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PRIX

DE LA JEUNESSE, ET DE LA BEAUTÉ.

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PHILL

HILIS, qu'eft devenu ce tems,

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Où dans un Fiacre promenée
Sans laquais, fans ajuftemens,
De tes feules graces ornée,
Contente d'un mauvais foupé,
Que tu changeois en ambroifie
Tu te livrois dans ta folie
A l'amant heureux & trompé,
Qui t'avoit confacré fa vie.
Le ciel ne te donnoit alors,
Pour tout rang & pour tout tréfors
Que la douce erreur de ton âge,
Un cœur tendre, un efprit volage.
Avec tant d'attraits précieux,
Hélas, qui n'eût été friponne!
Tu le fus, objet gracieux,
Et que l'amour me le pardonne,
Tu fais que je t'en aimois mieux.
Ah, Madame, que votre vie,
D'honneurs aujourd'hui fi remplie,
Différe de ces heureux tems.
Le large Suiffe à cheveux blancs,
Qui meut fans ceffe à votre porte,
Philis, eft l'image du Tems.
On diroit qu'il chaffe l'efcorte
Des tendres amours & des ris.
Sous vos magnifiques lambris,
Ces enfans tremblent de paroître.
Hélas! je les ai vus jadis
Entrer chez toi par la fenêtre,
Et fe jouer dans ton taudis.
Non, Madame, tous vos tapis
Qu'a tiffus la Savonnerie,

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Ceux que les Perfans ont ourdis,
Et toute votre Orfévrerie,

Et ces plats trop chers, que Germain
A gravés de fa main divine;
Et ces cabinets, où Martin
A furpaflé l'art de la Chine,
Vos vafes Japonois & blancs,
Toutes ces fragiles merveilles.
Ces deux luftres de diamans,
Qui pendent à vos deux oreilles
Et ces carcans, & ces coliers,
Et cette pompe enchantereffe,
Ne valent pas un des baifers,
Que tu donnois dans ta jeunesse.

Voltaire, Epître à Mudame de*

PRODIGE S.

ASSUR à SE' MIRA MIS.

JE

E fuis indigné. Qu'on fe fouvienne encor fi Ninus a régné. Croit-on après quinze ans fes mânes en colére? Ils fe feroient vengés, s'ils avoient pû le faire. D'un éternel oubli ne tirez point les morts. Je fuis épouvanté, mais c'eft de vos remords. Ah! nc confultez point d'oracles inutiles; C'eft par la fermeté qu'on rend les Dieux faciles. Ce fantôme inoui, qui paroît en ce jour, Qui naquit de la crainte, & l'enfante à fon tour, Peut-il vous effrayer par tous fes vains prestiges Pour qui ne les craint point, il n'eft point de prodiges Ils font l'appas groffier des peuples ignorans L'invention du fourbe, & le mépris des Grands.

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Voltaire, Sémiram. act. 11. fc. VII.

PRODIGES DE L'AMO U R.

A L'AMOUR tout miracle eft poffible.

Il enchante ces lieux par un charme invincible.
Des myrthes enlaffés que d'un prodigue fein
La terre obéiffante a fait naître foudain,
Dans les lieux d'alentour étendent leur feuillage:
A peine a-t-on paffé fous leur fatal ombrage,
Par des liens fecrets on fe fent arrêter;

On s'y plaît, on s'y trouble, on ne peut les quitter.
On voit fuir fous cette ombre une onde enchantereffe;
Les Amans fortunés pleins d'une douce yvreffe,
Y boivent à longs traits l'oubli de leur devoir.
L'Amour dans tous ces lieux fait fentir fon pouvoir.
Tout y paroît changé ; tous les cœurs y foupirent.
Tous font empoifonnés du charme qu'ils refpirent.
Tout y parle d'amour. Les oifeaux dans les champs
Redoublent leurs baifers, leurs careffes, leurs chants.
Le Moiffonneur ardent qui court avant l'aurore
Couper les blonds, épics que l'Eté fait éclore,
S'arrête, s'inquiéte, & pouffe des foupirs.
Son cœur eft étonné de fes nouveaux défirs.
Il demeure enchanté dans ces belles retraites,
Et laiffe en foupirant fes moiffons imparfaites.
Près de lui la Bergére oubliant fes troupeaux,
De fa tremblante main fent tomber fes fufeaux.
Voltaire, Henri. ch. 1X4

