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Les ftances avec grace apprirent à tomber;
Et le vers fur le vers n'ofa plus enjamber.
Tout reconnut fes loix; & ce guide fidéle
Aux Auteurs de ce tems fert encor de modéle.
Marchez donc fur fes pas; aimez fa pureté,
Et de fon tour heureux imitez la clarté.

Defpréaux, Art Poët. ch. I.

PORTRAIT DE MAHOMET LE PROPHETE.

MAHOM ET à OMAR.

CHARGE'

HARGE' du foin du monde, environné d'allarmes ; Je porte l'encenfoir, & le fceptre,& les armes ; Ma vie eft un combat, & ma frugalité

Affervit la nature à mon austérité.

J'ai banni loin de moi cette liqueur traîtreffe,
Qui nourrit des humains la brutale molleffe;
Dans des fables brulans, fur des rochers déferts;
Je fupporte avec toi l'inclémence des airs.
L'amour feul me confole, il eft ma récompenfe,
L'objet de mes travaux, l'idole
Le Dieu de Mahomet, & cette paffion
que j'encenfe 2
Ef égale aux fureurs de mon ambition.

Voltaire, Mahom. act. II. sc. IY.

PORTRAIT DE CLE'MENT MAROT

CLEMENT

LEMENT, mon ami cher,

Sotte ignorance & jugement léger

Vous ont jadis, on le voit par vos œuvres
Fait avaler anguilles & couleuvres ¿

Des Novateurs complice vous nommant;
Ou votre honneur en public diffamant
Soit par blafons plus mordans que vipere,
Soit par menfonge, en vous faisant le pere
- De tous ces vers bâtards & fuppofés,
Dont les parents font toujours déguifés.

Par vous en France Epîtres, Triolets.
- Rondeaux, Chanfons, Ballades, Virelais,
Gente Epigramme, & plaifante Satyre
Ont pris naiffance. En forte qu'on peut dire :
De Promethée hommes font émanés,
Et de Marot joyeux contes font nés.

Rouffeau, Epitre à Cl. Marot.

PORTRAIT DE MAYENNE.

MAYENNE dès long-tems nourri dans les allarmes,

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Sous le fuperbe Guife avoit porté les armes ;
11 fuccédé à fa gloire ainfi qu'à fes deffeins.
Le fceptre de la Ligue a paflé dans fes mains.
Cette grandeur fans borne, à fes défirs fi chere,
Le confole aifément de la perte d'un frere,
Qu'il fervoit à regret, & Mayenne aujourd'hui
Aime mieux le venger que de marcher fous lui.
Mayenne a je l'avoue, un courage héroique;
Il fait, par une heureufe & fage politique,
Réunir fous fes loix mille efprits différens
Ennemis de leur maître, efclaves des tyrans.
Il connoît leurs talens, il fait en faire ufage;
Souvent du malheur même il tire un avantage.
Guife avec plus d'éclat éblouifloit les yeux,
Fut plus grand, plus Héros, mais non plus dangereux
Voltaire, Henri. ch. III

PORTRAIT DE LA ME'DISANCE,

A médifance eft la fille immortelle
De l'amour-propre & de l'oifiveté.
Ce monftre aîlé paroît mâle & femelle,
Toujours parlant & toujours écouté,
Amusement & fléau de ce monde
Elle y préfide, & fa vertu féconde
Du plus ftupide échauffe les propos;
Rebut du fage elle eft l'efprit des fots.
En ricanant cette maigre furie
Va de fa langue épandre les venins
Sur tous états, mais trois fortes d'humains,
Plus que le refte alimens de la vie,
Sont exposés à fa dent de Harpie ;

Les beaux Efprits, les Belles & les Grands,
Sont de fes traits les objets différens.

Voltaire, Epître fur la Calomnie:

PORTRAIT DE MITHRIDATE.

MITHRIDATE à MONIME & XIPHARE'S.

