui-même.

SI même un jour le Lecteur gracieux,
Amorcé par mon nom, fur vous tourne les yeux;
Pour m'en récompenfer, mes vers, avec ufure,
De votre Auteur alors faites-lui la peinture:
Et, fur-tout, prenez foin d'effacer bien les traits
Dont tant de Peintres faux ont flétri mes portraits.
Déposez hardiment qu'au fond cet homme horrible,
Ce Cenfeur qu'ils ont peint fi noir & fi terrible,
Fut un efprit doux, fimple, ami de l'équité,
Qui cherchant dans fes vers la feule vérité,
Fit fans être malin fes plus grandes malices,
Et qu'enfin fa candeur feule a fait tous fes vices.
Dites, que harcelé par les plus vils rimeurs
Jamais, bleffant leurs vers, il n'effleura leurs mœurs:
Libre dans fes difcours, mais pourtant toujours fage.

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Três-peu voluptueux, Ami de la vertu plutôt que vertueux. 'Que fi quelqu'un mes vers alors vous importune, Pour favoir mes parens, ma vie & ma fortune, Contez-lui qu'allié d'affez hauts Magiftrats, Fils d'un pere Greffier, né d'ayeux Avocats; Dès le berceau perdant une fort jeune mere, Réduit feize ans après à pleurer mon vieux pere; J'allai d'un pas hardi par moi-même guidé Et de mon feul génie en marchant fecondé, Studieux amateur & de Perfe & d'Horace, Affez près de Regnier m'affeoir fur le Parnaffe. Que par un coup du fort au grand jour amené, Et des bords du Permeffe à la Cour entraîné, Je fus, prenant l'effor par des routes nouvelles, Elever affez haut mes poëtiques aîles;

*Poëte François, qui a compofé des Satyresa

Que ce Roi, dont le nom fait trembler tant de Rois,
Voulût bien que ma main crayonnât fes exploits :
Que plus d'un Grand m'aima jufques à la tendreffe;
Que ma vûe à Colbert infpiroit l'allégreffe :
Qu'aujourd'hui même encor de deux fens affoibli,
Retiré de la Cour, & non mis en oubli;
Plus d'un Héros épris des fruits de mon étude,
Vient quelquefois chez moi goûter la folitude.

Defpréaux, Epitre à fes Vers.

PORTRAIT D'UNE DE'VOTE.

UNE Bigotte altiére,

Dans fon fol orgueil, aveugle & fans lumiére, A peine fur le feuil de la dévotion,

Penfe atteindre au fommet de la perfection.
Sur cent pieux.devoirs aux Saints elle eft égale.
Elle lit Rodriguez, fait l'Oraifon mentale,
Va pour les malheureux quêter dans les maifons,
Hante les Hôpitaux, vifite les Prifons,

Tous les jours à l'Eglife entend jufqu'à fix Mefles.
Mais de combattre en elle & domter fes foibleffes
Sur le fard, fur le jeu, vaincre fa paffion,
Mettre un frein à fon luxe, à fon ambition
Et foumettre l'orgueil de fon efprit rebelle:
C'eft ce qu'en vain le ciel voudroit exiger d'elle.
Defpréaux, Satyr. des femmes.

Q

PORTRAIT D'UN DIRECTEUR.

U'IL paroît bien nourri! quel vermillon! quel
teint !

Le printems dans fa fleur fur fon vifage eft peint.
Cependant à l'entendre il fe foutient à peine,
Il eut encor hier la fiévre & la migraine:

Et fans les promts fecours qu'on prît foin d'apporter,
Il feroit fur fon lit peut-être à tremblotter.

Mais de tous les mortels, grace aux dévotes ames
Nul n'eft fi bien foigné qu'un Directeur de femmes.
Quelque léger dégoût vient il le travailler?
Une froide vapeur le fait-elle bâiller?

Un efcadron coëffé d'abord court à fon aide.
L'une chauffe un bouillon, l'autre apprête un reméde,
Chez lui firops exquis, ratafias vantés

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Confitures fur-tout volent de tous côtés :

Car de tous mets fucrés, fecs, en pâte, ou liquides,
Les eftomacs dévots toujours furent avides:
Le premier maffepin pour eux, je crois, fe fit,
Et le premier citron à Rouen fut confit.

Defpréaux, Satyr. des femmes.

PORTRAIT DU DUC DE BOURGOGNE.

Q

UEL eft ce jeune Prince en qui la majesté, Sur fon vifage aimable éclate fans fierté ? D'un œil d'indifférence il regarde le Trône. Ciel, quelle nuit foudaine à mes yeux l'environne! La mort autour de lui vole fans s'arrêter,

11 tombe aux piede du Trône étant prêt d'y monter.

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O* mon fils! des François vous voyez le plus jufte;
Les cieux le formeront de votre fang augufte.
Grand Dieu! ne faites-vous que montrer aux humaine
Cette fleur paffagére, ouvrage de vos mains?
Hélas, que n'eût point fait cette ame vertueufe!
La France fous fon regne eût été trop heureufe;
11 eût entretenu l'abondance & la paix,
Mon fils, il eût compté fes jours par fes bienfaits.
Voltaire, Henri. ch. VII.

JE

PORTRAIT D'EST HER.

ASSUE'RUS à ESTHER.

E ne trouve qu'en vous je ne fais quelle grace, Qui me charme toujours & jamais ne me laffe. De l'aimable vertu doux & puiffans attraits! Tout refpire en Efther l'innocence & la paix. Du chagrin le plus noir elle écarte les ombres, Et fait des jours fereins de mes jours les plus fombres; Que dis-je ? fur ce Trône affis auprès de vous, Des aftres ennemis j'en crains moins le courroux ; Et crois que votre front prête à mon diadême Un éclat, qui le rend refpectable aux Dieux même. Racine, Efth. act. 11. fc. V II.

PORTRAIT D'UN FAVORI.

AMI, crois-moi, cache bien à la Cour

Les grands talens qu'avec toi l'on vit naître,
C'est le moyen d'y devenir un jour

* Saint Louis parle à Henri IV.

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