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Loin de moi fon courage entraîné par la gloire,
Ne fe plaît qu'à courir de victoire en victoire.
Je me fatiguerois à te tracer le cours

Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours.
Je croyois, loin des lieux d'où ce Prince m'exile
Que l'Eglife du moins m'affuroit un afile.

Mais en vain j'efpérois y régner fans effroi.

Moines, Abbés, Prieurs, tout s'arme contre moi
Par mon exil honteux la Trape eft anoblie.

J'ai vu dans Saint Denis la réforme établie.
Le Carme, le Feuillant s'endurcit aux travaux:
Et la régle déja fe remet dans Clairvaux.
Citeaux dormoit encore, & la Sainte Chapelle
Confervoit du vieux tems l'oifiveté fidéle.
Et voici qu'un lutrin prêt à tout renverfer,
D'un féjour fi chéri vient encor me chaffer.
O toi de mon repos compagne aimable & fombre
A de fi noirs forfaits prêteras-tu ton ombre?
'Ah nait ! fi tant de fois dans les bras de l'Amour
Je t'admis aux plaifirs que je cachois au jour.
Du moins ne permets pas.. La Molleffe oppreffée
Dans fa bouche à ce mos fent fa langue glacée,
Et laffe de parler, fuccombant fous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'œil, & s'endort.
Defpréaux, Lutr. ch. II.

PORTRAIT DU DUC D'ORLEANS
REGENT.

PRE's de ce jeune Roi s'avance avec splendeur,

Un Héros que de loin pourfuit la calomnie;
Facile, & non pas foible, ardent, plein de génie,

* Le Poëme de la Henriade fut composé dans l'enfance de Louis XV.

Trop ami des plaifirs, & trop des nouveautés,
Remuant l'univers du fein des voluptés.
Par des refforts nouveaux fa politique habile
Tient l'Europe en fufpens, divifée & tranquille.
Les Arts font éclairés par fes yeux vigilans.
Né pour tous les emplois, il a tous les talens;
Ceux d'un Chef, d'un Soldat, d'un Citoyen, d'un Maître.
Voltaire, Henri. cb. V II

IL étoit né pour la société,

Pour les Beaux Arts, & pour la volupté.
Grand, mais facile, ingénieux, affable
Peu fcrupuleux, mais de crime incapable.

Voltaire, Epitre fur la Calomnie:

O

PORTRAIT D'OVIDE.

VIDE en vers doux & mélodieux
Sut débrouiller l'hiftoire de fes Dieux :
Trop indulgent au feu de fon génie;
Mais varié, tendre, plein d'harmonie,
Savant, utile, ingénieux, profond;
Riche, en un mot, s'il étoit moins fécond.

Ronflean, Epître à Cl. Maroti

Αν

PORTRAIT DE LA POLITIQUE.

U fond du Vatican régnoit la politique,
Fille de l'intérêt & de l'ambition,
Dont naquirent la fraude & la féduction.

Ce monftre ingénieux en détours fi fertile,
Accablé de foucis, paroît fimple & tranquille;
Ses yeux creux & perçans, ennemis du repos,
Jamais du doux fommeil n'ont fenti les pavots ;.
Par fes déguisemens à toute heure elle abuse
Les regards éblouis de l'Europe confuse;
Toujours l'autorité lui prête un prompt fecours,
Le menfonge fubtil regne en tous fes difcours;
Et pour mieux déguifer fon artifice extrême,
Elle emprunte la voix de la vérité même.

Voltaire, Henri. cb. IVa

PORTRAIT D'UNE PRECIEUSE

C'EST

'EST une précieuse, Refte de ces efprits jadis fi renommés

Que d'un coup de fon Art Moliere a diffamés.
De tous leurs fentimens cette noble héritière
Maintient encore ici leur fecte façonniére.
C'eft chez elle toujours que les fades Auteurs
S'en vont fe confoler du mépris des Lecteurs.
Elle y reçoit leur plainte, & fa docte demeure
Aux Perrins, aux Coras eft ouverte à toute heure;
Là du faux bel efprit fe tiennent les bureaux.
Là tous les vers font bons, pourvû qu'ils foient nouveaux
Au mauvais goût public la Belle y fait la guerre.
Plaint Pradon opprimé des fifflets du Parterre:
Rit des vains amateurs du Grec & du Latin ;
Dans la balance met Ariftote & Cotin;
Puis d'une main encor plus fine & plus habile;
Pefe fans paffion Chapelain & Virgile.

Despréaux, Satyre des femmes

-PORTRAIT D'UN PRE'LAT.

DANS

ANS le réduit obfcur d'une alcove enfoncée S'éleve un lit de plume à grands frais amaffée. Quatre rideaux pompeux par un double contour, En défendent l'entrée à la clarté du jour. Là parmi les douceurs d'un tranquille filence; Regne fur le duvet une heureuse indolence ;' C'eft-là que le Prélat muni d'un déjeûner; Dormant d'un léger fomme, attendoit le dîner. La jeuneffe en fa fleur brille fur fon vifage: Son menton fur fon fein defcend à double étage, Et fon corps ramaffé dans fa courte groffeur, Fait gémir les couffins fous fa molle épaisseur. Defpréaux, Lutr. ch. 1:

PORTRAIT DU ROI DE PRUSSE.

ENNEM

NNEMIS de la gloire & de la Poëfie, Grands critiques des Rois, allez en Silefie. Voyez cent bataillons près de Neiff écrasés : C'eft-là qu'eft mon Héros. Venez, fi vous l'ofez. C'eft lui-même ; c'eft lui, dont l'ame univerfelle Courut de tous les Arts la carriére immortelle ; Lui qui de la nature a vû les profondeurs, Des charlatans dévots confondit les erreurs ; Lui qui dans un repas, fans foins & fans affaire, Paffoit les ignorans dans l'art heureux de plaire, Qui fait tout, qui fait tout, qui s'élance à grands pas, Du Parnaffe à l'Olympe, & des jeux aux combats. Je fais que Charles Douze, & Guftave, & Turenne, N'ont point bû dans les eaux qu'épanche l'Hypocrene. Mais enfin ces guerriers, illuftres ignorans,

En étant moins polis, n'en étoient pas plus grands,

+

Mon Prince eft au deffus de leur gloire vulgaire,
Quand il n'eft point Achille, il fait être un Homere,
Tour à tour la terreur de l'Autriche & des fots,
Fertile en grands projets, auffi-bien qu'en bons mots;
Et s'il fe moque un peu de Geneve & de Rome,
Il parle, agit, combat, écrit, regne en grand homme
Voltaire, Lettre au Roi de Pruffe.

PORTRAIT DU CARDINAL DE RICHELIEU
ET DU CARDINAL MAZARIN.

RICHEL

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ICHELIEU, Mazarin, Miniftres immortels,
Jufqu'au Trône élevés de l'ombre des Autels
Enfans de la fortune & de la politique
Marcheront à grands pas au pouvoir defpotique.
Richelieu, grand, fublime, implacable ennemi;
Mazarin, fouple, adroit, & dangereux ami :
L'un fuyant avec art, & cédant à l'orage;
L'autre aux flots irrités oppofant fon courage.

Tous deux hais du peuple, & tous deux admirés
Enfin par leurs efforts ou par leur industrie,
Utiles à leur Roi, cruels à la patrie.

Voltaire, Henri. ch. VII.

PORTRAIT DE M. LE MARE'CHAL DE RICHELIEU

DANS

ANS l'âge frivole & charmant,

Où le plaifir feul eft d'usage,

Où vous reçûtes en partage

L'art de tromper fi tendrement,

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