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PORTRAIT DU SOMMEIL

ET DE L'ESPERANCE.

Du Dieu qui nous créa la clémence infinie.

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Pour adoucir les maux de cette courte vie
A placé parmi nous deux êtres bienfaifans
De la terre à jamais aimables habitans,
Soutiens dans les travaux, tréfors dans l'indigence;
L'un cft le doux fommeil, & l'autre eft l'efpérance:
L'un, quand l'homme accablé, fent de fon foible corps
Les organes vaincus, fans force & fans refforts,
Vient par un calme heureux fecourir la nature,
Et lui porter l'oubli des peines qu'elle endure ;
L'autre anime nos cœurs, enflamme nos défirs,
Et même en nous trompant donne de vrais plaifirs.
Voltaire, Henri. ch. VII.

PORTRAIT DU TEMS,

ET DE LA DE'ESSE DE MEMOIRE.

CE

E vieillard qui d'un vol agile
Fuit fans jamais être arrêté,
Le Tems, cette image mobile
De l'immobile éternité,
A peine du fein des ténébres
Fait éclore les faits célébres,
Qu'il les replonge dans la nuit.
Auteur de tout ce qui doit être
11 détruit tout ce qu'il fait naître,
A mesure qu'il le produit,

Mais la Déeffe de Mémoire,
Favorable aux noms éclatans 2.

Souleve l'équitable hiftoire
Contre l'iniquité du tems;
Et dans le regiftre des âges;
Confacrant les nobles images,
Que la gloire lui vient d'offrir:
Sans cefle en cet augufte livre
Notre fouvenir voit revivre
Ce que nos yeux ont vû périr.
Rouffean, Ode au Prince Eugene.

UN

PORTRAIT DE VENUS.

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N long tiffu de fleurs ornant fa trefle blonde, Avoit abandonné les cheveux aux zéphirs : Son écharpe qui vole au gré de leurs foupirs, Laiffe voir les tréfors de fa gorge d'albâtre. Jadis en cet état Mars en fut idolâtre Quand aux champs de l'Olympe on célébra des jeux, Pour les tyrans défaits par fon bras valeureux. Rien ne manque à Venus; ni les lys, ni les roses, Ni le mélange exquis des plus aimables choses, Ni ce charme fecret dont l'œil est enchanté, Ni la grace plus belle encor que la beauté.

La Fontaine, Poëme d'Adonis.

LE

PORTRAIT DE VIRGILE.

E grand Virgile enfeigne à fes Bergers
L'art d'emboucher les chalumeaux légers;
Au Laboureur par des leçons utiles
Fait de Cerès hâter les dons fertiles;
Puis tout-à-coup la trompette à la main,
Dit les combats du Fondateur Romain,

Sea

Ses longs travaux couronnés de victoire ;
Et des Cefars prophétife la gloire.

Rouffeau, Epitre à Cl. Marot.

PORTRAIT DE VOLTAIRE,
par lui-même.

POUR moi, loin des Cités, fur les bords du Permeffe,

Je fuivois la nature & cherchois la fageffe;
Et des bords de la fphére où s'emporta Milton,
Et de ceux de l'abîme où pénétra Newton,
Je les voyois franchir leur carrière infinie;
Amant de tous les Arts & de tout grand Génie.
Implacable ennemi du calomniateur,
Du fanatique abfurde & du vil délateur,
Ami fans artifice, Auteur fans jaloufie ;
Adorateur d'un Dieu, mais fans hypocrifie,
Dans un corps languiflant, de cent maux attaqué.
Gardant un efprit libre à l'étude appliqué.
Voltaire, Difc. VI. de la nature de l'homme.

AL

POSTE'RITE'.

EURIDICE à SURE'N A.

LA poftérité vous devez des neveux, Et ces illuftres morts dont yous tenez la place Ont aflez mérité de revivre en leur race.

Tome II.

K

SURE NA.

Que tout meure avec moi, Madame, que m'importe,
Qui foule après ma mort la terre qui me porte?
Sentiront-ils percer par un éclat nouveau,
Ces illuftres ayeux la nuit de leur tombeau ?
Refpireront-ils l'air ou les feront revivre
Ces neveux, qui peut-être auront peine à les fuivre
Peut-être ne feront que les deshonorer,
Et n'en auront le fang que pour dégénérer ?
Quand nous avons perdu le jour qui nous éclaire,
Cette forte de vie eft bien imaginaire ;

Et le moindre moment d'un bonheur fouhaité
vaut mieux qu'une fi froide & vaine éternité.

Corneille, Surén. act. 1. fc. III.

JADIS

POUVOIR DE L'AMOUR.

ADIS fans choix les humains difperfés,
Troupe féroce & nourrie au carnage,
Du feul inftin& fuivoient la loi fauvage,
Se renfermoient dans les antres cachés ;
Et de leurs troncs par la faim arrachés,
Alloient, errans au gré de la nature >
Avec les ours difputer la pâture.
De ce cahos l'Amour réparateur
Fut de leurs loix le premier fondateur.
Il fut fléchir leurs humeurs indociles:
Les réunit dans l'enceinte des Villes :
Des premiers Arts leur donna les leçons :
Leur enfeigna l'ufage des moissons :
Chez eux logea l'amitié fecourable,
Avec la paix fa fœur inféparable;

Et devant tout dans les terreftres lieux
Fit refpe&ter l'autorité des Dieux.

Rouleau, Epitre à Madame Duffé.

炒茶

Je ne connois Rhéteur ni Maître-ès-Arts
Tel que l'Amour : il excelle à bien dire ;
Ses argumens, ce font de doux regards,
De tendres pleurs, un gracieux fourire.
La guerre aufli s'exerce en fon empire:
Tantôt couvrant fa marche & fes fineffes
Il prend des cœurs entourés de remparts.
Je le foutiens: pofez deux forterefles;
Qu'il en battè une une autre le Dieu Mars;
Que celui-ci faffe agir tout un monde,
Qu'il foit armé, qu'il ne lui manque rien;
Devant fon Fort je veux qu'il fe morfonde;
Amour tout nud fera rendre le fien.

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La Fontaine, Contes.

POUVOIR DES FEMMES.

LACUS à MARTIAN.

C'EST un foible appui des intérêts de Cour;

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Qu'une vieille amitié contre un nouvel amour.
Quoique veuille exiger une femme adorée
La réfiftance eft vaine, ou de peu de durée,
Elle choifit fes tems, & les choifit fi bien,
Qu'on le voit hors d'état de lui refuser rien.

Corneille, Othon, act. II. fc. IV.

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