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Pour modéler ce beau visage,
Qui de Venus ornoit la Cour
On eut pris celui de l'Amour
Et fur-tout de l'Amour volage.

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On ne peut filer tous les jours
Sur le Trône heureux des Amours.
Tous les plaifirs font de paffage;
Mais vous faurez régner toujours,
Par l'efprit & par le courage.
Les traits du Richelieu coquet,
De cette aimable créature
Se trouveront en mignature
Dans mille boëtes à portrait,
Où Macé mit votre figure.
Mais ceux du Richelieu vainqueur,
Du Héros, foutien de nos armes,
Ceux du pere, du défenfeur
D'une République en allarmes,
Ceux de Richelieu, fon vengeur,
Ont pour moi cent fois plus de charmes.

Après ce jour de Fontenoi,
Où couvert de fang & de poudre,
On vous vit ramener la foudre,
Et la victoire à votre Roi.
Lorfque prodiguant votre vie,
Vous eûtes fait pâlir d'effroi
Les Anglois, l'Autriche & l'envie,
Vous revîntes vîte à Paris,
Mêler les myrthes de Cypris,
A tant de palmes immortelles.
Pour vous feul, à ce que je vois,
Le Tems & l'Amour n'ont point d'aîles;
Et vous fervez encor les Belles,
Comme la France & les Genois.

Voltaire, Epitre à M. le Maréchal, Duc de Richelies,

* Genès.

J

PORTRAIT D'UN GRAND ROI.

E l'ai vu dans la paix, je l'ai vu dans la guerre
Porter par tout un front de maître de la terre.
J'ai vu plus d'une fois de fiéres Nations

Défarmer fon courroux par leurs foumiffions;
J'ai vu tous les plaifirs de fon ame héroïque
N'avoir rien que d'augufte & que de magnifique ;
Et fes illuftres foins, donner à fes fujets
L'école de la guerre au milieu de la paix.
Par ces délaffemens fa noble inquiétude,
De fes juftes deffeins faifoit l'heureux prélude.

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Je l'ai vu tout couvert de cendre & de fumée,
Donner le grand exemple à toute fon armée.
Semer par fes périls l'effroi de toutes parts,
Bouleverfer les murs d'un feul de fes regards;
Et for l'orgueil brifé des plus fuperbes têtes.
De fa courfe rapide entaffer les conquêtes.

Corneille, Attil. act. II. fc. v.

J'AI

PORTRAIT DE ROUSSEAU
par lui-même.

'AI des humains trop chéri l'amitié.
Long tems féduit par de vains artifices,
A cette idole offrant mes facrifices,
Je crus pouvoir, trop prompt à me flatter
Trouver en eux de quoi les refpe&ter ;
Mais de plus près, obfervant leurs veftiges,
Je fus enfin démêler les prestiges,

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Dont l'amour-propre en eux toujours vainqueur, Surprend les yeux pour impofer au cœur,

Peu m'ont donné le plaifir équitable
D'aimer en eux la vertu véritable.
Peu m'ort auffi briguer la faveur,
Qu'obtient des Grands une aveugle ferveur.
Leur bonté feule éveilla ma pareffe:
Et courtifan de ma feule tendreffe,
Sans intérêt, j'ai cherché, j'ai trouvé
Ce peu d'amis, dont le cœur éprouvé,
Malgré l'effort de la jaloufe envie,
Fera toujours le charme de ma vie.
Que n'ais-je pû de vos plaifirs épris,
Tendre amitié, dont je fens tout le prix
Dans une joie & fi douce & fi pure,'
Vivre oublié de toute la nature!
Mais malgré moi trop & trop peu connu,
J'ai crû du moins de mes mœurs foutenu,
Entre vos bras conjurer la tempête,
Que l'impofture élevoit fur ma tête.

Rouffeau, Epître à M. le Baron de Breteuila

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Qu'en tes Ecrits un peu trop de licence
A certains bruits a pû donner naiffance;
Que ton courroux bien vîte eft allumé,
Et que le ciel en naiffant t'a formé
Aux moindres traits que fur toi l'on décoche
Un peu malin.

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Rouleau, Epitr. aux Musesi

Les Mufes adreffent la parole à Roussean.

PORTRAIT DE SERTORIUS ET DE POMPE'E.

POMPE'E à SERTORIUS.

L'ESTIM

'ESTIME & le refpe&t font de juftes tributs Qu'aux plus fiers ennemis arrachent les vertus; Et c'eft ce que vient rendre à la haute vaillance, Dont je ne fais ici que trop d'expérience; L'ardeur de voir de près un fi fameux Héros, Sans lui voir à la main piques, ni javelots; Et le front défaimé de ce regard terrible, Qui dans nos efcadrons guide un bras invincible. Je fuis jeune, & guerrier, & tant de fois vainqueur, Que mon trop de fortune a pû m'enfler le cœur: Mais, & ce grand aveu fied bien aux grands courages, J'apprens plus contre vous par mes défavantages, Que les plus beaux succès qu'ailleurs j'aie emportés, Ne m'ont encore appris par mes prospérités. Je vois ce qu'il faut faire à voir ce que vous faites, Les fiéges, les affauts, les favantes retraites Bien camper, bien choisir à chacun fon emploi, Votre exemple eft par-tout une étude pour moi. Ah, fi je vous pouvois rendre à la République, Que je croirois lui faire un préfent magnifique.

SERTORIUS.

Vous ne me donnez rien par cette haute eftime,
Que vous n'ayez déja dans le dégié fublime.
La victoire attachée à vos premiers exploits,
Un Triomphe avant l'âge où le fouffrent nos loix,
Avant la dignité qui permet d'y prétendre,
Font trop voir quels refpects l'univers vous doit rendre.
Si dans l'occafion je ménage un peu mieux
L'affiette du pays, & la faveur des lieux
Și mon expérience en prend quelque avantage,

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Le grand art de la guerre attend quelquefois l'âge,
Le tems y fait beaucoup ; & de mes actions
S'il vous a plû tirer quelques inftructions
Mes exemples un jour ayant fait place aux vôtres,
Ce que je vous apprens, vous l'apprendrez à d'autres;
Et ceux qu'aura ma mort faifis de mon emploi,
S'inftruiront contre vous comme vous contre moi
Corneille, Sertor. act. 111. fc. 11.

PORTRAIT DE SIXTE QUINT.

SIXTE au Trône élevé du fein de la pouffiére,

Avec moins de (1) puiffance a l'ame encor plus fiére;
Le Pâtre de Montalte eft le rival des Rois,
Dans Paris, comme à Rome, il veut donner des loix;
Sous le pompeux éclat d'un triple diadême.
I penfe affervir tout, jufqu'à Philippe même.
Violent, mais adroit, diffimulé, trompeur,
Ennemi des puiffans, des foibles oppreffeur.
Dans Londres, dans (2) ma Cour il a formé des brigues,
Et l'univers qu'il trompe eft plein de fes intrigues.
Voltaire, Henri. ch. 111.

SIXTE alors étoit Roi de l'Eglife & de Rome:
Si pour être honoré du titre de grand Homme,
Il fuffit d'être faux, austére, & rédouté,
Au rang des plus grands Rois Sixte fera compté.
Il devoit fa grandeur à quinze ans d'artifices.
Il fut cacher quinze ans fes vertus & fes vices.
Il fembla fuir le rang qu'il bruloit d'obtenir,
Et s'en fit croire indigne afin d'y parvenir.

Voltaire, Henri. ch. IV.

(1) Il s'agit de Philippe, alors Roi d'Espagne. (2) Ce portrait fe trouve dans la bouche de la Reime Blifabeth.

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