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PORTRAIT D'HORACE.

BRILLANT quoique fans étincelle

Le feul Horace en tous genres excelle :

De Citherée exalte les faveurs

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Chante les Dieux, les Héros, les Buveurs,
Des fots Auteurs berne les vers ineptes
Nous inftruifant par gracieux préceptes,
Et par fermons de joie antidotés.

Rousseau, Epître à Cl. Marot.

PORTRAIT DE L'HOMME.

Q

UE l'homme eft bien durant fa vie
Un parfait miroir de douleurs !

Dès qu'il refpire, il pleure, il crie,
Et femble prévoir fes malheurs.

Dans l'enfance toujours des pleurs.
Un Pédant, porteur de trifteffe,
Des livres de toutes couleurs,
Des châtimens de toute espéce.

L'ardente & fougueuse jeunesse
Le met encore en pire état
Des Créanciers, une Maîtreffe
Le tourmentent comme un forçat.

Dans l'âge mûr autre combat.
L'ambition le follicite.
Richeffes, dignités, éclat,
Soins de famille, tout l'agite.

Vieux, on le méprise, on l'évite.
Mauvaise humeur, infirmité,

Toux, gravelle, goutte,

Affiégent fa caducité.

Pour comble de calamité,

pituite

Un Directeur s'en rend le maître.
Il meurt enfin peu regretté.

C'étoit bien la peine de naître.

Rouffean, Stances.

IL

PORTRAIT D'UN HOMME RICHE.

L devient riche, & fit de beaux statuts
Pour gouverner les tréfors de Plutus,
Les divifant en deux portioncules,
Dont la premiére entroit dans fes locules ;
Et le reftant s'adminiftroit fi bien,

Qu'à fin de compte on ne trouvoit plus rien:
Car fous couleur d'appaifer les murmures,
Et de venger les torts & les injures,
Les vexateurs, ainfi que les vexés,
Furent fans rire également pincés.
Il les fauchoit de la même faucille,
Les étrilloit avec la même étrille,
Frappant fur eux comme fur feigle verd.
Sûr de fon fait & bien clos & couvert,
En qualité d'écumeur titulaire

Des écumeurs du menu populaire.
Le voilà donc de tréfors regorgeant,
Roulant fur l'or, vautré fur fon argent,
Gonflé d'orgueil, boursoufflé d'insolence,
Et fe mirant dans fa vafte opulence :
Palais pompeux, ameublemens exquis.

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Terres, Châteaux fur l'orphelin conquis
Chez fes amis un vrai Roi de Théâtre.
Chez les Phrinez agréable & folâtre.
Toujours prodigue & jamais épuisé :
Par conféquent d'un chacun courtisé.
Environné de cliens mercenaires,
D'admirateurs, amis imaginaires,
Qui tout le jour lui baifant le genou,
Surent le rendre enfin tout-à-fait fou.
L'un de fon corps vante l'air héroïque,
L'autre les dons de fon ame angélique.
Pour l'achever un maniveau d'Auteurs
Vient l'étourdir de concerts féducteurs.
A les chanter lui-même il les anime.
Allons, faquins, il me faut du fublime.
Et violons auffi-tôt de ronfler,
Voix de glapir, chalumeaux de s'enfler.
Tout le fretin des petits Dieux terreftres
Forme pour lui mille petits orchestres.

Rousseau, Midas, Allég.

PORTRAIT D'UN HUISSIER.

CERTAIN

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ERTAIN Huiffier étant à l'Audiance,
Crioit toujours: Paix-là, Meffieurs, paix-là.
Tant qu'à la fin tombant en défaillance
Son teint pâlit & fa gorge s'enfla,
On court à lui. Qu'eft ceci, qu'est-cela ?
Maître Perrin! à l'aide, il agonife.
Beffiere vient. On le phlébotomife.
Lors ouvrant l'œil clair comme un bafilic,
Voilà, Meffieurs, dit-il, fortant de crife,
Ce que l'on gagne à parler en public.

* Fameux Chirurgien:

Rouffean, Epigr.

PORTRAIT

PORTRAIT DES HYPOCRITES.

C'EST

'EST vous de qui les mains impures Trament le tiffu détesté,

Qui fait trébucher l'équité
Dans le piége des impoftures.
Lâches aux cabales vendus:
Artifans de fourbes obfcures:
Habiles feulement à noircir les vertus.

L'hypocrite en fraudes fertile,
Dès l'enfance eft paîtri de fard.
Il fait colorer avec art

Le fiel que fa bouche distile ;
Et la morfure du ferpent

Eft moins aigue & moins fubtile

Que le venin caché que fa langue répand.

En vain le fage les confeille,
Ils font inflexibles & fourds.
Leur cœur s'affoupit aux difcours;
De l'équité qui les réveille;
Plus infenfibles & plus froids,
Que l'afpic qui ferme l'oreille

Aux fons mélodieux d'une touchante voix.

Mais de ces langues diffamantes Dieu faura venger l'innocent. Je le verrai ce Dieu puiffant Foudroyer leurs têtes fumantes. 11 vaincra ces lions ardens, Et dans leurs gueules écumantes plongera fa main & brifera leurs dents.

Tome II,

I

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Ainfi que la vague

rapide,

D'un torrent qui roule à grand bruit,
Se diffipe & s'évanouit

Dans le fein de la terre humide :
Ou comme l'airain enflammé

Fait fondre la cire fluide,

Qui bouillonne à l'aspect du brafier allumé,

Ainfi leurs grandeurs éclipfées
S'anéantiront à nos yeux.
Ainfi la juftice des cieux
Confondra leurs lâches penfées.
Leurs dards deviendront impuiffans ;
Et de leurs pointes émouflées
Ne pénétreront plus le fein des innocens.

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Avant que leurs tiges célébres
Puiffent pouffer des rejettons
Eux-mêmes triftes avortons
Seront cachés dans les ténébres ;
Et leur fort deviendra pareil

Au fort de ces oifeaux funébres,

Qui n'ofent foutenir les regards du foleil,

Rouffeau, Odes faeri

PORTRAIT D'UNE JALOUSE.

Q

UELQUE douceur dont brille ton épouse, Penfe-tu fi jamais elle devient jaloufe, Que fon ame livrée à fes triftes foupçons, De la raifon encore écoute les leçons ?

Réfous-toi

Alors tu verras de fes œuvres. › pauvre époux, à vivre de couleuvres

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