Images de page
PDF
ePub

PRE'SAGES,

AGRIPPINE à NE'RON.

POURSUIS, Neron, avec'de tels Miniftres,

Par des faits glorieux tu te vas signaler.
Pourfuis. Tu n'as pas fait ce pas pour reculer.
Ta main a commencé par le fang de ton frere,
Je prévois que tes coups viendront jufqu'à ta mere.
Tu te fatigueras d'entendre tes forfaits.

Tu voudras t'affranchir du joug de mes bienfaits.
Mais je veux que ma mort te foit même inutile;
Ne crois pas qu'en mourant je te laiffe tranquille.
Rome >
ce ciel, ce jour, que tu reçus de moi,
Par-tout, à tout moment, m'offriront devant toi.
Tes remords te fuivront comme autant de furies.
Tu croiras les calmer par d'autres barbaries.
Ta fureur s'irritant foi-même dans fon cours,
D'un fang toujours nouveau marquera tous ces jours.
Mais j'efpére qu'enfin le ciel, las de tes crimes,
Ajoutera ta perte à tant d'autres victimes;
Qu'après t'être couvert de leur fang & du mien,
Tu te verras forcé de répandre le tien ;
Etton nom paroîtra dans la race future,
Aux plus cruels tyrans une cruelle injure,
Voilà ce que mon cœur fe préfage de toi.
Adieu.
Racine, Britann. act. v.

fc. dern

PRESEN s.

LA clef du coffre fort & des cœurs, c'eft la même ;

Α

[ocr errors]

Que fi ce n'eft celle des cœurs
C'eft du moins celle des faveurs.
Amour doit à ce ftratagême

La plus grand' part de fes exploits :
A-t-il épuifé fon carquois ?

Il met tout fon falut en ce charme fuprême.
Je tiens qu'il a raifon : car qui hait les préfens?
Tous les humains en font friands •
Princes, Rois, Magiftrats: ainfi quand une Belle
En croira l'ufage permis

[ocr errors]

Quand Vénus ne fera que ce que fait Thémis,
Je ne m'écrierai pas contre elle.
On a bien plus d'une querelle

A lui faire fans celle-là.

La Fontaine, Conies.

PRE'S OM PTION.

CE'THE GUS à CATILINA.

TANDIS que tout s'apprête, & que ta main hardie

Va de Rome & du monde allumer l'incendie ;
Tandis que ton armée approche de ces lieux.
Sais-tu ce qui fe paffe en ces murs odieux.

CATILINA.

Je fais que d'un Conful la fombre défiance
Se livre à des terreurs qu'il appelle prudence,
Sur le vaiffeau public ce Pilote égaré
Préfente à tous les vents un flanc mal affuré ;
Il s'agite au hafard, à l'orage il s'apprête,
Sans favoir feulement d'où viendra la tempête.
Ne crains rien du Sénat : ce Corps foible & jaloux,
Avec joie en fecret l'abandonne à nos coups.
Ce Sénat divifé, ce monftre à tant de têtes,
Si fier de fa nobleffe & plus de fes conquêtes,
Voit avec les tranfports de l'indignation,
Les Souverains des Rois refpe&ter Cicéron.

Céfar n'eft point à lui, Craffus le facrifie :
J'attens tout de ma main, j'attens tout de l'envie ;
C'est un homme expirant qu'on voit d'un foible effort,
Se débattre & tomber dans les bras de la mort.

CE'THE'GUS.

Il a des envieux, mais il parle, il entraîne,
Il réveille la gloire, il fubjugue la haine
Il domine au Sénat.

CATILIN A.

[ocr errors]

Je le brave en tous lieux,

J'entens avec mépris fes cris injurieux,

Qu'il déclame à fon gré jufqu'à fa derniére heure, Qu'il triomphe en parlant, qu'on l'admire & qu'il meure, Voltaire, Rom, sauv. act. 11. ft. 1,

DANS un chemin montant, fabloneux, mal aifé; Et de tous les côtés au foleil expofé

Six forts chevaux tiroient un coche.

Femmes, Moines, Vieillards, tout étoit defcendu.
L'attelage fuoit, fouffloit, étoit rendu.

