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A la voir tous les jours dans fes fougueux accès,
A ton gefte, à ton rire intenter un procès:
Souvent de ta maison gardant les avenues,
Les cheveux hériffés t'attendre au coin des rues:
Te trouver en des lieux de vingt portes fermés,
Et par-tout où tu vas, dans fes yeux enflammés
T'offrir non pas d'Ifis la tranquille Euménide,
Mais la vraie Alecto peinte dans l'Enéïde
Un tifon à la main chez le Roi Latinus,
Soufflant fa rage au fein d'Amate & de Turnus.

*

Despréaux, Satyre des femmes.

U

PORTRAIT D'UN INTENDANT.

N Intendant qu'eft-ce que cette chose?
Je définis cet être, un Animal,

Qui, comme on dit, fait pêcher en eau trouble;
Et, plus le bien de fon Maître va mal,
Plus le fien croît, plus fon profit redouble.
Tant qu'aifément lui-même acheteroit
Ce qui de net au Seigneur refteroit:
Dont par raifon bien & duement déduite,
On pourroit voir chaque chofe réduite
En fon état, s'il arrivoit qu'un jour
L'autre devint l'Intendant à fon tour.
Car regagnant ce qu'il eût étant Maître,
Ils reprendroient tous deux leur premier être.

La Fontaine, Contes.

*Furie, dans l'Opera d'Ifis, qui demeure fans action;

H

PORTRAIT D'UNE JOUEUSE.

E' que feroit-ce donc, fi le Démon du jeu, Verfant dans fon efprit fa ruineuse rage,

Tous les jours mis par elle à deux doigts du naufrage,
Tu voyois tous tes biens au fort abandonnés
Devenir le butin d'un Pique ou d'un Sonnés !
Le doux charme pour toi de voir chaque journée ;
De nobles champions ta femme environnée,
Sur une table longue & façonnée exprès,
D'un tournoi de Baffette ordonner les apprets:
Ou fi par un Arrêt la groffiére Police
D'un jeu fi néceflaire interdit l'exercice
Ouvrir fur cette table un champ au Lanfquenet,
Ou promener trois dez chaflés de fon cornet:
Puis fur une autre table avec un air plus fombre,
S'en aller méditer une Vole au jeu d'Hombre;
S'écrier fur un As mal-à-propos jetté;

Se plaindre d'un Gano qu'on n'a point écouté;
Ou, querellant tout bas le ciel qu'elle regarde,
A la Bête gémir d'un Roi venu fans garde.
Chez elle, en ces emplois, l'aube du lendemain
Souvent la trouve encor les cartes à la main.
Alors, pour fe coucher, les quittant, non fans peine ;
Elle plaint le malheur de la nature humaine,
Qui veut qu'en un fommeil où tout s'enfevelit,
Tant d'heures fans jouer fe confument au lit.
Toutefois en partant la troupe la confole
Et d'un prochain retour chacun donne parole.
C'eft ainfi qu'une femme en doux amusemens
Sait du tems qui s'envole employer les momens ;
C'eft ainfi que fouvent par une forcenée,
Une trifte famille à l'Hôpital traînée,
Voit fes biens en décret fur tous les murs écrit,
De fa déroute illuftre effrayer tout Paris.

Defpréaux, Satyre des femmes,

*Terme du jeu d'Hombre.

PORTRAIT DE JUVENAL.

JUVEN

UVENAL élevé dans les cris de l'école, Pouffa jufqu'à l'excès fa mordante hyperbole. Ses Ouvrages tout pleins d'affreufes vérités Etincélent pourtant de fublimes beautés : Soit que fur un Ecrit arrivé de Caprée, 11 brife de Sejan la ftatue adorée : Soit qu'il faffe au Confeil courir les Sénateurs, D'un tyran foupçonneux pâles adulateurs: Ou que pouffant à bout la luxure latine, Aux Portefaix de Rome il vende Meffaline : Ses Ecrits pleins de feu par-tout brillent aux yeux. Defpréaux, Art Poet. ch. II.

PORTRAIT DE M. DE LAMOIGNON.

C'EST à toi, Lamoignon, que le rang, la naiffance,

Le mérite éclatant, & la haute éloquence,
Appellent dans Paris aux fublimes emplois,
Qu'il fied bien d'y veiller pour le maintien des loix.
Tu dois-là tous tes foins au bien de ta patrie.
Tu ne t'en peux bannir que l'orphelin ne crie;
Que l'oppreffeur ne montre un front audacieux;
Et Themis pour voir clair a besoin de tes yeux.
Defpréaux, Epitre à M. de Lamoignon.

*Un des plus grands Magiftrats de fon tems.

PORTRAIT DE LOUIS XII. ET DU CARDINAL

LE

D'AM BOISE

E fage Lonis Douze au milieu de ces Rois, S'éleve comme un cédre & leur donne des loix. Ce Roi qu'à nos ayeux donna le ciel propice Sur fon Trône avec lui fit affeoir la juftice : Il pardonna fouvent, il régna fur les cœurs, Et des yeux de fon peuple il effuya les pleurs. D'Amboife eft à fes pieds, ce Miniftre fidéle, Qui feul aima la France, & fut feul aimé d'elle ; Tendre ami de fon Maître, & qui dans ce haut rang, Ne fouilla point fes mains de rapine & de fang.

Voltaire, Henri. ch. VII.

Les bons Rois.

PORTRAIT DE LOUIS XIV.

CIEL,

quel pompeux amas d'efclaves à genoux, Eft aux pieds de ce Roi qui les fait trembler tous ? Quels honneurs! quels refpects!jamais Roi dans la France N'accoutuma fon peuple à tant d'obéissance. Je le vois comme vous par la gloire animé, Moins obéi, plus craint, peut-être moins aimé. Je le vois éprouvant des fortunes diverses, Trop fier dans fes fuccès, mais ferme en fes traverses. De vingt peuples ligués bravant feul tout l'effort, Admirable en fa vie, & plus grand dans fa mort. Voltaire, Henri. ch. V I La

*Saint Louis parle à Henri I

PORTRAIT DE LOUIS XV.

FRANÇOIS, heureux François, peuple doux &

terrible,

C'eft peu qu'en vous guidant Louis foit invincible,
C'eft peu que le front calme, & la mort dans les mains,
Il ait lancé la foudre avec des yeux ferains;
C'est peu d'être vainqueur, il eft modefte & tendre,
11 honore de pleurs le fang qu'il fit répandre;
Entouré des Héros qui fuivirent fes pas,
Il prodigue l'éloge, & ne le reçoit pas ;
Il veille fur des jours hafardés pour lui plaire;
Le Monarque eft un homme, & le Vainqueur un pere.
Ces captifs tout fanglans portés par nos foldats,
Par leur main triomphante arrachés au trépas
Après ce jour de fang, d'horreur & de furie
Ainfi qu'en leurs foyers au fein de leur patrie,
Des plus tendres bienfaits éprouvent les douceurs
Confolés, fecourus, fervis par leurs vainqueurs.
O grandeur véritable! ô victoire nouvelle !
Et quel cœur enivré d'une haine cruelle,
Quel farouche ennemi peut n'aimer pas mon Roi.
Et ne pas fouhaiter d'être né fous fa loi.

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Voltaire, Poëme de Fontenoy.

PORTRAIT DE MALHERBE.

MA

ALHERBE vint; & le premier en France ;' Fit fentir dans les vers une jufte cadence: D'un mot mis en fa place enfeigna le pouvoir Et réduifit la Mufe aux régles du devoir. Par ce fage Ecrivain la langue réparée N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée.

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