L'AMOUR fent à fa* vûe une joie inhumaine,
11 aiguife fes traits, il prépare fa chaîne,
Il agite les airs que lui même a calmés,
Il parle, on voit foudain les élémens armés

*A la vie de Henri IV.

D'un bout du monde à l'autre appellant les orages,
Sa voix commande aux vents d'aflembler les nuages,
De verfer ces torrens fufpendus dans les airs,
Et d'apporter la nuit, la foudre & les éclairs.
Déja les aquilons à fes ordres fidéles,

Dans les cieux obfcurcis ont déployé leurs aîles;
La plus affreufe nuit fuccéde au plus beau jour ;
La nature en gémit & reconnoît l'Amour.

Voltaire, Henri. ch. IX.

PRODIGES DE LA POESIE.

AVANT

VANT que la raifon s'expliquant par la voix Eût inftruit les humains, eût enfeigné des loix: Tous les hommes fuivant la groffiére nature; Difperfés dans les bois couroient à la pâture. La force tenoit lieu de droit & d'équité : Le meurtre s'exerçoit avec impunité. Mais du difcours enfin l'harmonieuse adreffe, De ces fauvages mœurs adoucit la rudeffe Raffembla les humains dans les forêts épars, Enferma les Cités de murs & de remparts; De l'afpect du fupplice effraya l'infolence, Et fous l'appui des loix mit la foible innocence. Cet ordre, fut, dit-on, le fruit des premiers vers! De-là font nés ces bruits reçus dans l'univers, Qu'aux accens, dont Orphée emplit les monts de Thrace; Les tigres amollis dépouilloient leur audace: Qu'aux accords d'Amphion les pierres fe mouvoient, Et fur les murs Thebains en ordre s'élevoient. L'harmonie, en naiffant, produifit ces miracles. Depuis, le ciel en vers fit parler les oracles; Du fein d'un Prêtre, émû d'une divine horreur, Apollon par des vers exhala fa fureur. Bien-tôt reffufcitant les Heros des vieux âges Homere aux grands exploits anima les courages,

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Hefiode à fon tour par d'utiles leçons

Des champs trop pareffeux vint hâter les moiffons.
En mille Ecrits fameux la fagesse tracée,

Fut, à l'aide des vers, aux mortels annoncée ;
Et par-tout des efprits fes préceptes vainqueurs,
Introduits par l'oreille, entrérent dans les cours.
Pour tant d'heureux bienfaits, les Mufes révérées,
Furent d'un jufte encens dans la Grece honorées ;
Et leur Art attirant le culte des mortels,
A fa gloire en cent lieux vit dreffer des autels.
Despréaux, Art Poët. ch. IV.

TOUTE

PROFESSION.

OUTE Profeffion s'eftime dans fon cœur,
Traite les autres d'ignorantes,

Les qualifie impertinentes

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Et femblables difcours qui ne nous coûtent rien.
L'amour-propre au rebours fait qu'au dégré suprême
On porte fes pareils; car c'eft un bon moyen
De s'élever auffi foi-même.

Ici bas maint talent n'eft que pure grimace,
Cabale & certain art de fe faire valoir,
Mieux sû des ignorans que des gens de favoir.

La Fontaine, Fable du lion, du finge, &c.

PROSPERITE DES ME'CHANS.

CES hommes qui n'ont point encore

s

Eprouvé la main du Seigneur,
Se flattent que Dieu les ignore,
Et s'enivrent de leur bonheur.

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