CESSEZY

ESSEZ, & retenez vos larmes l'un & l'autre, Mon fort de fa tendreffe & de votre amitié Veut d'autres fentimens que ceux de la pitié ; Et ma gloire plutôt digne d'être admirée, Ne doit point par des pleurs être deshonorée. J'ai vengé l'univers autant que je l'ai pû. La mort dans ce projet m'a feule interrompu. Ennemi des Romains & de la tyrannie Je n'ai point de leur joug fubi l'ignominie; Et j'ofe me flatter qu'entre les noms fameux, Qu'une pareille haine a fignalés contre eux ર

Nul ne leur a plus fait acheter la victoire,
Ni de jours malheureux plus rempli leur hiftoire.
Le ciel n'a pas voulu qu'achevant mon deffein,
Rome en cendre me vit expirer dans fon fein.
Mais au moins quelque joie en mourant me confole.
J'expire environné d'ennemis que j'immole,
Dans leur fang odieux j'ai pû tremper mes mains
Et mes derniers regards ont vû fuir les Romains.

Mon fils, fongez à vous, gardez-vous de prétendre,
Que de tant d'ennemis vous puiffiez vous défendre.
Bien-tôt tous les Romains de leur honte irrités,
Viendront ici fur vous fondre de tous côtés.
Ne perdez point le tems que vous laiffe leur fuite,
A rendre à mon tombeau des foins dont je vous quitte,
Tant de Romains fans vie en cent lieux difperfés
Suffifent à ma cendre, & l'honorent aflez.

Racine, Mithrid, act. v. fc. dern.

PORTRAIT DE LA MOLLESSE, ET SES PLAINTES SUR LE COURAGE ET L'ACTIVITE DE LOUIS XIV.

L'AIR qui gémit du cri de l'horrible * Déeffe,

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Va jufques dans Cîteaux réveiller la Molleffe.
C'est là qu'en un dortoir elle fait fon féjour,
Les plaifirs nonchalans folâtrent à l'entour.
L'un paîtrit dans un coin l'embonpoint des Chanoines;
L'autre broie en riant le vermillon des Moines:
La volupté la fert avec des yeux dévots,
Et toujours le fommeil lui verfe des pavots.
Ce foir plus que jamais en vain il les redouble.
La Mollelle à ce bruit fe réveille, fe trouble.

*La Difcorde.

Quand la nuit qui deja va tout envelopper,
D'un funefte récit vient encor la frapper :
Lui conte du Prélat l'entreprise nouvelle.
Aux pieds des murs facrés d'une Sainte Chapelle,
Elle a vû (1) trois guerriers, ennemis de la paix,
Marcher à la faveur de fes voiles épais.

La Difcorde en ces lieux menace de s'accroître.
Demain avec l'aurore un lutrin va paroître,
Qui doit y foulever un peuple de mutins.
Ainfi le ciel l'écrit au livre des Deftins.

A ce trifte difcours, qu'un long foupir acheve,
La Molleffe en pleurant fur un bras fe releve,
Ouvre un œil languiffant; & d'une foible voix,
Laiffe tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois.
> nuit , que m'as-tu dit quel Démon fur la terre
Souffle dans tous les cœurs la fatigue & la guerre?
Hélas! qu'eft devenu ce tems, cet heureux tems,
Où les Rois s'honoroient du nom de Fainéans,
S'endormoient fur le Trône; & me fervant fans honte,
Laiffoient leur fceptre aux mains ou d'un Maire ou d'un

Comte ?

Aucun foin n'approchoit de leur paifible Cour.
On repofoit la nuit, on dormoit tout le jour.
Seulement au Printems, quand Flore dans les plaines,
Faifoit taire des vents les bruyantes haleines.
Quatre bœufs attelés d'un pas tranquille & lent,
Fromenoient dans Paris le Monarque indolent.
Ce doux fiécle n'eft plus. Le ciel impitoyable
A placé fur le Trône un (2) Prince infatigable.
Il brave mes douceurs, il eft fourd à ma voix.
Tous les jours il m'éveille au bruit de fes exploits:
Rien ne peut arrêter fa vigilante audace.

L'Eté n'a point de feux, l'Hiver n'a point de glace.
J'entens à fon feul nom tous mes fujets frémir.
En vain deux fois la paix a voulu l'endormir ;

(1) Brontin, Boirude, le Perruquier l'Amour.
(2) Louis XIV.

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