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LUX

Quel eft ce vin ? d'où vient-il, je vous prie ?
D'où l'avez-vous ? il vient de Canarie:
C'est un nectar un breuvage d'élû; --
Dieu nous le donne, & Dieu veut qu'il foit bû.
Et ce caffé dont après cinq fervices
Votre eftomac goûte encor les délices ?
Par le Seigneur il me fut destiné,
Bon. Mais avant que Dieu vous l'ait donné
Ne faut-il pas que l'humaine industrie
L'aille ravir aux champs de l'Arabie
La porcelaine, & la frêle beauté
De cet émail à la Chine empâté,
Par mille mains fut pour vous préparée
Cuite, recuite, & peinte & diaprée ;
Cet argent fir, cizelé, gaudroné,
En plat, en vafe, en foucoupe tourné,
Fut arraché de la terre profonde,

Dans le Potofe, au fein d'un nouveau Monde.
Tout Punivers a travaillé pour vous,

Afin qu'en paix dans votre heureux courroux,
Vous infultiez, pieux atrabilaire

Au monde entier épuifé pour vous plaire.
O faux dévot, véritable mondain,
Connoiffez-vous ; & dans votre prochain
Ne blâmez pas ce que votre indolence
Souffre chez vous avec tant d'indulgence.
Sachez fur-tout que le luxe enrichit
Un grand Etat, s'il en perd un petit.
Cette fplendeur, cette pompe mondaine,
D'un regne heureux eft la marque certaine
Le riche eft né pour beaucoup dépenser,
Le pauvre eft fait pour beaucoup amaffer.
Dans ces jardins regardez ces cafcades
L'étonnement & l'amour des rayades;
Voyez ces flots dont les napes d'argent
Vont inonder ce marbre blanchiffant ;
Les humbles prez s'abreuvent de cette onde ;
La terre en eft plus belle & plus féconde.

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Mais de ces eaux fi la fource tarit
L'herbe eft féchée & la fleur fe flétrit.
Ainfi l'on voit en Angleterre, en France,
Par cent canaux circuler l'abondance;
Le goût du luxe entre dans tous les rangs;
Le pauvre y vit des vanités des Grands;
Et le travail gagé par la molleffe
S'ouvre à pas lents la route à la richesse.

Voltaire, Défenfe du Mondain,

....

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MAGNANIMITE'.

PORUS à EPHESTION.

UE verrois-je, & que pourrois-je apprendre ¿ Qui m'abaiffe fi fort au deffous d'Alexandre? Seroit-ce fans effort les Perfans fubjugués ; Et vos bras tant de fois de meurtres fatigués ? Quelle gloire en effet d'accabler la foibleffe D'un Roi déja vaincu par fa propre molleffe D'un peuple fans vigueur & prefque inanimé Qui gémiffoit fous l'or dont il étoit armé ; Et qui, tombant en foule, au lieu de fe défendre, N'oppofoit que des morts au grand cœur d'Alexandre? Les autres éblouis de fes moindres exploits, Sont venus à genoux lui demander des loix ; Et leur crainte écoutant je ne fais quels oracles, Ils n'ont pas crû qu'un Dieu pût trouver des obftacles: Mais nous, qui d'un autre œil jugeons des Conquérans Nous favons que les Dieux ne font pas des tyrans ; Et de quelque façon qu'un efclave le nomme, Le fils de Jupiter paffe ici pour un homme : Nous n'allons point de fleurs parfumer fon chemin Il nous trouve par-tout les armes à la main. Il voit, à chaque pas, arrêter fes conquêtes. Un feul rocher ici lui coûte plus de têtes

Plus de foins, plus d'affauts, & prefque plus de tems;
Que n'en coûte à fon bras l'Empire des Perfans.
Ennemis du repos qui perdit ces infâmes,

L'or qui naît fous nos pas, ne corrompt point nos ames;
La gloire eft le feul bien qui nous puiffe tenter,
Et le feul que mon cœur cherche à lui difputer.

Racine, Alexandr. act. 11. fc. I I.

TAXILE à PORU S.

Nous rendons ce qu'on doit aux illuftres exemples;
Vous adorez des Dieux qui nous doivent leurs temples,
Des Héros qui chez vous paffoient pour des mortels,
En venant parmi nous ont trouvé des autels.

Mais en vain l'on prétend chez des peuples fi braves;
Au lieu d'adorateurs fe faire des efclaves.
Croyez-moi, quelque éclat qui les puiffe toucher,
Ils refufent l'encens qu'on leur veut arracher.

Racine, Alexandr. act. 11. fc. II.

LAODICE à FLAMINIUS.

Tous les Rois ne font Rois qu'autant comme il vous plaît ;

Mais fi de leurs Etats Rome à fon gré difpofe,
Certes pour fon Attale elle fait peu de chofe;
Et qui tient dans fa main tant de quoi lui donner
A mendier pour lui devroit moins s'obtiner.
Pour un Prince fi cher fa réferve m'étonne;
Que ne me l'offre-t-elle avec une Couronne ?
C'eft trop m'importuner en faveur d'un fujet,
Moi qui tiendrois un Roi pour un indigne objet,
S'il venoit par votre ordre, & fi votre alliance
Souilloit entre fes mains la fuprême puiflance.
Ce font des fentimens que je ne puis trahir,
Je ne veux point de Rois qui fachent obéir,;
Et puifque vous voyez mon ame toute entiére,
Seigneur, ne perdez plus menace ni priére.

Corneille, Nicomed. act. 111. fc. II.

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