Une mouche furvient, & des chevaux s'approche,
Prétend les animer par fon bourdonnement,
Pique l'un, pique l'autre ; & penfe à tout moment
Qu'elle fait aller la machine,

S'affied fur le timon, fur le nez du cocher;
Auffi-tôt que le char chemine,

Et qu'elle voit les gens marcher,

Elle s'en attribue uniquement la gloire,
Va, vient, fait l'empreflée: il femble que ce foit
Un Sergent de bataille, allant en chaque endroit
Faire avancer fes gens, & hâter la victoire.

La Mouche, en ce commun befoin,

Se plaint qu'elle agit feule, & qu'elle a tout le foin:
Qu'aucun n'aide aux chevaux à fe tirer d'affaire.
Le Moine difoit fon Bréviaire :

Il prenoit bien fon tems! une femme chantoit:
C'étoit bien de chanfons qu'alors il s'agiffoit!
Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent fottifes pareilles.

Après bien du travail, le coche arrive au haut.
Refpirons maintenant, dit la Mouche auffi-tôt ;
J'ai tant fait, que nos gens font enfin dans la plaine.
La Fontaine, Fable du coche la mouche.

PRESSENTIMEN s.

SEIGNEUR

ZARE'S à AMAN.

EIGNEUR, nous fommes feuls. Que fert de fe flatter? Ce zéle que pour (1) lui vous fîtes éclater. Ce foin d'immoler tout à fon pouvoir fuprême, Entre nous, avoient-ils d'autre objet que vous-même ? Et fans chercher plus loin, tous ces Juifs défolés, N'eft-ce pas à vous feul que vous les immolez ? Et ne craignez-vous point que quelque avis funefte.... Enfin la Cour nous hait, le Peuple nous détefte. Ce (2) Juif même, il le faut confeffer malgré moi, Ce Juif comblé d'honneurs me caufe quelque effroi. Les malheurs font fouvent enchaînés l'un à l'autre, Et fa race toujours fut fatale à la vôtre. De ce léger affront fongez à profiter. Peut-être la fortune eft prête à vous quitter. Aux plus affreux excès fon inconftance paffe. Prévenez fon caprice avant qu'elle fe laffe. Où tendez-vous plus haut je frémis quand je voi Les abîmes profonds qui s'offrent devant moi.

(1) Affuerus, Roi de Perfe. (2) Mardochée.

2

La chute déformais ne peut être qu'horrible.
Ofez chercher ailleurs un deftin plus paisible.
Regagnez l'Hellefpont, & ces bords écartés
Où vos ayeux errans furent jadis jettés,
Lorfque des Juifs contre eux la vengeance allumée
Chafla tout Amalec de la trifte Idumée.
Aux malices du fort enfin dérobez-vous.

Nos plus riches tréfors marcheront devant nous.
Vous pouvez du départ me laiffer la conduite.
Sur-tout de vos enfans j'affurerai la fuite.
N'ayez foin cependant que de diffimuler.
Contente, fur vos pas vous me verrez voler.
La mer la plus terrible & la plus orageufe
Eft plus sûre pour nous que cette Cour trompeufe.
Racine, Efth. act. 111. fc. I.

AMESTRIS à DARI U S

CONTRE de vains détours ce grand cœur affermi
Qui fait avec tant d'art furprendre un ennemi,
Avec tant de valeur, fi plein de prévoyance,
A des amis de cour fe livre fans prudence.
Je frémis chaque inftant, chaque pas que je fais.
Jufqu'au filence affreux qui regne en ce Palais,
Tout me remplit d'effroi: mille triftes préfages
Semblent m'offrir la mort fous d'horribles images.
Vous ne la voyez pas, Seigneur : votre grand cœur
S'eft fait un foin cruel d'en méprifer l'horreur.
Mais moi, de vos mépris inftruite par les larmes,
Qu'arrachent de mon cœur les fecrettes allarmes,
Je crois déja vous voir, le couteau dans le flanc,
Expirer à mes pieds, noyé dans votre fang.
Fayez épargnez-moi le terrible fpectacle
De vous voir dans mes bras égorger fans obstacle.
Crébillon, Xercès, aft. IV. fc. LY.

« PrécédentContinuer »